Oui, aussi : que dans le travail critique, il s'agit simplement d'être son propre contemporain. Collectivement donc - ce collectif tiraillé qu'est le collectif démocratique, dans ses divers plateaux. Le critique est politique par ce qu'il, dans la mesure où il, est autre chose qu'un dialogue - société du débat et des négociations et de la communication rationnelle. Participation, nous. Mais par. Le critique est social socialisant en ce qu'il est le courant mouvant précipitant du présent. Etre "nos", diversement nôtre, contemporains. Et c'est devant. Woolf sait ça ; Stein ; les Modernists, comme théoriciens du politique.
Pas de société, seulement du contemporain.
Tiens, m'amène à noter ici un jalon intéressant : le volume The Jewish Writings, de H. Arendt (NY, 2006), commenté par Judith Butler dans la RILI n°2. L'Etat-nation, et son implication nécessaire des masses de sans-états. Le peuple juif comme cas critique pour penser la nation, le peuple, l'état, la souveraineté, le territoire, les collectifs culturels migrants, la fédération de groupes aux intérêts divergents, la non-totalité dans les formes de l'état.
De même, par un autre versant, la critique de la démocratie pour ses refoulés du conflit comme éléments anthropologique dans l' Eloge du conflit, de Miguel Benasayag & Angélique del Rey (La Découverte, sept. 2007).
dimanche 25 novembre 2007
Scientificité et militance
Je débouche encore, en cherchant cherchant où me mène l'appel d'air critique puissant du côté du capitalisme cognitif, sur la question du rapport entre scientificité et militance. Du travail critique public en démocratie (mais laquelle), du rapport professionnel à la tutelle, de ce paradoxe - soit tension sociale sans paradoxe, la situation sociale elle-même - du travail intellectuel comme profession, la critique comme contribution sociale placée dans un rapport à l'autorité, et dans un rapport de pouvoir.
Je cherche seulement, il n'y à chercher que, si on veut chercher depuis la scientificité, la discipline (càd avec son historicité - Saussure : la linguistique, science critique et historique ; ce point de tenue, éthique scientifique, pratiqué par la question de savoir ce que fait un linguiste), quels modes conceptuels deviennent nécessaires, ceux en place nécessairement chamboulés, dégagés du chemin qui trace avec son urgence sa nécessité. Quelles disciplinarités ; et quels rapports à recomposer de l'activité de savoir au paysage institutionnel et au régime social et idéologique. Ce qu'il y a à déraciner des pratiques parce que c'est déjà devenu sans pertinence, tournant à vide, déjà seulement de la reproduction, avec ses dégâts.
Je prends ce trope idéologique présent de la "société de la connaissance" par la question des disciplines. A B. Cassin je veux demander ce que la philologie (la sienne) répond au formatage de la recherche par le moteur de recherche et comment. Ce que fait un(e) philologue, à la culture contemporaine. Ce qu'une science "humaine et sociale" fait comme critique culturelle - soit comme production de société. Production sociale et production de société ; socialisation, politisation. A C. Salmon demander ce que la narratologie contemporaine fait au trope idéologique du storytelling ; à la culturologie de Benveniste ce qu'elle fait à la politique de la culture déployée par la mondialisation et les mondialités.
C'est pourquoi les termes dans lesquels Paris 8 répond à la situation actuelle est bien vue : répondre depuis la question : l'université critique.
Travailler où ça engage, où ça mord. Planter un jalon lancer un feeler, grappin, et tirer l'historicité d'une longueur de corps. On est étonné de se retrouver là. Faut cartographier à neuf, et trouver comment respirer ; vivre et vitaliser.
Courant derrière Mrs Brown, avec la joie woolfienne et les cheveux en bataille, toutes épingles à chapeau flying, mais aussi avec le déchirement aux tripes des souffrances sociales dans ces recompositions. Et modes de domination. Suffocations du social.
Je cherche seulement, il n'y à chercher que, si on veut chercher depuis la scientificité, la discipline (càd avec son historicité - Saussure : la linguistique, science critique et historique ; ce point de tenue, éthique scientifique, pratiqué par la question de savoir ce que fait un linguiste), quels modes conceptuels deviennent nécessaires, ceux en place nécessairement chamboulés, dégagés du chemin qui trace avec son urgence sa nécessité. Quelles disciplinarités ; et quels rapports à recomposer de l'activité de savoir au paysage institutionnel et au régime social et idéologique. Ce qu'il y a à déraciner des pratiques parce que c'est déjà devenu sans pertinence, tournant à vide, déjà seulement de la reproduction, avec ses dégâts.
Je prends ce trope idéologique présent de la "société de la connaissance" par la question des disciplines. A B. Cassin je veux demander ce que la philologie (la sienne) répond au formatage de la recherche par le moteur de recherche et comment. Ce que fait un(e) philologue, à la culture contemporaine. Ce qu'une science "humaine et sociale" fait comme critique culturelle - soit comme production de société. Production sociale et production de société ; socialisation, politisation. A C. Salmon demander ce que la narratologie contemporaine fait au trope idéologique du storytelling ; à la culturologie de Benveniste ce qu'elle fait à la politique de la culture déployée par la mondialisation et les mondialités.
C'est pourquoi les termes dans lesquels Paris 8 répond à la situation actuelle est bien vue : répondre depuis la question : l'université critique.
Travailler où ça engage, où ça mord. Planter un jalon lancer un feeler, grappin, et tirer l'historicité d'une longueur de corps. On est étonné de se retrouver là. Faut cartographier à neuf, et trouver comment respirer ; vivre et vitaliser.
Courant derrière Mrs Brown, avec la joie woolfienne et les cheveux en bataille, toutes épingles à chapeau flying, mais aussi avec le déchirement aux tripes des souffrances sociales dans ces recompositions. Et modes de domination. Suffocations du social.
Connaissance, profit, non-profit
Si j'ai une contribution à proposer aux travaux de Paris 8 dans le cadre de la journée Université critique (samedi 1er décembre), contribution aux "cours alternatifs", à la grève active etc - soit, une situation qui m'intéresse centralement : la réponse scientifique aux confrontations politiques actuelles - ce serait en invitant l'attention à se porter sur un élément de contexte large, disons en une gobée : la société de la connaissance. D'où le programme du séminaire Diversité des langues de cette année, "La société de la connaissance : vocabulaire et institution" (argumentaire consultable en ligne)
L'intérêt de cette attention est d'ordre stratégique - ce que j'entends comme autre chose qu'un état dégradé de l'action politique : un caractère programmatique de l'activité ; un effort, travail simplement, pour orienter le regard vers les "flux" (voilà que j'ai Deleuze et Guattari dans le corps) de plus grande puissance conceptuelle et critique. Il s'agit de désamorcer, laisser passer sans panique les houles de la crise, sans se dérater, sans danser au rythme imposé par les techniques de l'urgence - modes du contrôle politique par la réforme et par la transformation du système de la contractualisation quadriennale en machine de menace pression fragmentation mise au pas, éventuellement de type paranoïaque : self-imposed car fantasmée. (Moins on définit les critères, plus on les libéralise, plus ils exercent cette pression caractéristique.)
On peut passer à une autre temporalité critique ; vivre et analyser la crise présente comme moins une nouvelle étape d'une série maintenant longue et répétitive et produisant sa battle-fatigue propre - avec les démobilisations, les inerties et les plus-rien-à-dire, les retards de réaction des syndicats - que comme le phénomène de mutations moins locales, moins sectorielles, moins conjoncturelles, auxquelles répondre par un travail de fond autant, aussi, que par une réaction militante d'action protestataire. Moins une crise qu'une mutation, comme ensemble culturel massif, lent et revolution-quick à la fois. La situation de la recherche et de l'enseignement supérieur à penser nécessairement dans le contexte élargi du capitalisme cognitif, donc de la société de la connaissance, donc de la construction de l'Europe. Et du modèle américain du système de production mondial. Soit : les conditions de production des sociétés contemporaines, une idéologie des savoirs associée à elles, avec ses politiques réalisées, un mode politique et une géopolitique. Société, culture, politique et géopolitique - ce complexe, cognitivo-(post)industriel.
Ici, par exemple, un point, que me rappelle ELB à la séance du groop de vendredi : le modèle américain, qui sert sur de nombreux plans à l'utopie néolibérale française, propose un concept et une infrastructure sociale qui est méconnu par les translations européennes, françaises tout parculièrement. La notion de non-profit, et de non-profit organizations, not for profit organizations. F. Martel dans De la culture en Amérique fait son travail de passeur pour la donner à connaître, et à montrer ce qui se joue dans son ignorance dans le débat public français sur les taking apart de la fonction publique. ELB le traduit par mécénat, et contraste avec partenariat : deux modèle de l'introduction de financements privés dans les affaires publiques, l'université et l'enseignement et la production des savoirs publics (produits par le public et pour la société, la vie des sociétés). L'un privatisant, dans la logique du capital : monopolisation des plus-values sur les produits, jusqu'à composer des situations de sous-traitance : les universités, les institutions publiques, comme productrices, mises au travail pour générer du retour sur investissement et multiplication du profit. Un détournement de la valeur sociale. Transformant les statuts des travailleurs, producteurs, dans le cadre de contrats privés - là, alors, tout ce qu'on connaît des nouveaux modes du travail ou de sa disparition. L'autre investissant par les formes de la fondation, mettant à disposition des financements pour la production elle-même, en direction de la société. Sans ignorer les modes propres de détournement et récupération de valeur, nécessaires, ici, il reste crucial de déconfondre les deux modèles dans le débat discursif quotidien de ces semaines et années. Ne pas faire passer l'un pour l'autre. Sous-traitance, ou production sociale.
