vendredi 9 novembre 2007

La connaissance, capitalisation du savoir

Je lis André Gorz comme une eau fraîche, par grande lampées antidotes après l'empoisonnement idéologique du Rapport Lévy-Jouyet. L'Immatériel. Connaissance, valeur, et capital (Galilée, 2003). Les élucidations qui font du bien, et illustrent, incarnent, en termes simples la proposition-même de la corporéité du sujet et du savoir pour laquelle le livre travaille.
Chez lui se structurent en opposition valeur (mesurable) et richesse (non monnayable, humaine, et sociale : culture), connaissance (objectale et appropriable : monopolisation) et savoir (indétachable de la vie quotidienne des sujets en leur société et leur devenir social), capital et culture donc.
Le livre est un essai : c'est sa façon d'avancer, de mettre en rapport, d'éclairer mutuellement des problèmes que le travail consiste à adjoindre, qui en fait la force - et par elle qu'il ouvre des relations inattendues, jusqu'à un léger malaise de lecture. Comme je suis confortable dans les analyses des processus du capitalisme, qui en de tournant vers le capitalisme cognitif se trahit comme critique dans ses appels aux "externalités" [soit : à ce qui ne peut pas relever de la valeur, mais appartient à la richesse : les personnes, les vies, la vie, le social, la culture, la nature et les biens humains communs], et nettement moins confortable avec les avancées ensuite vers l'écosophie et l'écologie, vers Sloterdijk (point de repos et de relance en fin du livre) et la "réforme de la pensée", vers Edgar Morin (pensée des systèmes complexes, donc ?, c'est ça ?), vers les analyses des discours des théoriciens et praticiens de l'intelligence artificielle et du cyborg, qui ammène comme régulièrement des contrepoids d'argument que je continue à trouver faibles, sans tranchant, sans opérativité - bonnes intentions, reposant sur des éternels humanistes et des structures philosophiques corps-raison-corps-esprit déjà amorties. Car reste, au bout du compte : "Qui donc mènera la nécessaire 'bataille de l'esprit' ?" (p. 150 - dans le cyberavenir, mais aussi, l'énoncé pose bien la double valence, here and now). Un mode du travail critique n'est pas inventé.
Cet inconfort est le signe que j'ai, justement, à m'y déplacer. Ces territoires inattendus - thématiques mais discursifs plus encore.

Je sais ce qui résiste : la sensation qu'il manque ici une pensée de l'altérité, simplement. Du conflit social, et au niveau inter-subjectif même, dans cet intime de la vie politique. La société pensée comme "coopération", et la subjectivation comme "épanouissement". That would be nice. But then it wouldn't be human life. Faut voir où Gorz le problématise, peut-être. Le rapport social, même dans sa conflictualité, restant une vie humaine, et une tendre machine à valeur.
Qu'est-ce qu'une société non pathogène ? Est la même question que : comment le pathologique, comme figure éventuellement pensable à des conditions historiques partciulières du rapport anthropologique nécessairement autant conflictuel que coproductif - convivial, dit Ivan Illich, apparemment, cité ici comme allié et appui -, est partie de l'histoire anthropologique. ?

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