mercredi 30 juillet 2008

Petite physique de l'altérité : le différentiel

I know but. Cogitant cette question du différentiel, comme façon de considérer l'étranger, et cogitant l'interruption (P. Legrand), l'interrupteur-multiplicateur et le shifter, je tombe sur cette petite mécanique de la différence : "Différentiel : 1. Engrenage différentiel réunissant les deux moitiés d'essieu d'un véhicule automobile. Le différentiel transmet la rotation de l'arbre moteur aux deux roues motrices dont les vitesses peuvent être différentes par suite de la différence de chemin parcouru. 2. Pourcentage exprimant l'écart entre deux grandeurs. Différentiel d'inflation, de croissance." (Petit Robert).

P. Legrand évoque aussi Artaud, qui en sait sur une certaine expérience de l'étranger (glossolalique, et mexicaine, pour commencer) : le "carrefour des séparations" ("Fragments d'un journal d'enfer", 1926, Oeuvres I, Gallimard, 115), comme modèle de la situation du comparatiste (Le Droit comparé, 122).
Question d'individuation - P. Michon avait parcouru ce trajet, de la subjectivité à l'individuation.

Oh and this beauty, 122 : Mallarmé : "Toute comparaison est, préalablement, défectueuse" ("Quelques médaillons et portraits en pied", Oeuvres 528). "Faire manquer", donc. Unworten, à la Beckett, donc. Puisque, p. 123 : "fail better". Et, pour titre de l'introduction au forthcoming volume, le Cap au pire, enmeshed avec L'Autre cap de Derrida.

L'étranger et la modernité

Toujours ces forces jumelles diversité et historicité - "puisqu[e, de différence entre plan du géographique et plan de l'historique, voir simplement le CLG] il n'y en a pas" : relu dans Le Droit comparé (P. Legrand), qui cherche abondamment dans les oeuvres littéraires, ces segments langagiers "-as-culture" analogiquement avec son postulat de law-as-culture, des analogiques d'une épistémologie du comparer : Apollinaire, dans "L'Esprit nouveau et les poètes" (Oeuvres en prose complète, II, Gallimard 1991 - conférence post-campagne, 1917).
"Appliquons au droit ce mot d'Apollinaire pour dire encore l'insurmontabilité des intermittences de sens et l'inatteignabilité d'un partage du sens : 'L'art ne cessera d'être national que le jour où l'univers entier vivant sous un même climat, dans des demeures bâties sur le même modèle, parlera la même langue [c'est "la suprême" de Mallarmé] avec le même accent, c'est-à-dire jamais'. "
Je lis :
. Apollinaire, italien-polonais, voyageur en Wallonie et Rhénanie et Allemagne-Autriche-Hongrie, et poète français.
. dans le temps successeur à, ou encore dans, la génération des "métèques" symbolistes dans la bataille du vers libre - cf GD.
. principalement : que le rapport l'étranger est indissociable de la question de la Modernité. Paris capitale cosmopolite de la réinvention de l'art au tournant du siècle. C'est aussi la modernité de Rimbaud, en 1871, comme "multiplicateur de progrès ! ".
. le "paradigme" du national, pour prendre la question de la diversité culturelle ici. Mode du XIXème. Le rapport pensé comme séparation des identités - et rivalités coloniales, puique loin d'empêcher, ça poursuit une logique, nationale mais through and through de politique nationale extérieure. Rivalité ; différentiel.
. le différentiel national pensé par l'accent : cf GD : c'est l'autre qui a mon accent. Et la marque dans l'énonciation. Le langage, creuset de la subjectivation-individuation-socialisation.

Un germaniste, contd.

Question : pour l'instant, je ne sens pas le travail de germanistique qui se fait dans Le Paradigme de l'étranger, de M. Espagne. Question de disciplinarité. J'y retrouve des faits mis en sens, communs avec le travail historien de C. Charle, et certaines méthodes : l'archive, solidement, et la prosopographie (les chaires). Satisfaction sans problème, et évidemment suggestive, fructeuse. Mais comment le point de vue d'une discipline de l'étranger peut-il intervenir? Le peut-il? (D'ailleurs il n'y a pas de prétention particulière à ça ; il n'y a pas particulièrement à l'attendre). Humm.
Histoire institutionnelle.

Littérature étrangère - territorialisations

Much much food for thought from Le Paradigme de l'étranger (M. Espagne, 1993). Sur : la question du savoir-pouvoir, et de la criticité propre de l'étranger, disons ici, comme "paradigme" donc.
En particulier :

. la perspective du "choix disciplinaire" (vers p. 68) (par exemple dans les trajectoires de carrière des individus - cf la méthode prosopographique de C. Charle). Il s'agit bien, dans la discipline comme institution, d'un positionnement, scientifique et social. Identité et statut et fonction, ou "engagement". Avec les "littératures étrangères" - en cours de formation, et tiraillées, tâtonnantes, en fondation au cours mêmes des tâtonnements institutionnels des facultés de Lettres dans le cours long du XIXème - on touche les bords sensibles des questions de disciplinarité : les zones du "subalterne", les discipines "moins considérées" 59, car "encore mal définies" 60. Plateformes utiles pour transitions de carrières etc. (voir les itinéraires des normaliens, non spécialistes).
En quoi subalternes? La présentation jusqu'ici, l'intérêt de M. Espagne, touche peu au point de vue des rapports de pouvoir avec les disciplines à forte légitimité sociale / fort prestige scientifique : comment se placent-elles, institutionnellement, par rapport à la vieille Rhétorique, et aux Littératures anciennes? [Au tout début du processus de création des chaires de Littérature étrangère, la configuration des Lettres est, ou l'une de celles possibles dans le champ : Philosophie, Histoire, Litt ancienne, Litt française, Litt étrangère - 42.]