L'intérêt de cette attention est d'ordre stratégique - ce que j'entends comme autre chose qu'un état dégradé de l'action politique : un caractère programmatique de l'activité ; un effort, travail simplement, pour orienter le regard vers les "flux" (voilà que j'ai Deleuze et Guattari dans le corps) de plus grande puissance conceptuelle et critique. Il s'agit de désamorcer, laisser passer sans panique les houles de la crise, sans se dérater, sans danser au rythme imposé par les techniques de l'urgence - modes du contrôle politique par la réforme et par la transformation du système de la contractualisation quadriennale en machine de menace pression fragmentation mise au pas, éventuellement de type paranoïaque : self-imposed car fantasmée. (Moins on définit les critères, plus on les libéralise, plus ils exercent cette pression caractéristique.)
On peut passer à une autre temporalité critique ; vivre et analyser la crise présente comme moins une nouvelle étape d'une série maintenant longue et répétitive et produisant sa battle-fatigue propre - avec les démobilisations, les inerties et les plus-rien-à-dire, les retards de réaction des syndicats - que comme le phénomène de mutations moins locales, moins sectorielles, moins conjoncturelles, auxquelles répondre par un travail de fond autant, aussi, que par une réaction militante d'action protestataire. Moins une crise qu'une mutation, comme ensemble culturel massif, lent et revolution-quick à la fois. La situation de la recherche et de l'enseignement supérieur à penser nécessairement dans le contexte élargi du capitalisme cognitif, donc de la société de la connaissance, donc de la construction de l'Europe. Et du modèle américain du système de production mondial. Soit : les conditions de production des sociétés contemporaines, une idéologie des savoirs associée à elles, avec ses politiques réalisées, un mode politique et une géopolitique. Société, culture, politique et géopolitique - ce complexe, cognitivo-(post)industriel.
Ici, par exemple, un point, que me rappelle ELB à la séance du groop de vendredi : le modèle américain, qui sert sur de nombreux plans à l'utopie néolibérale française, propose un concept et une infrastructure sociale qui est méconnu par les translations européennes, françaises tout parculièrement. La notion de non-profit, et de non-profit organizations, not for profit organizations. F. Martel dans De la culture en Amérique fait son travail de passeur pour la donner à connaître, et à montrer ce qui se joue dans son ignorance dans le débat public français sur les taking apart de la fonction publique. ELB le traduit par mécénat, et contraste avec partenariat : deux modèle de l'introduction de financements privés dans les affaires publiques, l'université et l'enseignement et la production des savoirs publics (produits par le public et pour la société, la vie des sociétés). L'un privatisant, dans la logique du capital : monopolisation des plus-values sur les produits, jusqu'à composer des situations de sous-traitance : les universités, les institutions publiques, comme productrices, mises au travail pour générer du retour sur investissement et multiplication du profit. Un détournement de la valeur sociale. Transformant les statuts des travailleurs, producteurs, dans le cadre de contrats privés - là, alors, tout ce qu'on connaît des nouveaux modes du travail ou de sa disparition. L'autre investissant par les formes de la fondation, mettant à disposition des financements pour la production elle-même, en direction de la société. Sans ignorer les modes propres de détournement et récupération de valeur, nécessaires, ici, il reste crucial de déconfondre les deux modèles dans le débat discursif quotidien de ces semaines et années. Ne pas faire passer l'un pour l'autre. Sous-traitance, ou production sociale.
samedi 24 novembre 2007
Réponse par le discours
Bien entendu, je retrouve tout naturellement sous mes pas, je regarde sans étonnement (autre que celui de n'y avoir pas pensé avant - c'est le temps de la vie politique) comment au milieu d'un étranglement historique - verrou de confrontation avec les conflits sociaux actuels, fonction publique, régimes spéciaux de retraite, résistance aux réformes de l'université - je tourne vers le discours. Comment il y a à tourner vers le discours, et à trouver, éventuellement soudain, des façons de qu'a le discours de se mettre à l'oeuvre dans un présent idéologique.
Mini breakthrough donc hier : travailler à la situation idéologique présente en constituant une archive des textes, analyses et déclarations qui se multiplient maintenant (latence, là aussi, mais qu'il n'y a pas à regretter - une rapidité de réaction du côté des étudiants, encore lancés dans la dynamique de mobilisation du CPE il y a 18 mois ; une rapidité de réaction mais dans des conditions d'un inaudible sociale comme situation discursive maintenant settled des travaux de Sauvons la Recherche ; et une lenteur de réaction des universitaires, qu'il y a à lire comme résultats des techniques de l'urgence, "réformes" et quadriennaux exigés à calendriers raccourcis, par lesquels ils sont ralentis et divisés). Ces textes, comme autant d'incisions discursives dans la masse idéologique, à rassembler, à rendre disponibles, travailler leur lisibilité, travail éditorial et culturel. Un projet pour Polart donc.
C'est toujours : chercher, retrouver, des modes de vie (moins spectaculaires même de d'action - pas d'héroïsme à chercher, mais la vie, praxis simplement-nécessairement) du côté de la ressource anthropologique, le discours.
Et : il faut publier. Travail culturel.
Mini breakthrough donc hier : travailler à la situation idéologique présente en constituant une archive des textes, analyses et déclarations qui se multiplient maintenant (latence, là aussi, mais qu'il n'y a pas à regretter - une rapidité de réaction du côté des étudiants, encore lancés dans la dynamique de mobilisation du CPE il y a 18 mois ; une rapidité de réaction mais dans des conditions d'un inaudible sociale comme situation discursive maintenant settled des travaux de Sauvons la Recherche ; et une lenteur de réaction des universitaires, qu'il y a à lire comme résultats des techniques de l'urgence, "réformes" et quadriennaux exigés à calendriers raccourcis, par lesquels ils sont ralentis et divisés). Ces textes, comme autant d'incisions discursives dans la masse idéologique, à rassembler, à rendre disponibles, travailler leur lisibilité, travail éditorial et culturel. Un projet pour Polart donc.
C'est toujours : chercher, retrouver, des modes de vie (moins spectaculaires même de d'action - pas d'héroïsme à chercher, mais la vie, praxis simplement-nécessairement) du côté de la ressource anthropologique, le discours.
Et : il faut publier. Travail culturel.
Critique et militantisme
En ce moment, une question qui se présente et donc s'offre au travail de distinction, d'affinement : le rapport entre le travail critique - professionnalisé dans les formes institutionnelles de l'enseignement et de la recherche, l'université et les équipes et les publications et les lieux extra-universitaires du débat intellectuel - et le travail militant, travail politique, vie politique.
Ce rapport n'est pas confortable. Qu'est-ce qui brouille, qu'est-ce qui génère de l'incertitude ? Sachant qu'un inconfort peut être lui-même institutionnalisé dans des structures sociales et simplement une praxis, et simplement un mode social, sans scandale et sans drame, simple processus du problématique. On l'appellera la séparation des pouvoirs, et le processus démocratique, par exemple. Voir. Sachant également qu'un inconfort peut être plus conjoncturel que structurel, et donc instructif quant à un présent idéologique - et aux frayages possibles de la vie dans ses conditions.
L'institution de l'opposition (en Grande-Bretagne, la notion de cabinet fantôme, et le front parlementaire qui met les deux partis en face, rituel de chien de faïence, avec ses immobilismes propres), et l'institution, la valeur sociale, de la critique et ses professions.
Sans doute dans Weber, des propositions sur le savant et le politique, et la situation sociale des intellectuels, l'intégration productive de leur travail dans le travail social.
Un rapport au pouvoir, certainement, et aux instances du pouvoir institué, élu, termes actuels.
Aux Etats-Unis la perspective des gouvernants comme serviteurs du peuple est structurellement/culturellement visible, active, dans les débats publics politiques. Ici une vieille histoire et une histoire épaisse de couches nombreuses, encore superposées et non relevées, de modes de domination brouille opacifie complique - la complication, l'histoire et ses rémanences multiples actives, comme technique de contrôle. Un conservatisme qui fonctionne comme une stratégie, une "vieille Europe", qui brouille la vision des enjeux d'une Europe néo, avec ses propres modes de domination.
Critique et militantisme : de même que pour n'importe quel travail - ici le continu ininterrompu -, il s'agit de la scientificité du travail. Répondre comme scientifique, non comme militant. Tenir ça serré - c'est ça qui force le frayage. Depuis la disciplinarité, questionnement des disciplines.
La pratique politique, militante, explore et compose d'autres savoirs - savoirs sociaux, expérimentaux, en particulier concernant le rapport de force ; et le rapport politique dans son intime.
Ce rapport n'est pas confortable. Qu'est-ce qui brouille, qu'est-ce qui génère de l'incertitude ? Sachant qu'un inconfort peut être lui-même institutionnalisé dans des structures sociales et simplement une praxis, et simplement un mode social, sans scandale et sans drame, simple processus du problématique. On l'appellera la séparation des pouvoirs, et le processus démocratique, par exemple. Voir. Sachant également qu'un inconfort peut être plus conjoncturel que structurel, et donc instructif quant à un présent idéologique - et aux frayages possibles de la vie dans ses conditions.
