lundi 11 août 2008

Ce que fait un angliciste

L'année 2007-2008 du journal arrive à sa fin. La suite du travail à la nouvelle adresse : http://journaldetravail2008.blogspot.com/


Table d'ensemble :

vol. 1 : Letter from America (2006-2007)
vol. 2 : Notes de l'étranger (2007-2008)
vol. 3 : Ce que fait un angliciste (2008-2009)

dimanche 3 août 2008

Eurozine - problèmes de "translation of cultures"

Je découvre : le réseau Eurozine. Base institutionnelle à Vienne - et produit d'une Europe du XXIème qui sent encore ses racines dans la Mitteleuropa? Présentation tirée du site :

The philosophy: translation of cultures

Whenever European culture is discussed today, its diversity is evoked with near euphoria. The true challenge is to take diversity seriously and make room for new perspectives -- whether in word or thought. Only a rich and freewheeling dialogue has the potential to forge a common identity and put it to the proof.
Cultural journals are the sector of the media that most closely approximates a definition of the European public space. These journals are part of a genuinely international debate, spreading political, philosophical, aesthetic, and cultural thought between languages. In bringing the panorama of European cultural journals to an international public, Eurozine stimulates a common cultural discourse among an international readership.
Translation is the key to creating a European public space that respects diversity. By translating texts into one of the widely-spoken European languages, Eurozine creates the possibility for texts to be understood and valued outside of their original context.


La liste des liens est riche de frayages européens. A entrer.
Parmi les revues partenaires, Esprit et Multitudes en France (Pascale Casanova dans l'Advisory Board), Edinburgh Review, Index on Censorship et New Humanist au UK.

samedi 2 août 2008

Réseau européen d'analyse des sociétés politiques

Réseau de sociologie politique comparée - anthropologie, économie politique, histoire, sciences politiques, sociologie.
Jean-François Bayart (CNRS) apparemment l'une des figures actives, président du Fonds d'analyse des socIÉTÉs politiques (Fasopo) - je cite la présentation :

Le Fonds d’analyse des sociétés politiques est une association à but non lucratif (Loi de 1901). Elle a été créée en 2003 (J. O. du 16 août 2003) à l’initiative de neuf chercheurs du CNRS, de la Fondation nationale des sciences politiques et de l’Université Paris-I. Elle constitue ce que l’on appelait jadis une « société savante ». Son principal objectif est de contribuer à une meilleure connaissance des sociétés politiques, à un moment où la contractualisation croissante de la recherche tend à négliger l’analyse de ces dernières pour favoriser l’étude des relations internationales et de la « gouvernance globale ». Sa méthodologie est celle de la sociologie historique du politique et de l'économique, sans exclusive théorique ni idéologique : elle s’appuie aussi bien sur la tradition wébérienne de celle-ci que sur son inspiration marxienne ou tocquevillienne.

Le FASOPO est un réseau transinstitutionnel et pluridisciplinaire.
Il est actuellement dirigé par un bureau composé de : Jean-François Bayart, directeur de recherche au CNRS (président) ; Françoise Mengin, directrice de recherche à la FNSP (trésorière) ; Béatrice Hibou, chargée de recherche au CNRS (vice-présidente) ; Linda Amrani, chargée de mission auprès de la chaire Finances internationales de Sciences Po (secrétaire générale) ; Romain Bertrand, directeur de recherche à la FNSP (membre) ; Thornike Gordadze, maître de conférence à l’Institut d’études politiques de Paris et responsable de l’antenne de l’Institut français d’études anatoliennes à Bakou (membre)... [suite sur le site]


La revue Sociétés politiques comparées en est à sa 6ème livraison en juin 2008 : " Une revue mensuelle qui pré-publie des articles théoriques, des études empiriques, des comptes rendus d’ouvrages et de films, des documents, et les livre au débat scientifique - en quelque sorte un working-journal.
Elle couvre l’ensemble des disciplines des Sciences de l’Homme et de la Société.
Elle publie dans les principales langues européennes.
Elle soumet ses articles à l’évaluation préalable de son Comité de lecture et de referees. Elle s’appuie sur le Conseil scientifique du Réseau européen d’analyse des sociétés politiques.
"