. mais aussi la modernité (et en ça la nomenclature anglaise fait apparaître, dans son histoire propre que je ne connais pas encore assez, quelque chose qui se marque mieux qu'en France : "Modern Languages") : "Mieux informés du contexte international et notamment de la situation allemande, les professeurs de littérature étrangère font partie des artisans des plus engagés d'une rénovation de l'Université républicaine" 69. Et des réformistes de l'Université après la défaite de Sedan : il s'agit de l'université comme fondatrice de la Nation. L'international, et auxiliairement la littérature étrangère, comme outils de nationalisme. Relation de savoir-pouvoir propre au XIXème.

. mais aussi l'Europe. 39 : comme motivation scientifique interne, et on est ici au temps fondateur de Fauriel et Ampère, avec les horizons philologiques, en tant qu'ils sont aussi une théorie de la culture comme histoire, et de l'épistémologie des langues-cultures comme élément d'une philosophie de l'histoire. On est, certainement, avant de tourner le dos à l'Allemagne et ses inventions des sciences humaines.
Ici c'est la question de l'évolution du "paradigme" de l'étranger vers celui du comparer qui est concerné, qui est aussi celui de l'évolution, bifurcation, de la philologie moderne, une sorte de "Langues modernes", vers les littératures spécialisées, soit la montée de la notion, structurante, d'aire culturelle. Ce processus de dissémi-Nation (Bhabha? faut voir) : de la philologie, globalisante et européenne (mais avec déjà les lignes de tension dessinées par Fauriel cherchant à déplacer le centre de gravité de l'héritage commun de l'indo-germanique à l'indo-européen ; et contrer le modèle de l'antécédente germanique par celui de la littérature provençale, et de la Romania, ombilic des Etudes romanes), vers les spécialisations en nations. Où la rivalité franco-allemande est en jeu actif - créatif, destructeur.
Le processus de spécialisation, qui correspond aussi au développement d'une épaisseur scientifique de la discipline (simplement la production des volumes d'études, chaque fois une orientation, et un terrain), se fait aussi d'une vue génétique générale de l'histoire des littératures, philologique, aux études singulières sur un auteur. Les nouvelles chaires, sous la IIIème République, revenant maintenant à des candidats munis des titres universitaires adéquats (et seulement maintenant disponibles, bien entendu). L'apparition des Langues-et-littératures singulières - anglaise allemande italienne espagnole russe - allant avec ce nouveau mode scientifique : la nation (plus que la culture et ses grands types anthropologiques, peut-être? Par exemple, pour Fauriel après Mme de Staël, le Nord et le Midi), et l'auteur (moins les grandes genèses, plus d'étude textuelle alors? à voir).

. on parle déjà d' "études littéraires" (1896), et la Littérature comparée se différencie aussi, dans une autre bifurcation concurrente avec la gamme des aires culturelles.

mardi 29 juillet 2008

Discours sur la diversité des cultures

Repères biblio que je veux garder des nouveaux champs que m'indique la lecture de P. Legrand, études juridiques comparées et ses propres parcours :

. ses bases dans Schleiermacher ("each language" "a whole", et l'hospitalité) ; Benjamin ; Steiner ;
. traduction : A.L. Becker, Beyond Translation (U Michigan P, 1995) ; Anthony Pym, Pour une éthique du traducteur, Artois PU, 1997). Chateaubriand "Remarques à propos de la traduction de Milton" (Po&sie 23).
. éthique avec Charles Taylor (Sources of the Self, 1989 : "one cannot be a self on one's own") ; MacIntyre (After Virtue, 1989).
. herméneutique avec Gadamer, Ricoeur (De l'interprétation, 65 et Le Conflit, 69),
. dans Derrida : Positions 72 (sur la traduction-transformation) Marges 72, L'autre cap 91, Force de loi 94, Psyché 98,
. ethnologie, études culturelles, cultural translation etc. : Laplantine et Nous (dir. Métissages, 2001) et Serge Gruzinski (La Pensée métisse, 1999), John Comaroff & Jean Comaroff Ethnography and the Historical Imagination (Westview, 1992) ; Sanford Budick & W. Iser eds, The Translatability of Cultures (Stanford 1996) ; Paula G. Rubel & Abraham Rosman eds, Translating Cultures (Oxford, Berg, 2003), Michael Cronin, Translation and Globalization (Routledge, 2003), Eco, Experiences in Translation (trad. A. McEwen, U Toronto P 2001).