L'institution de l'opposition (en Grande-Bretagne, la notion de cabinet fantôme, et le front parlementaire qui met les deux partis en face, rituel de chien de faïence, avec ses immobilismes propres), et l'institution, la valeur sociale, de la critique et ses professions.
Sans doute dans Weber, des propositions sur le savant et le politique, et la situation sociale des intellectuels, l'intégration productive de leur travail dans le travail social.
Un rapport au pouvoir, certainement, et aux instances du pouvoir institué, élu, termes actuels.
Aux Etats-Unis la perspective des gouvernants comme serviteurs du peuple est structurellement/culturellement visible, active, dans les débats publics politiques. Ici une vieille histoire et une histoire épaisse de couches nombreuses, encore superposées et non relevées, de modes de domination brouille opacifie complique - la complication, l'histoire et ses rémanences multiples actives, comme technique de contrôle. Un conservatisme qui fonctionne comme une stratégie, une "vieille Europe", qui brouille la vision des enjeux d'une Europe néo, avec ses propres modes de domination.
Critique et militantisme : de même que pour n'importe quel travail - ici le continu ininterrompu -, il s'agit de la scientificité du travail. Répondre comme scientifique, non comme militant. Tenir ça serré - c'est ça qui force le frayage. Depuis la disciplinarité, questionnement des disciplines.
La pratique politique, militante, explore et compose d'autres savoirs - savoirs sociaux, expérimentaux, en particulier concernant le rapport de force ; et le rapport politique dans son intime.
vendredi 23 novembre 2007
Théorie : exercice de contexte
Si, comme je crois en avoir entendu la queue d'une rumeur, il doit se tenir un nouveau grand colloque à Nanterre sur "Whither Theory? " à la fin de cette année, j'aurais envie de m'y prendre différemment - je mesure ici un déplacement de perspective qui m'intéresse.
J'aurais envie de regarder en enfilade 1947, 1977, 2007 - too beautiful to miss, right? Cadre sans gravité historique, just a note.
1947 : "La situation de l'écrivain en 1947", Sartre et les notions de situation, et d'intellectuel, elles-mêmes situées et spécifiques. Donnant un jalon d'un contexte politique et théorique d'époque.
1977 : Deleuze sur les "Nouveaux philosophes" - et le début du tour contre-saussurien
2007 : what now? Un état culturel, politique, théorique, à travailler.
J'y pense en commençant à lire Jameson sur "Postmodernism, or The Cultural Logic of Late Capitalism" (1984, New Left Review), pour réfléchir au rapport actuel de la culture au politique. Question posée aussi, par une autre prise tout à fait, dans Taguieff (Les Contre-réactionnaires, 2007 : chez lui, culturel fonctionne comme pseudo du politique ; comme idéologie comme dégradation de la res publica. Il en va ici des conceptions de l'idéologie comme moteur du public, et des modes de publicité - république, nation, communautarismes et groupes, public généré par les oeuvres, les médias et les sondages, etc. - actuellement en concurrence. Ce point de regard est capital, et à tenir. En repassant par Dewey s'il faut).
Jameson donc : contextualisant la question de la rupture modernisme / postmodernisme dans une histoire (dont : mise en question des théories de la périodisation - soit, des théories de l'histoire et des sociétés), par le point de vue de son articulation à des modes capitalistes différents - passage à la société post-industrielle (dont le concept est rendu, précisément, à Daniel Bell). Mutations du capitalisme, et mutations non seulement de la culture, mais du rapport culture-société même. J'ai hâte qu'il arrive à son point, que j'espère peut-être à contresens, sur non seulement la logique culturelle du néocapitalisme, mais aussi sa logique culturelle. Culturalisation de la société. D'où une politique culturelle transformée, des enjeux déplacés, et un statut méconnaissable des pratiques et objects culturels et de l'art dans la culture et dans la société.
La théorie ici : est située. Et sa mise en crise, de dehors et de dedans, désabsolutisée. C'est aussi pourquoi les choses ne se présentent pas de la même façon pour "Whither Theory?" 2003 et l'éventuel "Whither Theory?" 2007.
Regarder donc ce qui se compose sur la table quand on appelle la question de la place de la question théorique dans son contexte culturel. Jameson, l'article de 1984 : "the political spirit in which the following analysis was devised: to project some conception of a new systemic cultural norm and its reproduction, in order to reflect more adequately on the most effective forms of any radical cultural politics today. / The exposition will take up in turn the following constitutive features of the postmodern: a new dephtlessness, which finds its prolongation both in contemporary 'theory' and in a whole new culture of the image or the simulacrum; a consequent weakening of historicity; ...". J'interromps ici pour faire une lexie digérable. La "théorie", située comme élément déterminant de cet ensemble culturel. Acteur d'époque - et non constante d'un rapport savoir-pouvoir aux coordonnées variables mais indentiques. Ce n'est jamais le même rapport ; lignes de clivage, lignes de front, recomposées, ailleurs, autre chose. C'est pour ça qu'on ne parle plus tant de théorie maintenant ; les problèmes ont bougé, emportant avec eux l'histoire des conflits et les positionnements idéologiques. La guerre de la théorie est une question d'époque. A prendre comme telle - pour ne pas vivre sur des cartes périmées, mais bien retrouver la question du savoir-pouvoir sous nos pieds, là où, et comme, elle est. Comme on peut la penser ici maintenant.
Dire que le débat a une situation aux Etats-Unis (Culture war, situation des universités dans l’espace public, dans la société, une configuration du savoir-pouvoir, et une histoire), différente de la française ou de l’anglaise (Cultural studies, tradition marxiste). En France, Cusset, l’anglistique, etc. Le retour du sujet, les réactions littéraires : Compagnon, W. Marx, Citton etc. Défense de la littérature : contre la théorie. Humanités.
Le débat n’est donc pas exactement - pas seulement - conceptuel. Il demande, en revanche, une réponse du travail conceptuel. Et la poétique comme contextualisation.
Faire jouer aussi : l'état des lieux, d'humeur noire en période de guerre d'Irak, de Critical Inquiry.
J'aurais envie de regarder en enfilade 1947, 1977, 2007 - too beautiful to miss, right? Cadre sans gravité historique, just a note.
1947 : "La situation de l'écrivain en 1947", Sartre et les notions de situation, et d'intellectuel, elles-mêmes situées et spécifiques. Donnant un jalon d'un contexte politique et théorique d'époque.
1977 : Deleuze sur les "Nouveaux philosophes" - et le début du tour contre-saussurien
2007 : what now? Un état culturel, politique, théorique, à travailler.
J'y pense en commençant à lire Jameson sur "Postmodernism, or The Cultural Logic of Late Capitalism" (1984, New Left Review), pour réfléchir au rapport actuel de la culture au politique. Question posée aussi, par une autre prise tout à fait, dans Taguieff (Les Contre-réactionnaires, 2007 : chez lui, culturel fonctionne comme pseudo du politique ; comme idéologie comme dégradation de la res publica. Il en va ici des conceptions de l'idéologie comme moteur du public, et des modes de publicité - république, nation, communautarismes et groupes, public généré par les oeuvres, les médias et les sondages, etc. - actuellement en concurrence. Ce point de regard est capital, et à tenir. En repassant par Dewey s'il faut).
Jameson donc : contextualisant la question de la rupture modernisme / postmodernisme dans une histoire (dont : mise en question des théories de la périodisation - soit, des théories de l'histoire et des sociétés), par le point de vue de son articulation à des modes capitalistes différents - passage à la société post-industrielle (dont le concept est rendu, précisément, à Daniel Bell). Mutations du capitalisme, et mutations non seulement de la culture, mais du rapport culture-société même. J'ai hâte qu'il arrive à son point, que j'espère peut-être à contresens, sur non seulement la logique culturelle du néocapitalisme, mais aussi sa logique culturelle. Culturalisation de la société. D'où une politique culturelle transformée, des enjeux déplacés, et un statut méconnaissable des pratiques et objects culturels et de l'art dans la culture et dans la société.
La théorie ici : est située. Et sa mise en crise, de dehors et de dedans, désabsolutisée. C'est aussi pourquoi les choses ne se présentent pas de la même façon pour "Whither Theory?" 2003 et l'éventuel "Whither Theory?" 2007.
Regarder donc ce qui se compose sur la table quand on appelle la question de la place de la question théorique dans son contexte culturel. Jameson, l'article de 1984 : "the political spirit in which the following analysis was devised: to project some conception of a new systemic cultural norm and its reproduction, in order to reflect more adequately on the most effective forms of any radical cultural politics today. / The exposition will take up in turn the following constitutive features of the postmodern: a new dephtlessness, which finds its prolongation both in contemporary 'theory' and in a whole new culture of the image or the simulacrum; a consequent weakening of historicity; ...". J'interromps ici pour faire une lexie digérable. La "théorie", située comme élément déterminant de cet ensemble culturel. Acteur d'époque - et non constante d'un rapport savoir-pouvoir aux coordonnées variables mais indentiques. Ce n'est jamais le même rapport ; lignes de clivage, lignes de front, recomposées, ailleurs, autre chose. C'est pour ça qu'on ne parle plus tant de théorie maintenant ; les problèmes ont bougé, emportant avec eux l'histoire des conflits et les positionnements idéologiques. La guerre de la théorie est une question d'époque. A prendre comme telle - pour ne pas vivre sur des cartes périmées, mais bien retrouver la question du savoir-pouvoir sous nos pieds, là où, et comme, elle est. Comme on peut la penser ici maintenant.