Public

Oui (je lis un papier dans le Diplo sur "les jeunes de Bruxelles enfermés dans leurs quartiers", et une sociologie et pratique sociologique intéressée par une révision des tropes de l'urbanisme ; sociologie des espaces, comme surface d'inscription des "distances sociales" [Bourdieu], etc. Diplo août 2008, 4), le public, l'espace politique du public - la république?, ici les implications sont d'un coup plus nombreuses et mêlées, et c'est précisément pourquoi c'est là qu'il faut regarder, avec des moyens d'attention informés, d'une histoire en particulier - comme lieu de négociation collective, nationale, des problèmes tensions et conflits. "Dans une société où la sécurité est la principale finalité, les tensions sociales sont refoulées et profitent de la rumeur pour s'extérioriser brutalement. Pour que ces tensions s'expriment et se résolvent autrement que par la violence, il faut sans doute accepter que le conflit des idées et des intérêts puisse trouver sa place dans un espace démocratique. Et c'est la tâche de l'Etat de permettre aux conflits sociaux de prendre des formes institutionnelles démocratiques" (Luc Van Campehoudt, dir. de La Revue nouvelle).
Vieux récit politologique de la violence et de l'Etat. Mais il faut aussi penser la violence comme zone dans le spectre continu des modes du rapport, socialité ; le public en ouvre forcibly la qualité de médiation ; le public comme dynamique du tiers. ?
Dans des espaces urbains cloisonnés par les hiérarchies sociales, une socialité fragmentaire se vit par la famille, le voisinage, et tous types de parochial : les quartiers, tiens - "Ce qui caractérise ces milieux sociaux moins favorisés? Saïd, 17 ans, revendique le côté 'très familial' de son quartier : "Tout le monde se connaît." De fait, dans ces espaces urbains délaissés, le réseau social contrôle la sphère publique."

Aussi : la rumeur (point d'intérêt pour la sociologie ethnologique récente, en face des grands récits, discours héroïques, de l'histoire ou des institutions - discours officiels), et le mépris - "sentiment sociologique", ou peut-être "politologique", au sens du sentiment linguistique de Saussure. Ces infrapolitiques qui sont la matière quotidienne, moléculaire, du politique. Il faut une ethnologie pour leur étude, plutôt qu'une sociologie, qu'une histoire - qu'une philosophie politique en tout cas.

Inquiétudes des savants - universities & business

Je reçois, transitant par le Humanist Discussion Group, Vol. 22, No. 149, Centre for Computing in the Humanities, King's College London, www.princeton.edu/humanist/, ... ces notes sur "remaking universities in the image of business

> Date: Tue, 29 Jul 2008 06:34:07 +0100
> From: Willard McCarty
> Subject: remaking universities in the image of business
>
> Those here concerned with the future of our universities might wish to read and to circulate a paper by Robert Laughlin, Professor of Physics at Stanford and Nobel Laureate (1998), "Truth, Ownership, and Scientific Tradition", Physics Today 55.12 (December 2002), available at ftp://large.stanford.edu/publications/2002/p01jul02/p01jul02.pdf. Following is a brief extract. (See http://large.stanford.edu/ for more on Laughlin; note in particular his book, A Different Universe.).
>
>> Although outright fabrication of data by scientists is rare, scientific deception is commonplace. The academic who refuses to exaggerate in proposals, for example, will not get grants. The industrial worker who explains the core of his technical niche to someone else will jeopardize his job. Even at Bell Labs in its heyday it was common for the scientists working in the public domain to be ignorant of matters deeply important to the company even while being exhorted to be "relevant" because the knowledgeable technical people would not reveal the problems to them. The mandate to generate peoperty forces us to deceive. Members of Congress and managers in the NSF and other federal agencies would do well to reflect on this effect and understand that some fraction of the industrial-style research portfolo of which they are so proud is simply lies.... In this sense ownership, more accurately the secrecy it necessitates, is not the engine of progress but its enemy. One cannot both expose knowledge to scrutiny and keep it for one's self to sell. It has to be be one or the other. This process is why making over universities in the image of business is such a terrible idea. The great power of university research is its openness and the inherent truthfulness -- stemming from this openness -- of the knowledge it generates.
>
> One could collect many similar statements from those who in the estimation of society at large exemplify what universities are supposed to be for, who advise in the strongest possible terms
> against the path down which we appear to be going. I think also of John Polanyi (Nobel Prize in chemistry, 1986), "In Search of the Passionate Idea", http://www.utoronto.ca/jpolanyi/public_affairs/.
>
> Comments?
>
> Yours,
> WM

Quantités internationales de la recherche

This article was first published on guardian.co.uk on Thursday July 31 2008. It was last updated at 10:46 on July 31 2008:

Research : UK is second in the world at research
Thursday July 31 2008
UK scientists publish more research than any other country in the world except the United States, the science minister will say today.