. Peter Goodrich, "Europe in America: Grammatology, Legal Studies, and the Politics of Transmission" (Columbia Law Review, 101, 2003, 2001).
. James Boyd White, Justice as Translation. U of Chicago P, 1990.

Modes critiques : P. Legrand

Bien aimé, le nerf de certaines prises critiques de "Issues in the Translatability of Law", de Pierre Legrand dans Nation, Language, and the Ethics of Translation (Bermann & Wood eds.) :

. la distinction, autour de la question de la plurijurality, de "strategies of simplification" (disons, le cours général des politiques de construction européenne juridique : nivellement par l'ignorance de la différence, homogénéisation - or "common core approach", "the ever-increasing technological standardization of law" 34 - "philistine tactics" ... 32) et "strategies of complexification" (entrée dans le temps pragmatique, culturel et historique, de la diversité des droits) p. 32.
. "the instrumentalist sabotage of cognition" 33. Les défenses, ignorances actives, contre la diversité ; du simple "plus d'un droit". Qui produisent du non-savoir, et dépossèdent - quoi qui ?, le public - de ces forces multiplicatrices de culture que sont les savoirs qui montent des zones de friction et des dynamiques d'embrayage.
. de même "a 'cognitive intoxicant'" 34 : qu'il prend à la lecture de Mark A. Schneider (c'est ça ?). Et : "the ignorance strategy [a textbook illustration of]", en note p. 49. Pour ignorer les "Legal irritants" (Gunther Teubner, 1998).

. beaucoup aimé la notion de diversité comme interruption : c'est le point de départ, qui entame "la suprême" (Mallarmé) du Droit : "If one accepts that statutes are not enacted by legislatures and that judicial decisions are not made by courts with a view to applying to foreign legal cultures, then legal borrowing across legal cultures is the practice ot interrupting intention, which is a form of epistemic violence." 30.
L'interruption, plutôt que la tolérance l'ouverture le dialogue - good god deliver us. L'étranger, comme interrupteur : processus culturel, de l'altération et différenciation, de ce que la linguistique sait identifier, comme shifter.
Le Droit comparé le reprenenait, en approfondissant avec Derrida : "J. Derrida se demande ainsi dans quelle mesure le Verstehen doit relever non pas de la continuité du rapport de médiation, mais bien de l'interruption de ce rapport, et en tant que 'condition [...] de l'enten[dement - [[ à entendre comme déploiement de la question de l'entendre, l'écoute, le "discours de l'oreille" et l' "otologie"]] ]. Pour J. Derrida [critique de l'herméneutique pré-déconstructionniste, "méthodique", de Gadamer], la thèse gadamérienne de la 'compréhension' et sa propre stratégie de la 'non-compréhension' (je dirais : de l' 'entendement') sont "absolument inconciliables". Or, il convient de faire valoir un éthique de l'altérité [...]" (73).

. "Ultimately, comparative legal analysis must not have a unifying but a multiplying effect" 41 : le multiplicateur de juridicité ; l'étranger comme la Modernité de Rimbaud, multiplicateur de culture, ou d'histoire ; et produisant celle équivalence en ou.

. enfin : la notion de fausse sortie, dans Le Droit comparé (11), prise dans une lecture de Derrida (Marges).

Paradigmes du public

Tiens, c'est "paradigme" qui me vient (j'écoute M. Espagne) plutôt que mon "mode" ordinaire - pour noter, en filant, ces segments du spectre où une histoire de la pensée humaine ("occidentale", pour ici) marque ses idées du collectif, du social. C'est chaque fois un pan, un monde : un point de vue, théorétique (et donc logothète ou créateur de discursivités, arts et disciplines), et idéologique.

Community et communauté, collectif, public, république, demos, nation, ethnos, peuple, polis et politique, polity, culture et Bildung, society et société, groupes et agencements, constituencies, etc. Aussi, en déclinaison : histoire, et tradition. P. Legrand parle, pour essayer de descendre au creux commun, de modèle de cohésion sociale (note 1, dans "Issues ").

Puis ce pan anonyme, qui m'intéresse pour les échos qu'il fait entre Industry of the Ordinary, Lives of the Obscure de Woolf, les arts repris par Certeau, comme manières de savoir, jusqu'à l'intime historique du populaire, et même les moeurs : ce vieux vieux modèle d'une science morale, à reprendre par Shafestbury.
Ces sciences de la culture.

Gauri Viswanathan

Une figure que je découvre, dans le sommaire du volume Nation, Language, and the Ethics of Translation (Bermann & Wood) : les premiers détails tirés du site du département de English and Comparative Literature de Columbia :

Title: Class of 1933 [??] Professor in the Humanities
Specialization: Intellectual history; education, religion, and culture; 19th-century British and colonial cultural studies; history of disciplines

Bio
Gauri Viswanathan is Class of 1933 [what?] Professor in the Humanities at Columbia University. She has published widely on education, religion, and culture; nineteenth-century British and colonial cultural studies; and the history of modern disciplines. Her most recent article is “Secularism in the Framework of Heterodoxy” published in PMLA (2008). She is the author of Masks of Conquest: Literary Study and British Rule in India (Columbia, 1989; Oxford, 1998) and Outside the Fold: Conversion, Modernity, and Belief (Princeton, 1998), which won the Harry Levin Prize awarded by the American Comparative Literature Association, the James Russell Prize awarded by the Modern Language Association of America, and the Ananda K. Coomaraswamy Prize awarded by the Association for Asian Studies.