Dire que le débat a une situation aux Etats-Unis (Culture war, situation des universités dans l’espace public, dans la société, une configuration du savoir-pouvoir, et une histoire), différente de la française ou de l’anglaise (Cultural studies, tradition marxiste). En France, Cusset, l’anglistique, etc. Le retour du sujet, les réactions littéraires : Compagnon, W. Marx, Citton etc. Défense de la littérature : contre la théorie. Humanités.
Le débat n’est donc pas exactement - pas seulement - conceptuel. Il demande, en revanche, une réponse du travail conceptuel. Et la poétique comme contextualisation.
Faire jouer aussi : l'état des lieux, d'humeur noire en période de guerre d'Irak, de Critical Inquiry.
dimanche 18 novembre 2007
La culture comme politique basse
En lisant Taguieff contre le "néogauchisme", et en essayant de suivre les processus, avancées, tours, de sa dévalorisation du gauchisme comme culturel, ceci : cette pitting du culturel contre le politique, de l’idéologie contre le peuple, est un acte, politique-polémique, qui a l’avantage de rendre simple à penser ceci : il n’y a pas de non-politique. Le culturel et le politique. L’idéologie, le polémique, les mauvaises volontés discursives, les belittlements, les sales coups et faux arguments sont du politique, et du peuple. C’est l’instruction des sophistes, et de Cassin sur les sophistes : il n’y a pas de pseudo.
Il n'y a pas à se hisser au politique, ni au conceptuel. Milieu. Mais le respirer ; le vivre (ce qui n'est pas un passif. Mais un travail).
Il n'y a pas à se hisser au politique, ni au conceptuel. Milieu. Mais le respirer ; le vivre (ce qui n'est pas un passif. Mais un travail).
Qui a peur du relativisme
Le truc c'est que, le relativisme est chaque fois. Son mode pronominal, celui du chaque, et non celui du n'importe quel. Historique et non nihiliste, une métaphysique négative, plongée dans le miroir d'eau de l'absolutisme narcisse. Son opération, toujours, chaquejours, celle de mettre sous le nez, illuminer, un présent, une situation, et des enjeux : à vivre présentement, et à penser en arrachant un peu ou beaucoup ses racines des vieilles terres. Penser comme repenser, seul penser effectif. Oui c'est dur. Et vitalisant ; la vie vitalisant. Parce qu'il faut refaire "le monde" chaque. Quel désir !
Le relativisme, politique du relatif, comme tout le contraire de la perte des valeurs. Perte des repères oui et vie des valeurs. Aucun tragique là. Tout le contraire d'un amour de l'histoire fétichisée. L'histoire comme ce milieu d'air, qui nous respire, difficile à sentir - courant l'air - et faisant le milieu même de notre dedans-dehors ; la socialité de l'individu. Non son héroïsation. Son embrayage. Devenir.
Le relativisme, politique du relatif, comme tout le contraire de la perte des valeurs. Perte des repères oui et vie des valeurs. Aucun tragique là. Tout le contraire d'un amour de l'histoire fétichisée. L'histoire comme ce milieu d'air, qui nous respire, difficile à sentir - courant l'air - et faisant le milieu même de notre dedans-dehors ; la socialité de l'individu. Non son héroïsation. Son embrayage. Devenir.
vendredi 16 novembre 2007
Les minorités, et la vie démocratique
Des minorités aussi, il y a plusieurs - plusieurs mondes entiers d'intelligibilité. A faire, l'élucidation de ces plans distincts, le travail de précision de les déconfondre.
Les minorités comme groupes - molaires, identitaires nécessairement - sont un boulet dans le processus de la démocratie, travaillent à contre-ruisseau. C'est comme minoration qu'elles sont actives, et nécessaires au, productrices et multiplicatrices du, travail démocratique. Démocratie, politique, comme dissensus ; le vivre ensemble divisés, étrangers.
Toujours l'urgence pour moi de me remettre à Deleuze et Guattari - comme tenue à la fois d'un anticapitalisme et des propositions sur le peuple qui manque, peuple minorant. (Il mineure le majeur ; il va se minorant. Comme on dit la nature naturant).
Et puis : les minorités, et la minorité. En distinguant, on a déjà un problème.
Les minorités comme groupes - molaires, identitaires nécessairement - sont un boulet dans le processus de la démocratie, travaillent à contre-ruisseau. C'est comme minoration qu'elles sont actives, et nécessaires au, productrices et multiplicatrices du, travail démocratique. Démocratie, politique, comme dissensus ; le vivre ensemble divisés, étrangers.
Toujours l'urgence pour moi de me remettre à Deleuze et Guattari - comme tenue à la fois d'un anticapitalisme et des propositions sur le peuple qui manque, peuple minorant. (Il mineure le majeur ; il va se minorant. Comme on dit la nature naturant).
Et puis : les minorités, et la minorité. En distinguant, on a déjà un problème.
Peuple, philologie
En lisant, armée de patience, Taguieff sur Les Contre-réactionnaires (février 2007, Denoël), je reprends la ligne du peuple, et de sa relation à la modernité. (Qui est une autre façon de penser la démocratie que par son antiquité ; lignes parallèles mais avec chacune des spécificités utiles.) A la démocratie moderne, issue des révolutions du 17ème anglais, 18ème américain et français. A la partie liée entre démocratie et le "thème", pour parler avec Taguieff, de la modernité, du progressisme, du projet des Lumières, etc. Contre les héritages et la tradition, contre les continuités et les passés (et le savoir ; la culture discursive, qu'a en effet Taguieff, by miles).
Ici, Klemperer : c'est une autre pensée, philologique, du peuple, qu'oppose sa LTI contre le peuple au mode nazi, le Volk. Et non pas un rejet de la notion de peuple. Ni de l'histoire, toujours approfondie, par le travail philologique même.
Une philologie du peuple ; du politique.
C'est aussi une autre pensée, une autre philologie, du peuple comme les peuples et le devenir des peuples - la "vie des peuples" de Saussure - que celle que construit Auerbach, le philologue allemand juif et exilé, co-inventeur (comme référence clé) du plan conceptuel-disciplinaire de la Littérature comparée d'après-guerre, en passant du côté de l'histoire chrétienne, catholique, de l'Europe.
Ici, Klemperer : c'est une autre pensée, philologique, du peuple, qu'oppose sa LTI contre le peuple au mode nazi, le Volk. Et non pas un rejet de la notion de peuple. Ni de l'histoire, toujours approfondie, par le travail philologique même.
Une philologie du peuple ; du politique.
C'est aussi une autre pensée, une autre philologie, du peuple comme les peuples et le devenir des peuples - la "vie des peuples" de Saussure - que celle que construit Auerbach, le philologue allemand juif et exilé, co-inventeur (comme référence clé) du plan conceptuel-disciplinaire de la Littérature comparée d'après-guerre, en passant du côté de l'histoire chrétienne, catholique, de l'Europe.
samedi 10 novembre 2007
Capitalisme contemporain : doubler les institutions
Stratégie qu'on peut suivre dans ses fils et ses continuités, sa persistance assurée, du doublage systématique des institutions publiques par la logique du contrat privé - remplacement patient, insinuation pied à pied.
Une maille : la fiche RNCP, nouvel attirail technocratique, comptable, de la réforme du LMD 2, à associer à chaque diplôme, comme une clarine sonnant (et trébuchant) l' "esprit du capitalisme" (Boltanski). RNCP, c'est le Répertoire National des Certifications Professionnelles. Les fiches sont attachées à la maquette du diplôme, et viennent constituer une base de données nationale. Elles quadrillent par 11 catégories, à partir de moyens de quadrillage déjà mis en place dans d'autres lieux acquis à la colonisation capitaliste : la codification ANPE des secteurs (socio-professionnels, j'imagine?). Le référentiel d'emplois, de type d'emploi visé par le diplôme, référentiel "ROM" - whatever that is, et quoi que ce soit, reconnaissable pour sa pragmatique de l'enfumage jargonnologique. Document émanant de la Commission européenne - comme régulièrement ici, l'Europe comme argument prétexte et outil de la capitalisation toujours plus élargie de la culture. (* cf : article du Diplo de novembre sur " la réforme par 'l'Europe' ", qui reprend les premiers termes de l'élaboration de 1958, d'un "marché institutionnel".)
En jeu ici, il me semble comprendre :
. le remplacement de la notion de "catégorie socio-professionnelle" : gestion du travail et des travailleurs par la compétence plutôt que par la carrière (indixée avec la vie sociale, et la notion, l'institution, de la convention collective).
. le remplacement de l'institution du diplôme par la contre-institution, le contrat d'ordre privé, de la "certification". Logique, anti-culture, du brevet et de l'appropriation monopolistique des savoirs. C'était déjà le cas avec "compétences" ; et "l'annexe descriptive au diplôme", invention du LMD 1ère manière - comme s'il ne suffisait pas à lui-même, ayant été élaboré sous la double autorité scientifique des universités, et institutionnelle par les habilitations ministérielles.