However, China now publishes almost the same number of studies as the UK – four times as many as it did 10 years ago.

One in eight scientific studies that international researchers cite is the work of a UK academic, as are 9% of the 17m papers published in science journals each year, a government report has found.

The science minister, Ian Pearson, said: "The competitive salaries and state of the art research environments offered by China will undoubtedly attract international researchers to its shores. And this in turn will increase China's output and research impact further.

"However, the UK will not be left behind. I am confident the UK will continue to punch above its weight, retain its excellent research base and continue to be the destination of choice for leading international researchers. "

The department for innovation, universities and skills analysed 17m papers in 8,000 international scientific journals over the last year.

US scientists published 32% of the studies. Nearly one in two cited by international researchers were from the United States.

The top five countries in terms of the number of papers published are: the United States, UK, China, Germany and Japan. Most likely to be cited are: the United States, UK, Germany, Japan and France.

Last year, the UK's science budget was £3.4bn.

Mots d'époque - buzz #1

La lettre de l'AMUE (Agence de Mutualisation des Universités et des Etablissements) annonce un congrès du réseau des IAE :
Les trente Instituts d'administration des entreprises universitaires se retrouveront lors d'un congrès du 10 au 12 septembre 2008 à Lille, afin de travailler sur les moyens d'aboutir à une « fertilisation croisée des modèles théoriques et des pratiques managériales ». Le débat portera également sur la place des grandes écoles universitaires de management dans la nouvelle université.

La formule est claire.

vendredi 1 août 2008

Disciplinarité : travaux américains

Je découvre : Disciplinarity at the Fin de Siecle, by Amanda Anderson (Editor), Joseph Valente (Editor)

Publisher: Princeton University Press
Pub. Date: December 2001
ISBN-13: 9780691089621
352pp

Editor's synopsis :

Contemporary celebrations of interdisciplinary scholarship in the humanities and social sciences often harbor a distrust of traditional disciplines, which are seen as at best narrow and unimaginative, and at worst complicit in larger forms of power and policing. Disciplinarity at the Fin de Siècle questions these assumptions by examining, for the first time, in so sustained a manner, the rise of a select number of academic disciplines in a historical perspective.

This collection of twelve essays focuses on the late Victorian era in Great Britain but also on Germany, France, and America in the same formative period. The contributors--James Buzard, Lauren M. E. Goodlad, Liah Greenfeld, John Guillory, Simon Joyce, Henrika Kuklick, Christopher Lane, Jeff Nunokawa, Arkady Plotnitsky, Ivan Strenski, Athena Vrettos, and Gauri Viswanathan--examine the genealogy of various fields including English, sociology, economics, psychology, and quantum physics. Together with the editors' cogent introduction, they challenge the story of disciplinary formation as solely one of consolidation, constraint, and ideological justification.

Addressing a broad range of issues--disciplinary formations, disciplinarity and professionalism, disciplines of the self, discipline and the state, and current disciplinary debates--the book aims to dislodge what the editors call the "comfortable pessimism" that too readily assimilates disciplines to techniques of management or control. It advances considerably the effort to more fully comprehend the complex legacy of the human sciences.

mercredi 30 juillet 2008

Petite physique de l'altérité : le différentiel

I know but. Cogitant cette question du différentiel, comme façon de considérer l'étranger, et cogitant l'interruption (P. Legrand), l'interrupteur-multiplicateur et le shifter, je tombe sur cette petite mécanique de la différence : "Différentiel : 1. Engrenage différentiel réunissant les deux moitiés d'essieu d'un véhicule automobile. Le différentiel transmet la rotation de l'arbre moteur aux deux roues motrices dont les vitesses peuvent être différentes par suite de la différence de chemin parcouru. 2. Pourcentage exprimant l'écart entre deux grandeurs. Différentiel d'inflation, de croissance." (Petit Robert).

P. Legrand évoque aussi Artaud, qui en sait sur une certaine expérience de l'étranger (glossolalique, et mexicaine, pour commencer) : le "carrefour des séparations" ("Fragments d'un journal d'enfer", 1926, Oeuvres I, Gallimard, 115), comme modèle de la situation du comparatiste (Le Droit comparé, 122).
Question d'individuation - P. Michon avait parcouru ce trajet, de la subjectivité à l'individuation.

Oh and this beauty, 122 : Mallarmé : "Toute comparaison est, préalablement, défectueuse" ("Quelques médaillons et portraits en pied", Oeuvres 528). "Faire manquer", donc. Unworten, à la Beckett, donc. Puisque, p. 123 : "fail better". Et, pour titre de l'introduction au forthcoming volume, le Cap au pire, enmeshed avec L'Autre cap de Derrida.