She is also the editor of Power, Politics, and Culture: Interviews with Edward W. Said (Vintage, 2001), as well as a special issue of ARIEL: A Review of English Literature (2000) on “Institutionalizing English Studies: The Postcolonial/Postindependence Challenge.”
Prof. Viswanathan’s current work is on modern occultism and the writing of alternative religious histories. She has held numerous visiting chairs, among them the Beckman Professorship at Berkeley, and was most recently an affiliated fellow at the American Academy in Rome. She has received Guggenheim, NEH, and Mellon fellowships, and was a fellow at various international research institutes.

Modes de l'anthropo-logique

Toujours, je cherche un positionnement, j'apprends la diversité des positionnements historiques, en suis toujours plus goulue. Explorant la question de la disciplinarité, et les profondeurs de ses enjeux, travaillés (en ces termes) depuis l'invention des sciences humaines.
Les sciences de la culture : j'en étais là récemment. ("Sciences de l'étranger", M. Espagne.) Mais me revient aussi l'important : disciplines du sens, de Meschonnic, comme ombilic : source-et-ruisseau au sens de Saussure.

Et les "manières de savoir", infra-épistémologique : savoir populaire, savoir pratique, etc. Linguistique et "sentiment linguistique", par exemple, dans les termes de Saussure. Il faut que je vérifie si la formule est de Certeau ou de ma lecture de lui. Des cultures du savoir, qui sont autre chose et pourtant cousines des modes délibérés, studieux, du savoir. Ici on voit se mettre en branle les enjeux de pouvoir dans la diversité sociale des pratiques du savoir. Good.

Un germaniste

Michel Espagne, et le continent des Philologiques, de la collaboration, productrice de collaboration, avec Michael Werner.
Volume à auteur unique : Le Paradigme de l'étranger. Les chaires de littérature étrangère au XIXème siècle, Cerf, 1993.
Est-ce que je l'ai déjà écrit ici ? La littérature allemande est, historiquement, plus "littérature étrangère" (au sens de JPA, et du "Texte étranger") que l'anglaise - qui n'a comme faveur que la tradition de rivalité culturelle franco-anglaise. La franco-allemande est, pour la question de la littérature, sérieusement riche. Tout l'enracinement dans la pensée de la culture depuis Herder et contre le goût et la géopolitique culturelle française pré-révolutionnaire ; dans l'immense travail culturel (théorique et artistique) du Romantisme. L'invention de l'histoire, et vraiment l'inauguration du XIXème comme siècle historique.

M. Espagne propose donc cette notion de "paradigme de l'étranger" : Fauriel, Ampère, et le renouvellement d'une pensée des cultures humaines - une critique, aussi, de la philosophie, des Lumières - par la question de la littérature comme les littératures. Histoire de la pensée humaine, et historicisation de la pensée, par l'étude comparative-génétique des histoires mêlées et des différentiations.
"La question que pose l'étude des littératures étrangères dans l'enseignement supérieur français du XIXème siècle n'est pas celle du développement d'une discipline érudite, mais bien de la mise en place, d'un point de vue français officiel, des aires culturelles et de leurs spécificités présumées, la mise en place d'une science de l'étranger." (18)
Reste pendante : celle des implications théorique de la notion d'aire culturelle (avec les civilisationnismes, en suite de la théorie des climats de Montesquieu, par exemple), qui tournent vers les nationalismes, marque aussi de l'historicisme du XIXème. Puisque c'est aussi la concurrence (parcours parallèles) de la philosophie-philologie allemande et de l'histoire de l'esprit humain expérimentée par les Idéologues. Ce drame de l'étranger, rapporté par Humboldt au retour de Paris, et par Fauriel et Ampère au retour des contacts avec Grimm, Schegel etc. Il y a bien une tradition française de pensée de la culture, post-Lumières et post-révolutionnaire. Ses prolongements ? Il y a bien, en rivalité franco-allemande (pour ne parler que d'elle), une invention, concurrente dans le temps et post-révolutionnaire, des sciences humaines. Sciences de l'esprit : Geist / Idées.
Le fil historiciste est la garantie critique de ce mouvement, international (avec centre de gravité dans la philologie allemande, et champ de matérialisation les modernisations des universités en Allemagne, Angleterre, France, Amérique...).

Reste cette question : comment la discipline "littératures étrangères", avec ses pratiques comparatistes et historicistes, se transforme-t-elle pour arriver à un champ où se différencient les littératures nationales et la littérature comparée?