. la récupération de la revendication syndicale (insistance Snesup en particulier) d'un référentiel national aux diplômes (ce qui n'est pas une base de données ou un répertoire, mais un processus culturel et politique). Récupérations capitalistes de la critique : voir les développements de Boltanski, et autrement de Cusset, là-dessus.
. un lieu du doublage, majeur : le Ministère de l'Identité nationale, doublant le Ministère de l'Interieur.
Une maille : la fiche RNCP, nouvel attirail technocratique, comptable, de la réforme du LMD 2, à associer à chaque diplôme, comme une clarine sonnant (et trébuchant) l' "esprit du capitalisme" (Boltanski). RNCP, c'est le Répertoire National des Certifications Professionnelles. Les fiches sont attachées à la maquette du diplôme, et viennent constituer une base de données nationale. Elles quadrillent par 11 catégories, à partir de moyens de quadrillage déjà mis en place dans d'autres lieux acquis à la colonisation capitaliste : la codification ANPE des secteurs (socio-professionnels, j'imagine?). Le référentiel d'emplois, de type d'emploi visé par le diplôme, référentiel "ROM" - whatever that is, et quoi que ce soit, reconnaissable pour sa pragmatique de l'enfumage jargonnologique. Document émanant de la Commission européenne - comme régulièrement ici, l'Europe comme argument prétexte et outil de la capitalisation toujours plus élargie de la culture. (* cf : article du Diplo de novembre sur " la réforme par 'l'Europe' ", qui reprend les premiers termes de l'élaboration de 1958, d'un "marché institutionnel".)
En jeu ici, il me semble comprendre :
. le remplacement de la notion de "catégorie socio-professionnelle" : gestion du travail et des travailleurs par la compétence plutôt que par la carrière (indixée avec la vie sociale, et la notion, l'institution, de la convention collective).
. le remplacement de l'institution du diplôme par la contre-institution, le contrat d'ordre privé, de la "certification". Logique, anti-culture, du brevet et de l'appropriation monopolistique des savoirs. C'était déjà le cas avec "compétences" ; et "l'annexe descriptive au diplôme", invention du LMD 1ère manière - comme s'il ne suffisait pas à lui-même, ayant été élaboré sous la double autorité scientifique des universités, et institutionnelle par les habilitations ministérielles.
. la récupération de la revendication syndicale (insistance Snesup en particulier) d'un référentiel national aux diplômes (ce qui n'est pas une base de données ou un répertoire, mais un processus culturel et politique). Récupérations capitalistes de la critique : voir les développements de Boltanski, et autrement de Cusset, là-dessus.
. un lieu du doublage, majeur : le Ministère de l'Identité nationale, doublant le Ministère de l'Interieur.
Coup d'oeil - fiction contemporaine et terrorisme
Passage et regard comme écoute flottante, chez Smith's. De la fiction qui travaille actuellement - et maintenant j'ai récupéré dans mon champ d'attention l'américaine, cette immense ressource, et les postcoloniales larges, en particulier africaines - une impression piétonne : on travaille le terrorisme, la figure du terroriste. DeLillo, un shortlisté du Booker (The Reluctant Fundamentalist, Mohsin Hamid), et d'autres dont je n'ai pas retenu plus de détail.
Critique et vie
Les possibilités qui se dégagent, puissantes et bien libres, des travaux de ces penseurs critiques sans ressentiment. Leur créativité, créant des points de vue ; les dégageant. Et inventant des modes critiques étonnants.
C'est, le plus souvent pour ceux auxquels je suis sensible, par les approches anthropologiques, plus encore que sociologiques (qui ont leur puissance propre - Durkheim sur le suicide reste un repère) : celles qui savent penser et mettre en oeuvre pour leur criticité les questions de la vie, de la culture, du sujet en socialité ; l'idéologie dans le local ; l'éthique dans le politique. Shrugging off les pesanteurs, critiques dogmatisées, des déterminismes et explications causales massives, généralistes. Luc Boltanski et Eve Chiapello, dans Le Nouvel esprit du capitalisme - soulevant les "néodarwinismes sociaux" et les nostalgies de vecteurs critiques passés de pertinence, et descendant l'attention au ras de la vie politique. Dégageant un milieu de la valeur, dans l'environnement pourtant bien plombé même du capitalisme et de ses critiques, et des théories de l'idéologie. Il s'agit de penser les sujets de l'idéologie, et ses histoires.
Toujours le point sensible : l'histoire, historicisation, son travail minutieux et sans récupérations.
Le scénario de la critique, selon les premières pages du Nouvel esprit : ses acteurs, les instances politiques les syndicats et les intellectuels ; son opération "l'une [de ses] vocations [...], de peser sur les processus économiques de façon à créer les conditions d'une bonne vie pour l'homme".
Gorz aussi se repère à "la bonne vie". Philosophie morale. Philosophie politique prise par une visée éthique - cet effort, vivant-vitalisant. Vie bonne, question posée par Aristote, comme les termes de la question que pose l'éthique.
C'est, le plus souvent pour ceux auxquels je suis sensible, par les approches anthropologiques, plus encore que sociologiques (qui ont leur puissance propre - Durkheim sur le suicide reste un repère) : celles qui savent penser et mettre en oeuvre pour leur criticité les questions de la vie, de la culture, du sujet en socialité ; l'idéologie dans le local ; l'éthique dans le politique. Shrugging off les pesanteurs, critiques dogmatisées, des déterminismes et explications causales massives, généralistes. Luc Boltanski et Eve Chiapello, dans Le Nouvel esprit du capitalisme - soulevant les "néodarwinismes sociaux" et les nostalgies de vecteurs critiques passés de pertinence, et descendant l'attention au ras de la vie politique. Dégageant un milieu de la valeur, dans l'environnement pourtant bien plombé même du capitalisme et de ses critiques, et des théories de l'idéologie. Il s'agit de penser les sujets de l'idéologie, et ses histoires.
Toujours le point sensible : l'histoire, historicisation, son travail minutieux et sans récupérations.
Le scénario de la critique, selon les premières pages du Nouvel esprit : ses acteurs, les instances politiques les syndicats et les intellectuels ; son opération "l'une [de ses] vocations [...], de peser sur les processus économiques de façon à créer les conditions d'une bonne vie pour l'homme".
Gorz aussi se repère à "la bonne vie". Philosophie morale. Philosophie politique prise par une visée éthique - cet effort, vivant-vitalisant. Vie bonne, question posée par Aristote, comme les termes de la question que pose l'éthique.
vendredi 9 novembre 2007
La connaissance, capitalisation du savoir
Je lis André Gorz comme une eau fraîche, par grande lampées antidotes après l'empoisonnement idéologique du Rapport Lévy-Jouyet. L'Immatériel. Connaissance, valeur, et capital (Galilée, 2003). Les élucidations qui font du bien, et illustrent, incarnent, en termes simples la proposition-même de la corporéité du sujet et du savoir pour laquelle le livre travaille.
Chez lui se structurent en opposition valeur (mesurable) et richesse (non monnayable, humaine, et sociale : culture), connaissance (objectale et appropriable : monopolisation) et savoir (indétachable de la vie quotidienne des sujets en leur société et leur devenir social), capital et culture donc.
Le livre est un essai : c'est sa façon d'avancer, de mettre en rapport, d'éclairer mutuellement des problèmes que le travail consiste à adjoindre, qui en fait la force - et par elle qu'il ouvre des relations inattendues, jusqu'à un léger malaise de lecture. Comme je suis confortable dans les analyses des processus du capitalisme, qui en de tournant vers le capitalisme cognitif se trahit comme critique dans ses appels aux "externalités" [soit : à ce qui ne peut pas relever de la valeur, mais appartient à la richesse : les personnes, les vies, la vie, le social, la culture, la nature et les biens humains communs], et nettement moins confortable avec les avancées ensuite vers l'écosophie et l'écologie, vers Sloterdijk (point de repos et de relance en fin du livre) et la "réforme de la pensée", vers Edgar Morin (pensée des systèmes complexes, donc ?, c'est ça ?), vers les analyses des discours des théoriciens et praticiens de l'intelligence artificielle et du cyborg, qui ammène comme régulièrement des contrepoids d'argument que je continue à trouver faibles, sans tranchant, sans opérativité - bonnes intentions, reposant sur des éternels humanistes et des structures philosophiques corps-raison-corps-esprit déjà amorties. Car reste, au bout du compte : "Qui donc mènera la nécessaire 'bataille de l'esprit' ?" (p. 150 - dans le cyberavenir, mais aussi, l'énoncé pose bien la double valence, here and now). Un mode du travail critique n'est pas inventé.
Cet inconfort est le signe que j'ai, justement, à m'y déplacer. Ces territoires inattendus - thématiques mais discursifs plus encore.
Je sais ce qui résiste : la sensation qu'il manque ici une pensée de l'altérité, simplement. Du conflit social, et au niveau inter-subjectif même, dans cet intime de la vie politique. La société pensée comme "coopération", et la subjectivation comme "épanouissement". That would be nice. But then it wouldn't be human life. Faut voir où Gorz le problématise, peut-être. Le rapport social, même dans sa conflictualité, restant une vie humaine, et une tendre machine à valeur.
