Lovely little bits of problem :
1. c'est un Alain Renaut qui peut représenter le centre de gravité des discours sur l'université et la culture (la Culture), mission culturelle de l'université, etc. Les Révolutions de l'université, p. 246 : "Ce pourquoi le correctif susceptible d'être apporté à la logique multiversitaire [soit : la perpesctive de Kerr, l'université "station-service"] par la décision (politique) de reprendre au sérieux la perspective d'une fonction culturelle de l'Université, parallèle à sa fonction 'professionnalisante', m'apparaît aujourd'hui si important pour son avenir - notamment dans un pays où une part au moins de la fonction 'professionnalisante' est assurée hors de l'Université." Soit : Grandes Ecoles.
La question de l'autonomie, que Renaut reprend en long et en large historiques, se coagule au bout du compte pour lui dans le néo-kantisme attendu, mais néanmoins intéressant à voir développé sur ces questions - puisqu'il indique des plans dans le noeud actuel des discours, follow the dots : l'autonomie est une valeur, autonomie de l'université par rapport à l'Etat, par rapport à la "société", autonomie interne des disciplines pour une uni-versité (organisation interne et externe : Renaut reprend la distribution des problèmes que proposait Humboldt). Mais c'est à lier, pour Renaut, avec la notion cruciale du sujet autonome, sujet de la culture en tant que sujet de la raison. D'où les positionnements très significatifs dans sa présentation de la "révolution culturelle" de l'université américaine PC, qui s'est développé, au-delà de 1995 date du livre, en les culture wars. Point d'aboutissement : "Avertissement inquiétant [que nous donnent les situations américaines] aussi, dans la façon dont la révolution culturelle de l'Université américaine témoigne que même la survie désillusionnée de l'exigence uni-versitaire d'une unité du savoir ["références partagées"] sous la forme d'une contribution assumée à la culture générale peut se voir menacée par d'autres formes de décomposition de la culture générale que celle induite par la culture du professionnalisme". Right : c'est la société, qui n'est pas faite de sujets autonomes, sujets de la Raison, mais presse et tire selon, en effet, "les groupes" plutôt que les "individus". Pas l'individu devant l'universel et le sens communis nourri de culture générale, mais en effet le sujet, dans ses blocs, historiques, labiles, problématiques. Eventuellement : virtuels. Question de vitesse.
2. le chapitre sur le cas américain, qui est aussi celui qui regarde la question de l'université démocratique (comme alternative à la corporatiste médiévale, la culturelle des Lumières allemandes, l'impériale française [absente], la républicaine), se clôt de manière inattendue sur Léopold Senghor. Comme réponse, écho, à la description clairement dénonciatrice de la tendance du politically correct, son relativisme des cultures, sa pratique des minorités. Oui le kantisme arrive au pied de ce mur-là : la diversité des cultures, et la dynamique de dominations symboliques. Puisqu'il n'y a pas d'individus, pas de cette neutralité rationnelle, transcendentale, de la Culture, pas de "paix perpétuelle" (Kant, 1795), pas de vide de détermination dans la politicité. Humanisme anti-"anti-humanisme" de la pensée 68 (Ferry & Renaut, Essai sur l'anti-humanisme contemporain, 1985-1988)
And the beautiful little irony of it : un discours de Dakar.
Senghor, discours honoris causa à Strasbourg en 1964 : l'universitas comme universum, l'universel et les valeurs capables d'universalité; "la fidélité à l'humanisme". Et allocution parallèle, lors de la rentrée solennelle de l'Université de Dakar, décembre 1965 : "l'idéal universitaire" : compréhension de l'universel, et question de la discipline. Que ne relève pas Renaut. Culture et discipline sont bien deux perspectives distinctes, et je sais où je mets la valeur universitaire, pour ma part. "Si, poursuit Renaut présentant Senghor, chaque discipline est certes enseignée 'par les moyens d'une langue, d'une civilisation particulière, celles-ci ne sont que des moyens', mais que 'l'objet de l'enseignement et, partant, l'essentiel', demeure 'la discipline elle-même' : or, conclut Senghor, 'celle-ci transcende la civilisation particulière aussi bien par la généralité de son enseignement que par la fondamentalité de son objet, je veux dire en sa double qualité de discpline fondamentale et de culture générale' ". (246-247)
"moyens" est, peut être, intéressant : médiation, milieu, mode, le comment - forces de la diversité. Forces de la culture, tout autres que celles de la Culture. Mais les problèmes de situation ici sont magnifiquement riches. Senghor, la Négritude, l'ENS, le Sénégal, la littérature et la poésie, la présidence, la Francophonie, etc. Et la comparaison avec le discours de Dakar de Sarkozy (26 juillet 2007) - l'effet est comme une bourrasque de sens.
Position finale de Renaut dans ce chapitre : "c'est de la possibilité ou de l'impossibilité de réarticuler aujourd'hui ce "fondamental" et ce "général" que dépendent, pour une large part, les voies et les impasses de l'Université." Abouchant au problème de la propédeutique généraliste, et posant, par sa négligence même ici, la question de la discipline, qui n'est pas spécialisation, et qui est certaintement l'autre chose que la professionnalisation.
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