Un ethnologue

Le travail d'Abélès dans Un Ethnologue à l'Assemblée (2000) - autrement d'ailleurs que pour l'Anthropologie de la globalisation - me laisse finalement perplexe. Je cherche l'ethnologique de ce travail, alors que je garde en oreille l'attention marquée, le soin de réflexivité, de Beaud et Weber. La conclusion, par exemple, me paraît mal produite par le travail présenté dans le corps du volume - elle relève parfois plus de l'opinion personnelle, alors, que de l'interaction ethnographique. Et finalement du lieu commun ; un infra-scientifique qui reste, dans le contexte de cette exploration de méthodologie, intéressant, suspendu dans le processus d'une valorisation possible comme opération scientifique. De "l'observation participante", peu de marques remarquables comme effectivement opératrices de scientificité - seulement, les "je" en effet présents, et les remarques de ressenti et d'expérience, de l'observateur comme des observés. Et les lignes de fuite comparatives avec l'ethnographie dans sa tradition d'exotisme m'apparaissent toujours un peu artificielles, comme sollicitées, forcées, voilà ; de l'ordre d'un extérieur, cherchant peut-être une fonction de caution, ou d'écoute de ce qui se passe dans ce décentrement vers un exotique intime (la "vie politique" locale ; le "microcosme" du Palais-Bourbon) - mais finalement peu de choses sont produites dans cette chambre d'écho, qui est avancée comme la proposition théorique-épistémologique.
Je pense à l'un des thèmes qu'Abélès se donne à explorer : la publicisation, comme processus politique du parlementarisme. Analyse fine, suggestive, de la double énonciation parlementaire : débat, ou échange (entre), et adresse (à) (312-313). L'ethnologie aussi, comme science : procédé, activité, de publication. Mais c'est sa scientificité que je trouve mise en question dans cette étude : comment le compte rendu de terrain - avec son ambition, si science il doit y avoir, de faire quelque chose à la fois au "lieu du politique" et aux moyens collectifs de son analyse -, diffère-t-il, se singularise-t-il, d'une simple vulgarisation : énonciation de type informatif ; récit de voyage, récit d'exploration, avec même un versant instruction civique nationale, etc. Je sens mal l'inventivité épistémologique, et sa part critique apportée. Alors que je cherche, dans l'ethnologie, et ses réinventions modernes - dont Abélès est l'un des repères pour moi pour l'instant -, ces apports, affinages, recontextualisations, et forces de modernité, des sciences de l'étranger. Je sens mal le travail du point de vue, qui me semble devoir être (depuis lecture de Beaud & Weber) le coeur de l'activité ethnologique.
Rapport de public ; théorie du public.

Par distinction, il me semble que se dessine alors mieux ce que j'attends : l'ethnologie (peut-être - mon nouveau plan d'espoir) comme science analytique du rapport, et micro-polémologie.
Etude, et développement des moyens pour l'étude, des rapports sociaux : dans leurs systématicité (d'où un positionnement épistémologique qui m'intéresse : lui-même soustrait aux souffrances immédiates du polemos, par la sagesse théorique d'une anthropologie des rapports, soit, soigneusement, historique - d'où un intérêt pour les stratégiques de Foucault et de Certeau, à ... "explorer"). Les rapports et non les identités, comme point d'observation : les équilibres, les interfaces, les dynamiques de légitimité et de production collective des normes (et pas seulement de force - qui dit, lu dernièrement, et prenant appui différentiel sociologie/anthropologie sur Bourdieu : rapports de sens et rapports de force - Beaud & Weber, je pense), les surfaces sociales d'échange et d'inter-, les négociations de la diversité - observables par une science du point de vue ; science des jeux du social. Position, place ("se faire une place"), par les analyses des espaces, géométriques et signifiants - étudiés ici dans la topographie du Palais et des places de parole. L'ethnologie science des places et des positionnements culturels : des situations. (Et sachant, éventuellement, la nature globale, dans dissection possible, des situations comme blocs présents d'ordre énonciatif : sachant se munir d'outils de "participation". Science réflexivement, implosivement, culturelle.)
L'ethnologue à l'Assemblée soulève, au mieux, ces équilibres des pouvoirs et contre-pouvoirs (261) ; isole et identifie les phénomènes de critiques (268, 284) : zones de frictions, où de l'identitaire se met en question, au travail du rapport. Identifie ses objets : usages, fonctionnement, "la vie quotidienne". Le "lieu du politique" (Abélès, Le Lieu du politique, Paris, Société d'Ethnographie, 1983) : temps, et organisation sociale et matérielle, du social, comme politique et comme culture.