Qu'est-ce qu'une société non pathogène ? Est la même question que : comment le pathologique, comme figure éventuellement pensable à des conditions historiques partciulières du rapport anthropologique nécessairement autant conflictuel que coproductif - convivial, dit Ivan Illich, apparemment, cité ici comme allié et appui -, est partie de l'histoire anthropologique. ?
Chez lui se structurent en opposition valeur (mesurable) et richesse (non monnayable, humaine, et sociale : culture), connaissance (objectale et appropriable : monopolisation) et savoir (indétachable de la vie quotidienne des sujets en leur société et leur devenir social), capital et culture donc.
Le livre est un essai : c'est sa façon d'avancer, de mettre en rapport, d'éclairer mutuellement des problèmes que le travail consiste à adjoindre, qui en fait la force - et par elle qu'il ouvre des relations inattendues, jusqu'à un léger malaise de lecture. Comme je suis confortable dans les analyses des processus du capitalisme, qui en de tournant vers le capitalisme cognitif se trahit comme critique dans ses appels aux "externalités" [soit : à ce qui ne peut pas relever de la valeur, mais appartient à la richesse : les personnes, les vies, la vie, le social, la culture, la nature et les biens humains communs], et nettement moins confortable avec les avancées ensuite vers l'écosophie et l'écologie, vers Sloterdijk (point de repos et de relance en fin du livre) et la "réforme de la pensée", vers Edgar Morin (pensée des systèmes complexes, donc ?, c'est ça ?), vers les analyses des discours des théoriciens et praticiens de l'intelligence artificielle et du cyborg, qui ammène comme régulièrement des contrepoids d'argument que je continue à trouver faibles, sans tranchant, sans opérativité - bonnes intentions, reposant sur des éternels humanistes et des structures philosophiques corps-raison-corps-esprit déjà amorties. Car reste, au bout du compte : "Qui donc mènera la nécessaire 'bataille de l'esprit' ?" (p. 150 - dans le cyberavenir, mais aussi, l'énoncé pose bien la double valence, here and now). Un mode du travail critique n'est pas inventé.
Cet inconfort est le signe que j'ai, justement, à m'y déplacer. Ces territoires inattendus - thématiques mais discursifs plus encore.
Je sais ce qui résiste : la sensation qu'il manque ici une pensée de l'altérité, simplement. Du conflit social, et au niveau inter-subjectif même, dans cet intime de la vie politique. La société pensée comme "coopération", et la subjectivation comme "épanouissement". That would be nice. But then it wouldn't be human life. Faut voir où Gorz le problématise, peut-être. Le rapport social, même dans sa conflictualité, restant une vie humaine, et une tendre machine à valeur.
Qu'est-ce qu'une société non pathogène ? Est la même question que : comment le pathologique, comme figure éventuellement pensable à des conditions historiques partciulières du rapport anthropologique nécessairement autant conflictuel que coproductif - convivial, dit Ivan Illich, apparemment, cité ici comme allié et appui -, est partie de l'histoire anthropologique. ?
mardi 6 novembre 2007
Vie critique
Contre le ressentiment, contre la dette, et la guerre, fatigants, pompants - prendre la mesure, soigneusement, en prenant le temps qu'il faut et la vitesse qu'il faut, des conditions contemporaines, des pressions, des offensives et des épuisements, des mouvements de fond, reflux et émergences. Lire le Rapport sur l'Economie de l'immatériel avec une curiosité détaillée, suivre les fils de toutes ses implications ; (apprendre à élargir le champ de l'attention d'une part, et) prendre les termes du présent et de ses discours, dominants et résistants, dans leurs lignes de tension. Et chercher quelle vie est là, et quelle vie est possible. La disposition sociologique des Cultural studies à son époque de Birmingham et R. Williams, S. Hall. Quelle vie est possible, au prix, et au profit, de quel travail.
Question de mode critique, ou même question de la critique précisément. Qui n'est pas l'opposition. Pas tout à fait la même activité de lutte des classes, lutte sociale, lutte sur le terrain des rapports de travail comme rapports sociaux.
Les réflexes de verrouillage, les indignations, les estomacades, sont des outils, des alertes idéologiques irremplaçables (et de toute façon inévitables), auxquelles il faut faire bien confiance, pour leur intuition du rapport social. Les savoirs idéologiques du corps. Puis : voir aussi les obstacles que forment - justement c'est bien une stratégie de barrage, confrontation, qui fait ses preuves régulièrement - les actions par exemple syndicalistes, avec leurs techniques politiques au pouvoir oppositionnel rôdé, longuement éduqué et nourri d'une culture séculaire. Et simplement le fonctionnement oppositionnel de la démocratie parlementaire. Mais les propriétés, les identités, de ces défenses. Et simplement la faiblesse, pour ce qui est de la vivacité critique, de leur mode critique de la défense - du service public, de la démocratisation, de l'environnement, des droits, des études littéraires, des sciences humaines, de la recherche. La répétitivité des analyses, leurs énoncés d'ordre, leurs accroches qui me font perdre la sensibilité à leurs possibilités de frayage. A ces techniques auxquelles je m'associe par gravitation naturelle mais surtout pour ce que je peux apprendre dans leurs espaces polémiques improvisés (AG, lecture des rapports des journalistes, déclarations et documents ministériels, tribunes et rebonds, rumeur et échanges et travail des couloirs et des circulations de mails), espaces critiques de la crise, des choses traversent, fusent, éventuellement, dans l'ordinaire politique touffu des répétitions. Il faut une patience. Et tomber la timidité d'y travailler selon la trajectoire des vies critiques individuelles, ce lieu même du politique. Pour la vie critique.
Not taking polemic fools gladly. Et sachant qu'il s'agit de conflit.
Question de mode critique, ou même question de la critique précisément. Qui n'est pas l'opposition. Pas tout à fait la même activité de lutte des classes, lutte sociale, lutte sur le terrain des rapports de travail comme rapports sociaux.
Les réflexes de verrouillage, les indignations, les estomacades, sont des outils, des alertes idéologiques irremplaçables (et de toute façon inévitables), auxquelles il faut faire bien confiance, pour leur intuition du rapport social. Les savoirs idéologiques du corps. Puis : voir aussi les obstacles que forment - justement c'est bien une stratégie de barrage, confrontation, qui fait ses preuves régulièrement - les actions par exemple syndicalistes, avec leurs techniques politiques au pouvoir oppositionnel rôdé, longuement éduqué et nourri d'une culture séculaire. Et simplement le fonctionnement oppositionnel de la démocratie parlementaire. Mais les propriétés, les identités, de ces défenses. Et simplement la faiblesse, pour ce qui est de la vivacité critique, de leur mode critique de la défense - du service public, de la démocratisation, de l'environnement, des droits, des études littéraires, des sciences humaines, de la recherche. La répétitivité des analyses, leurs énoncés d'ordre, leurs accroches qui me font perdre la sensibilité à leurs possibilités de frayage. A ces techniques auxquelles je m'associe par gravitation naturelle mais surtout pour ce que je peux apprendre dans leurs espaces polémiques improvisés (AG, lecture des rapports des journalistes, déclarations et documents ministériels, tribunes et rebonds, rumeur et échanges et travail des couloirs et des circulations de mails), espaces critiques de la crise, des choses traversent, fusent, éventuellement, dans l'ordinaire politique touffu des répétitions. Il faut une patience. Et tomber la timidité d'y travailler selon la trajectoire des vies critiques individuelles, ce lieu même du politique. Pour la vie critique.
Not taking polemic fools gladly. Et sachant qu'il s'agit de conflit.
dimanche 4 novembre 2007
Capitalisme et savoir
Dans le Diplo d'octobre, un article de Gérard Duménil, économiste, et Jacques Bidet, philosophe, tous deux marxiens, "Un autre marxisme pour un autre monde" (24-25). Dans un dossier débat marqué par le titre "La gauche à reconstruire".
Deux ouvertures précieuses :
. le rappel de la conflictualité, comme ingrédient de l'histoire nécessaire à son analyse. Un chapeau au dossier essaie de forcer l'attention de "l'éthique" de la conversation (au sens d'Habermas - angélisme rationaliste du "public" communicationnel) et ses unanimités neutralités bienveillantes sous les traits du débat : "Il est devenu courant en France - presque impératif - de 'débattre' de tout et de rien avec n'importe qui. Généralement médiatisés, de tels badinages [voir, par l'autre versant, les critiques du "bavardage" démocratique, critiques de droite traditionnelles] postulent que la société serait 'apaisée' et que les positions des 'partenaires sociaux' seraient conciliables après dialogue. / Certains persistent néanmoins à associer les idées et les projets à des intérêts irréductibles dont le choc ne saurait être étouffé par quelque 'concertation' que ce soit." Il y a le choc (vocabulaire du néoconservatisme américain, repris et renversé, en actualisation ironique du concept marxiste de lutte, et d'adversaires de classe, et de stratégies d'alliances), et la 'concertation', concert et mélanges qui se déclinents aussi dans la pratique trans-partisanne de 'l'ouverture' ; pratique offensive du nouveau gouvernement. Puis : intérêts, conflit des intérêts, et alliances des intérêts de classe - historiquement, la révolution anglaise a rapproché l'aristocratie foncière de la bourgeoisie, quand la révolution française a articulé la "bourgeoisie révolutionnaire" aux "masses rurales et urbaines".
