vendredi 27 juin 2008

Ressources de l'histoire - pouvoirs des Lettres

Et pas seulement son usage et mésusage (voir l'édition "participative" sur Médiapart).

C. Charle sur la faculté des Lettres de la Sorbonne (what other?), et ses mailles avec le pouvoir exécutif, en ces temps de tension politique : Paul Mazon rapporte son entrevue avec le ministre Doumergue, après que celui-ci ait contourné l'avis de la commission de spécialistes pour une nomination (La République des universitaires, 234) :

Oui, j'ai causé hier avec le ministre pendant plus d'une demi-heure. C'est un très honnête homme : je le savais déjà. Il m'a déclaré qu'il n'agissait sous aucune pression, sans arrière-pensée politique ou autre. Mais il trouve décourageant pour les professeurs de province de voir qu'on ne tient pas compte de leur ancienneté et de leurs titres. J'ai répondu qu'il serait encore plus décourageant pour eux de voir qu'on ne tient pas compte de l'avis des gens cmpétents. Je lui ai aors expliqué [...]. (J'ai expliqué au ministre ce que c'était qu'une "explication" grecque). Il m'a opposé des chicanes, il a fait venir des dossiers et montré des notes d'agrégation d'il y a dix ans. Je lui ai ri au nez. Il a convenu que l'argument n'était pas sérieux. Enfin je lui ai commenté la décision de la Faculté et la difficulté qu'il y avait à n'en tenir aucun compte [...]. (28 juillet 1908).

La question, pour les Lettres spécifiquement, des rapports d'ingérence politique, et de "l'inachèvement de l'autonomie" scientifique. Qui se rejoue, bien entendu : le point intéressant à regarder est le changement du terrain. La dévalorisation du "pouvoir culturel" et du "pouvoir intellectuel" du champ dans son ensemble modifiant, par dynamique sociologique ordinaire, les jeux, travaux et oeuvres, clivages et alliances, possibles en son sein.
C'est donc : le dénouage de ce contrat culturel où "les valeurs culturelles transmises par les disciplines littéraires [étaient] parties prenantes dans la légitimation du pouvoir social, en lettres, philosophie, histoire, voire en langues" (241) ; et où la Sorbonne avait à ramer dur, et ambigu parfois, pour "garder sa position dominante dans la transmission de la culture nationale", en face à la fois de "l'impérialisme scientifique" et "du domaine incontesté du droit dans une société libérale".

Enseignements : les "moments d'intense politisation des enjeux intellectuels" (228 - anticléricalisme d'Etat), "mise en cause du statut universitaire" (dans les nominations et autres ingérences de l'exécutif), conflits avec refus de la raison d'Etat, promotion de "la nécessité d'un pouvoir des 'intellectuels' " par les facultés, et travail continu de reconquête de l'autonomie universitaire contre l'Université napoléonienne, ses Ecoles spéciales et sa vision ingénieriste du savoir, et ses confusions entre hiérarchies scientifiques et administratives (le modèle de l'élite comme haut fonctionnariat).
Sur les Lettres spécifiquement, dans l'étude historique des situations locales de cooptations : le pouvoir intellectuel, et le pouvoir culturel, en jeu.
Pour les Lettres et les langues : l'enjeu est un rayonnement national, l'orientation des disciplines vers la représentation de la Culture française, l'esprit français (dont : enjeu diplomatique, dans l'équilibre des pouvoirs en Europe, fin XIXe et jusqu'aux années 1930). Plus on approche d'elle, plus le baromètre des enjeux monte.

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