Je trouve, au fil du Diplo (août 2008, 12), une accroche importante : l'article rapporte l' "Insolite face-à-face entre ouvrières et actionnaires" chez LVMH, et note dans sa chronique de cette guerre un niveau d'observation polémologique qui m'intéresse : non pas seulement l'affrontement catégoriel, qui hypostasie le champ de forces, mais : "Entre petits porteurs, banquiers, management, fonds de pension, la 'dictature du capital' a des conflits internes à régler." Il me semble qu'une ethnologie sait faire ça, en spécification par rapport à une historiographie ou une sociologie (statistique), par exemple. Les lignes de fractures partout, intimes, dynamique de fourmillements. Les forces sociales des résultantes et des cristallisations ; toujours en reprise, locale. C'est une autre polémologie - et l'attention au quotidien, Certeau, en enseigne quelque chose de spécifique, et d'infiniment précieux, pour ne pas se tromper sur le cours politique.
Pas les groupes, mais le bloc moléculaire, en recomposition fourmillante ou faisant oeuvre - Deleuze & Guattari. (Mais sans la physique.)

J'en viens à, par la polémologie : l'ethnologie, comme science des différenciations anthropologiques, ou sociales. En ça, science de l'étranger, et en ça critique des philosophies politiques. Science des conflits internes aussi, par exemple. Rapports, conflits, identité en histoire. (Je trouve un mot qui va bien, aussi, pour désigner une autre zone de la question, dans Le Droit comparé (P. Legrand) : une cratologie. )
=> à continuer à penser en rapport (de distinction) avec la distinction (Bourdieu) : opérateur social et opérateur de sociologie.
Le rapport de culture, comme rapport différentiel. A mettre en rapport aussi avec le mode épistémologique du général, par Saussure : le différentiel linguistique comme historicité.

Je ne sais pas bien où je me retrouve, en suivant ces lignes du peuple et de l'étranger, langage et culture, histoire. Certainement dans une "anglistique" française délocalisée, ahurie. Et entrant dans un espace qui me paraît bien parcouru par la pensée américaine, et les traditions des sciences sociales. En France, ces lieux inconnus, et nouvelle expérience des cloisonnements disciplinaires vraiment forts (des pans complètement aveugles, depuis le lieu d'où j'ai appris à regarder) - je ne le savais pas.

lundi 28 juillet 2008

Etat des nouages - et les manières de savoir

Un noeud continue à s'enrouler et s'épaissir, prenant ensemble toujours plus de cohérence, mais demandant aussi toujours plus de lignes à en dégager pour ne pas s'en étrangler - écriture.

Nouages à présent : la passion, photographique et relationnelle (professionnelle et institutionnelle), des gens de la culture : public, peuples, diversité, ensembles tensifs, et leurs modes. De vie, commune et dissensuelle. Il faut toujours que j'aille voir la Mésentente et le Dissensus, Rancière et Lyotard : agenda.

Je prends par plusieurs versants, dernièrement :

1 . Le Droit comparé. Introduction par le volume de Pierre Legrand (PUF, Que sais-je, 2ème édition 2006), et par un texte de problèmes, "Issues in the Translatibility of Law", dans le volume Nation, Language and the Ethics of Translation (ed. Sandra Bermann & Michael Wood, Princeton UP, 2005). Reprise, nourrie, de la question du comparatisme, à critiquer, toujours, par l'étranger et l'historicité. Oui, le droit rendu à son processus historique - la justice des hommes - par la simple prise en compte, simple et obtusément difficile à entendre, historiquement et géo/politiquement, de la diversité des droits. C'est-à-dire leur culturalité. Ne serait-ce que dans l'asymétrie "Droit" / "Law". Ici vient jouer la pression politique du présent, qui est simplement le terrain de vie et d'enjeu : la construction européenne. Et alors oui, le travail théorique comme travail politique ordinaire - même si c'est, inconfortablement, dans l'agôn.
Ouvert ici, le grand espace d'une réflexion transdisciplinaire maintenant riche et substantielle, "anglo-saxonne", qui continue à confirmer mon impression d'un retour de la théorie vers la France, American Theory, American Théorie, et la surdité étonnante, l'effet de retard, qu'un angliciste est bien situé pour ressentir - and mull over. Un grand champ bien peuplé, bien muni en infrastructures conceptuelles, tendu au-dessus des Cultural studies et des développements de Social & cultural anthropology, des Postcolonial studies et Law, des Social sciences et des nouveaux modes du savoir en Histoire, produit en particulier (ce "particulier" est en majeure partie celui de mon attention - d'autres dynamiques sont en jeu évidemment, que je ne peux pas reconnaître, par ignorance des pans de travail concernés) dans une dynamique de reconfiguration des territoires par l'effet de la French Theory ; par la pression politique des minorités, des Civil Rights au multiculturalisme ; par la massification de l'université et sa fonction reconsidérée dans la société et ses modes de productions, etc. La mondialisation corporate, aussi, vécue singulièrement dans les contextes différents.
A noter, le point de discussion avec la prise critique que développe P. Legrand : la fonction centrale de Derrida comme moteur de problématisation, ou décomplétion ; Derrida centre de gravité. A ce coeur, où viennent verser des pans entiers des Translation studies, Cultural studies, Postco... (mais pas de la philosophie) : la question de la conception de l'histoire, et des opérations de l'historicité - avec leurs implications idéologiques. S'arrêter à Derrida (soit : avant la question du langage), bloque le chemin d'une théorisation de l'historicité des phénomènes culturels et de leurs produits ou cristallisations.