Le conflit, à penser avec Chantal Mouffe, et sa relecture de Carl Schmidt. Et, peut-être, c'est à voir, avec l'Eloge du conflit, sorti en septembre à La Découverte - blurb de l'éditeur : " Miguel Bensayag et Angélique del Rey : "Dans les sociétés occidentales hyperformatées, l’idée même du conflit n’a plus de place. Les conceptions de la vie commune tendent vers l’intolérance à toute opposition. Le minoritaire doit se soumettre à la majorité et, de plus en plus, contestataires et dissidents semblent relever de l’« anormal ». Dans cet essai iconoclaste et bienvenu, Miguel Benasayag et Angélique del Rey explorent les racines et les effets délétères de cette idéologie. En refoulant les conflits, nos contemporains se laissent envahir par l’idéal de la transparence : toute opacité dans leurs relations devrait être éradiquée, car elle impliquerait l’altérité et, donc, l’ennemi potentiel. Une illusion dangereuse, à laquelle peuvent aussi succomber certains contestataires qui critiquent le système avec ses propres catégories : au lieu de s’affirmer comme des « autres », sujets d’une multiplicité subversive, ils s’en tiennent à revendiquer des droits, confortant l’idée que les « valeurs » de l’idéologie dominante sont nécessairement désirables par tous. Analysant les différentes dimensions du conflit – entre nations, dans la société ou au sein même de l’individu –, les auteurs mettent à jour les ressorts profonds de la dérive conservatrice des sociétés postmodernes. Ils démontent aussi bien les illusions de la « tolérance zéro » que celles de la « paix universelle » : nier les conflits nés de la multiplicité, ceux dont la reconnaissance fait société, c’est mettre en danger la vie. Le refoulement du conflit ne peut conduire qu’à la violence généralisée, et l’enjeu auquel nous sommes tous confrontés est bien celui de l’assomption du conflit, « père de toutes choses » selon Héraclite. "
. proposent de repréciser l'analyse marxienne en 3 et non 2 termes pour l'histoire de la lutte des classes : non pas le capital et le travail, en chiens de faïence, mais modèle triadique avec le tiers des clercs (mon mot) , "adversaire de classe" également - l'article met lui en série (avec des guillemets que souvent je ne sais pas rendre à leur énonciateur, quant à moi) : "organisateurs, gestionnaires privés et publics, experts en tous genres - les "cadres-compétents" ; "l' 'organisation', équilibrage a priori et non plus a posteriori des décisions de production" ; "la 'compétence', qui assure l'organisaiton économique, administrative, culturelle" ; la bureaucratie, l'encadrement économique et culturel, l'encadrement organisationnel ; le "pouvoir managerial" à l'Ouest, avec son parallèle frappant à l'Est sous la forme de la classe dirigeante unique ; gestionnaires ; "les intellectuels et organisateurs" ; "ceux qui ambitionnent une ascension sociale à travers les voies de la compétence" ; élite. J'ajoute d'autres rapports plausibles : la planification (voir Che Guevara cherchant la démocratie communiste, critique des "socialismes réels" de l'Est), le cléricat. L'organisation comme "facteur de classe".
Deux remarques ici :
1. comme "compétence", terme clé et clou discursif répétitivement enfoncé dans les opérations de "réforme" et "modernisation" du gouvernement Sarkozy, est donné à voir par cette analyse comme justement non pas un trope de l'ascension sociale, ou de l'intégration modernisée dans un monde contemporain "de l'entreprise" (voir les doubles génitifs), du "travailler plus", du "gagner" - mais comme outil de domination de la Finance sur les classes du savoir.
2. comme l'intellectuel est effet situé en 1947, definitely. Un concept historique, à garder dans son contexte historique - pour pouvoir penser des situations de 2007. Ici, une sociologie des intellectuels, comme professionnels du savoir (capitalisme et science), et classe en lutte de domination à la fois avec le capital et avec le "travail". Et : la visibilité du déclassement actuel des intellectuels.
Déclassement social du savoir, et dans l'autre main capitalisation de l'humain, de la créativité, de l'imaginaire, de la formation - voir la société de la connaissance, et le Rapport Lévy-Jouyet.
Autres vues offertes ici, et conséquences du décalage de point de vue, complexification du scénario de la lutte :
. le capitalisme d'entre 1945 et 1979 s'était définanciarisé, passant de l'Etat-nation à l'Etat social, et dans le "compromis social-démocrate" (industries nationales, services publics, sécurité sociale, politiques d'emploi et de développement - comme quoi le service public est une notion profondément historique elle-même) - en poursuivant par contre confortablement en parallèle son entreprise coloniale et ses destructions écologiques. 1979 : crise économique de 70s, et rupture de l'équilibre associant, pour former ce qu'on veut appeler "Gauche" (mais qui est aussi à situer, historiciser, et laisser penser à neuf, laisser déplacer jusqu'à pouvoir penser une situation politique présente), soit les gestionnaires au pouvoir avec les "classes fondamentales populaires" [what an appellation...]. Economie mixte, capitalisme socialisme. Compromis entre la "classe ouvrière" et "le pôle de l'encadrement économique et culturel". Le pouvoir de tous tendant "à s'identifier au pouvoir des organisateurs". => de quoi historiciser aussi le "public", dans son contexte. Pour dégager la possibilité de penser d'actualité du peuple, la modernité du public.
. vie politique des années 1960-1970 : l'alliance peuple ouvrier - cadres experts est décisive poru les combats du tiers-monde, pour les poussées révolutionnaires latino-américaines, les mouvements ouvriers et étudiants, 1968 "ébranlant les vieux contextes culturels sur lesquels les forces de la droite traditionnelle appuyaient leur pouvoir de classe." Puis 1979 : crise structurelle, inflation, taux d'intérêts grimpent, crise du tiers-monde endetté, et "une nouvelle discipline était imposée aux travailleurs et gestionnaires". Nouvelle division internationale du travail, sous hégémonie US, qui relance l'exploitation coloniale. Du compromis social-démocrate au compromis néolibéral : gestionnaires et finance. (soit : nouveau statut de l'élite, alors, et décrochage avec "le peuple de gauche" donc.) Le monde ouvrier perd sa centralité, stratégique. Maintenant : éparpillement, et le modèle des partis ne fonctionnera plus. La droite propriétaire fascine les travailleurs indépendants et les couches les plus fragiles du salariat. La gauche des clercs aspire les salariés du public et de la méritocratie.
. l'individu et l'histoire politique : il ne s'agit pas de trahison individuelle, dans les ralliements du moment. Depuis la "gauche caviar" mitterandiste jusqu'à l' "ouverture" 2007. Et l'explosion du Parti socialiste français. On espère.
. reste, à la situation actuelle : le parti invalidé, les coups nouveaux du capitalisme et la propension de l'élite à détourner à son profit l'élan des luttes populaires. L'Etat-monde (américain) en gestation, qui ne fonctionne plus, comme l'ancienne structure de classe à l'oeuvre dans le contexte de l'Etat-nation, oppose maintenant centre et périphérie : US, "centre mondial systémique, impérialiste, s'emploient à s'imposer comme l'acteur dominant de cette "étaticité" de classe globale en voie de formation. Pôle de concentration des capitaux. Les auteurs mettent leurs oeufs dans le panier des mouvements, pour prendre la relève du parti comme outil de lutte de classes. "Luttes et résistances, luttes de classes, de races et de genres" - that's a novel touch, pour la France. Mal intégré, comme un deus ex machina, où est lisible un état-monde culturel américanisé (American Theory). "C'est la forme du mouvement qui prévaut. A la recherche de ses bases sociales, de sa "mondialité", de son idéologie aussi, un autre marxisme pour un autre monde reste encore à inventer". That's for sure.
La qualité d'historicisation contenue dans ces simples propositions est suffisante pour replacer celles de Negri dans la valeur trouble du fluidisme, du dynamisme, dans la perspective du séminaire du CIPh cet automne, "Qu'est-ce que penser à gauche aujourd'hui". Et réfléchir avec cet incident politique qui donne beaucoup à penser - une femme prend la parole affichée pointedly, un peu pédagogiquement, comme ouverte, dérive sur une ligne de délire doux, et est ignorée par la tribune, Negri shuffling papers, un murmure amusé distrayant la salle comble, et la parole ayant été prise, tombe puis passe, dans le vide. Ce n'a donc pas été pensé. Une pensée politique est à l'épreuve dans cet ordinaire social. L'épreuve est éloquemment ratée ce jour-là. La multitude, parce qu'elle ne fait pas une pensée du politique, n'est certainement pas de gauche. La dépolitisation penchant naturellement vers la droite.
Deux ouvertures précieuses :
. le rappel de la conflictualité, comme ingrédient de l'histoire nécessaire à son analyse. Un chapeau au dossier essaie de forcer l'attention de "l'éthique" de la conversation (au sens d'Habermas - angélisme rationaliste du "public" communicationnel) et ses unanimités neutralités bienveillantes sous les traits du débat : "Il est devenu courant en France - presque impératif - de 'débattre' de tout et de rien avec n'importe qui. Généralement médiatisés, de tels badinages [voir, par l'autre versant, les critiques du "bavardage" démocratique, critiques de droite traditionnelles] postulent que la société serait 'apaisée' et que les positions des 'partenaires sociaux' seraient conciliables après dialogue. / Certains persistent néanmoins à associer les idées et les projets à des intérêts irréductibles dont le choc ne saurait être étouffé par quelque 'concertation' que ce soit." Il y a le choc (vocabulaire du néoconservatisme américain, repris et renversé, en actualisation ironique du concept marxiste de lutte, et d'adversaires de classe, et de stratégies d'alliances), et la 'concertation', concert et mélanges qui se déclinents aussi dans la pratique trans-partisanne de 'l'ouverture' ; pratique offensive du nouveau gouvernement. Puis : intérêts, conflit des intérêts, et alliances des intérêts de classe - historiquement, la révolution anglaise a rapproché l'aristocratie foncière de la bourgeoisie, quand la révolution française a articulé la "bourgeoisie révolutionnaire" aux "masses rurales et urbaines".