2 . Guide de l'enquête de terrain. Stéphane Beaud et Florence Weber, La Découverte, 2ème édition 2003. L'ethnologie, et ses méthodes, avec pliées en elles une histoire longue et fournie de questionnement épistémologique : l'ethnologie comme pratique expérimentale du rapport culturel, et, par l'auto-analyse et par l'écriture, comme étude des manières de savoir.
L'ethnologie, comme une autre discipline de l'étranger, science de l'étranger- qui vient se placer en série dans mon parcours avec la Littérature comparée et les comparatismes, puis la philologie. Discipline de la diversité des peuples. Avec sa propre histoire culturelle : intellectuelle et comparée (une tradition "anglo-saxonne", repère nécessaire pour penser une actualité - et une légitimité, puisque ... - française, ou simplement locale, propre).
J'y pense dans une rêverie d'Inde - le "projet Inde". Et d'une entrée dans la diversité des cultures, cultures théoriques, cultures universitaires et épistémologiques - avec des outils à cogiter, à essayer, à considérer.
Un guide - l'idée même d'un guide, comme geste de publication, soit de "coup" [je suis déjà dans Certeau] dans l'identité disciplinaire - compact, très centripète, qui insiste sur le mouvement de la réflexivité comme constitutive de l'identité scientifique et l'exigence - moralité/scientificité - de la discipline. Pratique. Savoir pratique - vers (ou depuis, plus précisément) Bourdieu. Poussant la notion sociologique de Bourdieu, anthropologiquement, vers les manières de.
La manière, nécessairement donc les manières, comme concept, critique, pour appréhender l'ethnos : le rapport de peuple. (cf Les Mythologiques de C. Lévi-Strauss, et les manières de table - et développements critiques par GD.)

3 . L'Invention du quotidien. 1. Arts de faire, Michel de Certeau. Difficile de le situer, pour l'instant. Une prise un peu héroïque, pour l'héroïsme de la réhabilitation - on peut aller plus vite sur cet agôn, et rentrer dans le travail. Mais certainement des ouvertures, des lucidités, et des prises singulières, extrêmement précieuses. Pour une dé-domination de la Culture. Ou la culture en contre-pouvoir à la Nation, la Cité, etc. Le temps du fourmillement quotidien. Culture en prise avec politique.
Une altérité de Foucault ; à lire comme branche et croisement - sur le politique et le stratégique.

4 . Un Ethnologue à l'Assemblée. Marc Abélès. Bien sûr très séduisant, très ouvert, travail de publication - l'ethnologie comme mise en public. Puis finalement, je ne retrouve pas vraiment ce que j'en espérais : une analyse du local du conflit politique. Pour l'instant ce qui s'en approche le plus est présenté comme tension, dilemme, paradoxe : "l'émotion et le formalisme" des procédures de la délibération parlementaire ; la guerre politique et l'epos de la représentation (le rituel, qui n'est pas le théâtre - 236). J'attends plus sur la violence, sur les affections personnelles comme chair du Politique ; j'attends plus d'entrée dans. Il y a une foi, étonnée et sympathique, qui vient caresser plaisamment mon émotivité républicaine, qui prend la république pour le peuple et la démocratie, et l'institution pour le fait. Toujours cette séduction qui se refait sous les pieds, comme une idéologie. (En prendre, simplement, la mesure - et ne pas croire qu'on n'est pas là.)
Certainement, l'observation de l'espace de l'Assemblée pointe de manière tout à fait problématique, avec aise, la résistance culturelle à la République et son histoire, révolutionnaire. Sympathique rappel, trace, de ce que la Nation française est bien poussée, à hue et à dia, par les soulèvements sourds, sans trop de visages, anonymes et tenus dans l'anonymité, des peuples de France.

lundi 7 juillet 2008

Philologiques - savoir et peuple

C'est, avec de plus en plus d'insistance, exactement ce noeud de culture qu'il y a à explorer : pour ses puissances de pensée (théorie, et vie sociale historique), et ses ressources de pédagogie. La question du public et de son historicité, épaisse et labile - "la vie des peuples" de Saussure.

La tradition allemande l'a, contre l'hégémonie du goût français et de la pensée-pratique politique française, bien isolée et explicitement inscrite dans des champs de pratiques et d'institutions : philologie, philosophie de la Bildung, Bildungsbürgentum, université de recherche, disciplines (et départements, séminaires), etc.
En France autrement : l'histoire se présente sur d'autres lignes et réseaux, d'autres configurations de forces et de mouvements. (En maillage avec et contre, en plus, naturellement - l'Europe). La question commune est, moins que la culture, dont la notion est déjà un positionnement de singularisation et de dissidence politique au sein des équilibres de géopolitique européenne au XVIIIe, celle du public, de la république, de la démocratie, de la sphère publique.
Le peuple, dans ses configurations historiques spécifiques - toujours dans le double milieu du rapport d'étranger et du rapport d'histoire. Diversité et historicité.