Le conflit, à penser avec Chantal Mouffe, et sa relecture de Carl Schmidt. Et, peut-être, c'est à voir, avec l'Eloge du conflit, sorti en septembre à La Découverte - blurb de l'éditeur : " Miguel Bensayag et Angélique del Rey : "Dans les sociétés occidentales hyperformatées, l’idée même du conflit n’a plus de place. Les conceptions de la vie commune tendent vers l’intolérance à toute opposition. Le minoritaire doit se soumettre à la majorité et, de plus en plus, contestataires et dissidents semblent relever de l’« anormal ». Dans cet essai iconoclaste et bienvenu, Miguel Benasayag et Angélique del Rey explorent les racines et les effets délétères de cette idéologie. En refoulant les conflits, nos contemporains se laissent envahir par l’idéal de la transparence : toute opacité dans leurs relations devrait être éradiquée, car elle impliquerait l’altérité et, donc, l’ennemi potentiel. Une illusion dangereuse, à laquelle peuvent aussi succomber certains contestataires qui critiquent le système avec ses propres catégories : au lieu de s’affirmer comme des « autres », sujets d’une multiplicité subversive, ils s’en tiennent à revendiquer des droits, confortant l’idée que les « valeurs » de l’idéologie dominante sont nécessairement désirables par tous. Analysant les différentes dimensions du conflit – entre nations, dans la société ou au sein même de l’individu –, les auteurs mettent à jour les ressorts profonds de la dérive conservatrice des sociétés postmodernes. Ils démontent aussi bien les illusions de la « tolérance zéro » que celles de la « paix universelle » : nier les conflits nés de la multiplicité, ceux dont la reconnaissance fait société, c’est mettre en danger la vie. Le refoulement du conflit ne peut conduire qu’à la violence généralisée, et l’enjeu auquel nous sommes tous confrontés est bien celui de l’assomption du conflit, « père de toutes choses » selon Héraclite. "
. proposent de repréciser l'analyse marxienne en 3 et non 2 termes pour l'histoire de la lutte des classes : non pas le capital et le travail, en chiens de faïence, mais modèle triadique avec le tiers des clercs (mon mot) , "adversaire de classe" également - l'article met lui en série (avec des guillemets que souvent je ne sais pas rendre à leur énonciateur, quant à moi) : "organisateurs, gestionnaires privés et publics, experts en tous genres - les "cadres-compétents" ; "l' 'organisation', équilibrage a priori et non plus a posteriori des décisions de production" ; "la 'compétence', qui assure l'organisaiton économique, administrative, culturelle" ; la bureaucratie, l'encadrement économique et culturel, l'encadrement organisationnel ; le "pouvoir managerial" à l'Ouest, avec son parallèle frappant à l'Est sous la forme de la classe dirigeante unique ; gestionnaires ; "les intellectuels et organisateurs" ; "ceux qui ambitionnent une ascension sociale à travers les voies de la compétence" ; élite. J'ajoute d'autres rapports plausibles : la planification (voir Che Guevara cherchant la démocratie communiste, critique des "socialismes réels" de l'Est), le cléricat. L'organisation comme "facteur de classe".
Deux remarques ici :
1. comme "compétence", terme clé et clou discursif répétitivement enfoncé dans les opérations de "réforme" et "modernisation" du gouvernement Sarkozy, est donné à voir par cette analyse comme justement non pas un trope de l'ascension sociale, ou de l'intégration modernisée dans un monde contemporain "de l'entreprise" (voir les doubles génitifs), du "travailler plus", du "gagner" - mais comme outil de domination de la Finance sur les classes du savoir.
2. comme l'intellectuel est effet situé en 1947, definitely. Un concept historique, à garder dans son contexte historique - pour pouvoir penser des situations de 2007. Ici, une sociologie des intellectuels, comme professionnels du savoir (capitalisme et science), et classe en lutte de domination à la fois avec le capital et avec le "travail". Et : la visibilité du déclassement actuel des intellectuels.
Déclassement social du savoir, et dans l'autre main capitalisation de l'humain, de la créativité, de l'imaginaire, de la formation - voir la société de la connaissance, et le Rapport Lévy-Jouyet.
Autres vues offertes ici, et conséquences du décalage de point de vue, complexification du scénario de la lutte :
. le capitalisme d'entre 1945 et 1979 s'était définanciarisé, passant de l'Etat-nation à l'Etat social, et dans le "compromis social-démocrate" (industries nationales, services publics, sécurité sociale, politiques d'emploi et de développement - comme quoi le service public est une notion profondément historique elle-même) - en poursuivant par contre confortablement en parallèle son entreprise coloniale et ses destructions écologiques. 1979 : crise économique de 70s, et rupture de l'équilibre associant, pour former ce qu'on veut appeler "Gauche" (mais qui est aussi à situer, historiciser, et laisser penser à neuf, laisser déplacer jusqu'à pouvoir penser une situation politique présente), soit les gestionnaires au pouvoir avec les "classes fondamentales populaires" [what an appellation...]. Economie mixte, capitalisme socialisme. Compromis entre la "classe ouvrière" et "le pôle de l'encadrement économique et culturel". Le pouvoir de tous tendant "à s'identifier au pouvoir des organisateurs". => de quoi historiciser aussi le "public", dans son contexte. Pour dégager la possibilité de penser d'actualité du peuple, la modernité du public.
. vie politique des années 1960-1970 : l'alliance peuple ouvrier - cadres experts est décisive poru les combats du tiers-monde, pour les poussées révolutionnaires latino-américaines, les mouvements ouvriers et étudiants, 1968 "ébranlant les vieux contextes culturels sur lesquels les forces de la droite traditionnelle appuyaient leur pouvoir de classe." Puis 1979 : crise structurelle, inflation, taux d'intérêts grimpent, crise du tiers-monde endetté, et "une nouvelle discipline était imposée aux travailleurs et gestionnaires". Nouvelle division internationale du travail, sous hégémonie US, qui relance l'exploitation coloniale. Du compromis social-démocrate au compromis néolibéral : gestionnaires et finance. (soit : nouveau statut de l'élite, alors, et décrochage avec "le peuple de gauche" donc.) Le monde ouvrier perd sa centralité, stratégique. Maintenant : éparpillement, et le modèle des partis ne fonctionnera plus. La droite propriétaire fascine les travailleurs indépendants et les couches les plus fragiles du salariat. La gauche des clercs aspire les salariés du public et de la méritocratie.
. l'individu et l'histoire politique : il ne s'agit pas de trahison individuelle, dans les ralliements du moment. Depuis la "gauche caviar" mitterandiste jusqu'à l' "ouverture" 2007. Et l'explosion du Parti socialiste français. On espère.
. reste, à la situation actuelle : le parti invalidé, les coups nouveaux du capitalisme et la propension de l'élite à détourner à son profit l'élan des luttes populaires. L'Etat-monde (américain) en gestation, qui ne fonctionne plus, comme l'ancienne structure de classe à l'oeuvre dans le contexte de l'Etat-nation, oppose maintenant centre et périphérie : US, "centre mondial systémique, impérialiste, s'emploient à s'imposer comme l'acteur dominant de cette "étaticité" de classe globale en voie de formation. Pôle de concentration des capitaux. Les auteurs mettent leurs oeufs dans le panier des mouvements, pour prendre la relève du parti comme outil de lutte de classes. "Luttes et résistances, luttes de classes, de races et de genres" - that's a novel touch, pour la France. Mal intégré, comme un deus ex machina, où est lisible un état-monde culturel américanisé (American Theory). "C'est la forme du mouvement qui prévaut. A la recherche de ses bases sociales, de sa "mondialité", de son idéologie aussi, un autre marxisme pour un autre monde reste encore à inventer". That's for sure.
La qualité d'historicisation contenue dans ces simples propositions est suffisante pour replacer celles de Negri dans la valeur trouble du fluidisme, du dynamisme, dans la perspective du séminaire du CIPh cet automne, "Qu'est-ce que penser à gauche aujourd'hui". Et réfléchir avec cet incident politique qui donne beaucoup à penser - une femme prend la parole affichée pointedly, un peu pédagogiquement, comme ouverte, dérive sur une ligne de délire doux, et est ignorée par la tribune, Negri shuffling papers, un murmure amusé distrayant la salle comble, et la parole ayant été prise, tombe puis passe, dans le vide. Ce n'a donc pas été pensé. Une pensée politique est à l'épreuve dans cet ordinaire social. L'épreuve est éloquemment ratée ce jour-là. La multitude, parce qu'elle ne fait pas une pensée du politique, n'est certainement pas de gauche. La dépolitisation penchant naturellement vers la droite.
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