Je lis avec avidité la série des Philologiques, l'entreprise collective large, et à centre de gravité germanistique, de Michel Espagne et Michael Werner, déjà vieille d'une quinzaine d'années (1990 -1994) - assez effarée de ne l'avoir pas encore rencontrée sur mon chemin alors que je traverse ces champs et y cherche des voix et des lieux. Je cherche la philologie depuis l'été dernier. (Barbara Cassin avec la sophistique ; Pascale Hummel comme arpenteuse amoureuse.) Effet, au-delà de mon ignorance, des hermétiques disciplinaires, un peu sidérant.

dimanche 6 juillet 2008

La réforme et l'étranger

Parmi les écueils, enkystements, que Charle trouve et dissout dans le corpus des discours sur les problèmes universitaires français :

. 454 : Remarque d'ordre énonciatif, sur la logomachie qui fait l'ambiance de la question universitaire en France [y compris analysée de l'extérieur - un groupe d'interlocuteurs cibles est "anglo-saxon"] : "La dénonciation du 'mal français' sous la forme d'un anti-modèle fait partie de la stratégie de réforme, mais ce n'est pas le véritable modèle universitaire français."
. plus loin (461) : "Si ces analyses sont exactes, on voit pourquoi tout diagnostic sur les réformes à faire dans les universités ou l'enseignement supérieur, qui part de l'idée trop évidente de dysfonctionnements par rapport à un idéal illustré par un cas étranger supposé plus performant, n'est, dans le cas le plus simple, qu'un manque de perspective historique, ou, dans le plus complexe, le masque d'une stratégie d'un autre ordre."

L'argument de l'étranger. L'étranger, critique, est aussi agi, et agité, comme stratégie. Une culturologie sait en démailler les implications ; sait le rencontrer.

Université, public, république

Noeuds et mouche dans La République des universitaires, C. Charle, toujours :

. le parallélisme, ou ouverture de l'un sur l'autre, entre champ universitaire et champ intellectuel, avec sa dynamique de type "histoire littéraire" : "une logique d' 'école' " (468). Fils : le premier livre de Charle est La Crise littéraire à l'époque du naturalisme, roman, théâtre, politique (Presses de l'ENS, 1979) ; mais surtout : c'est une question de conception pratique du public. En contraste avec le "jugement des pairs" (457) qui fait le processus de la valeur universitaire, et donc sa certitude et son unité identitaire en Allemagne ou aux Etats-Unis , la légitimation sociale de l'universitaire se fait en France selon des modes divisés, fractionnés, tressés avec le champ intellectuel et politique. Le "jugement des pairs" est bien rendu possible par l'autonomie sociale et politique du champ universitaire allemand au tournant du 20ème siècle, mais celle-ci est acquise par le fonctionnement premier de la sélection sociale, préalable et continue. En France le maillage social "complexe" permet des trajectoires de "miraculés sociaux", et une part de démocratie, à la fois par la voie de la méritocratie et par celle (comment sont-elles, ou non, en synergie ?) de la république des lettres. Culture, ou espace public "intellectuel" : ces zones de médiation, où les hétérodoxies peuvent manoeuvrer. "La croyance, comme dans le champ littéraire, qu'une consécration ou une malédiction ne sont jamais définitives ; que les marginaux peuvent devenir un jour prophètes" (457).
L'université française ("puisqu'il n'y en a pas") est sans autonomie : elle est républicaine, publique, dans ses fondements. Ce qui n'est pas la même chose que simplement centralisée, soumise à la centralisation comme trope ethnique ("jacobin"). Charle ne soulève pas cette question : est-ce que ce n'est pas ça ? Je regarde cette proposition : le républicain. Et reste en suspens devant ses implications, pour le moment.
C'est l'association toujours tenue, comme un principe (et une histoire, éventuellement embarrassante), avec l'enseignement secondaire, et donc les disciplinarités "classiques". Et la notion française du public - service public ; son histoire. Une tradition politique qui n'est pas la libérale, en particulier au moment tensif maximal de la Troisième République.

mercredi 2 juillet 2008

Ressources de l'histoire : pour le présent universitaire

Toujours Christophe Charle, et les enseignements qui se construisent par le travail historien : l'accumulation des faits composés et des analyses, des prises :

. la prise générale de Charle : recherches et analyses, ayant "une vertu didactique pour ceux qui souhaitent dynamiser le système universitaire" 396.
Son critère majeur, dans l'observation et la mise en histoire (mise en chaîne de causalité ou simplement de sociologique diachronique, récit) : l'innovation. Et les concurrences entre possibilité institutionnelles d'innovation scientifique et les autres forces qui distraient les acteurs : montée des effectifs d'étudiants et du poids des examens, montée des travaux de représentation institutionnelle internationale, etc.

. j'aime bien aussi la prise, pour effectuer le passage de l'étude des relations universitaires internationales à celle des frayages extra-universitaires (du chapitre "Mandarins ou 'intellectuels' ?", avec sa part "Ambassadeurs ou chercheurs ?", au chapitre "Sortir du système ?"), par : "l'expérience de l'étranger suggère aux novateurs, quand l'université est impossible, qu'il faut justement en sortir." (396) Lovely and simple.