L'étranger et la modernité

Toujours ces forces jumelles diversité et historicité - "puisqu[e, de différence entre plan du géographique et plan de l'historique, voir simplement le CLG] il n'y en a pas" : relu dans Le Droit comparé (P. Legrand), qui cherche abondamment dans les oeuvres littéraires, ces segments langagiers "-as-culture" analogiquement avec son postulat de law-as-culture, des analogiques d'une épistémologie du comparer : Apollinaire, dans "L'Esprit nouveau et les poètes" (Oeuvres en prose complète, II, Gallimard 1991 - conférence post-campagne, 1917).
"Appliquons au droit ce mot d'Apollinaire pour dire encore l'insurmontabilité des intermittences de sens et l'inatteignabilité d'un partage du sens : 'L'art ne cessera d'être national que le jour où l'univers entier vivant sous un même climat, dans des demeures bâties sur le même modèle, parlera la même langue [c'est "la suprême" de Mallarmé] avec le même accent, c'est-à-dire jamais'. "
Je lis :
. Apollinaire, italien-polonais, voyageur en Wallonie et Rhénanie et Allemagne-Autriche-Hongrie, et poète français.
. dans le temps successeur à, ou encore dans, la génération des "métèques" symbolistes dans la bataille du vers libre - cf GD.
. principalement : que le rapport l'étranger est indissociable de la question de la Modernité. Paris capitale cosmopolite de la réinvention de l'art au tournant du siècle. C'est aussi la modernité de Rimbaud, en 1871, comme "multiplicateur de progrès ! ".
. le "paradigme" du national, pour prendre la question de la diversité culturelle ici. Mode du XIXème. Le rapport pensé comme séparation des identités - et rivalités coloniales, puique loin d'empêcher, ça poursuit une logique, nationale mais through and through de politique nationale extérieure. Rivalité ; différentiel.
. le différentiel national pensé par l'accent : cf GD : c'est l'autre qui a mon accent. Et la marque dans l'énonciation. Le langage, creuset de la subjectivation-individuation-socialisation.

Un germaniste, contd.

Question : pour l'instant, je ne sens pas le travail de germanistique qui se fait dans Le Paradigme de l'étranger, de M. Espagne. Question de disciplinarité. J'y retrouve des faits mis en sens, communs avec le travail historien de C. Charle, et certaines méthodes : l'archive, solidement, et la prosopographie (les chaires). Satisfaction sans problème, et évidemment suggestive, fructeuse. Mais comment le point de vue d'une discipline de l'étranger peut-il intervenir? Le peut-il? (D'ailleurs il n'y a pas de prétention particulière à ça ; il n'y a pas particulièrement à l'attendre). Humm.
Histoire institutionnelle.

Littérature étrangère - territorialisations

Much much food for thought from Le Paradigme de l'étranger (M. Espagne, 1993). Sur : la question du savoir-pouvoir, et de la criticité propre de l'étranger, disons ici, comme "paradigme" donc.
En particulier :

. la perspective du "choix disciplinaire" (vers p. 68) (par exemple dans les trajectoires de carrière des individus - cf la méthode prosopographique de C. Charle). Il s'agit bien, dans la discipline comme institution, d'un positionnement, scientifique et social. Identité et statut et fonction, ou "engagement". Avec les "littératures étrangères" - en cours de formation, et tiraillées, tâtonnantes, en fondation au cours mêmes des tâtonnements institutionnels des facultés de Lettres dans le cours long du XIXème - on touche les bords sensibles des questions de disciplinarité : les zones du "subalterne", les discipines "moins considérées" 59, car "encore mal définies" 60. Plateformes utiles pour transitions de carrières etc. (voir les itinéraires des normaliens, non spécialistes).
En quoi subalternes? La présentation jusqu'ici, l'intérêt de M. Espagne, touche peu au point de vue des rapports de pouvoir avec les disciplines à forte légitimité sociale / fort prestige scientifique : comment se placent-elles, institutionnellement, par rapport à la vieille Rhétorique, et aux Littératures anciennes? [Au tout début du processus de création des chaires de Littérature étrangère, la configuration des Lettres est, ou l'une de celles possibles dans le champ : Philosophie, Histoire, Litt ancienne, Litt française, Litt étrangère - 42.]

. mais aussi la modernité (et en ça la nomenclature anglaise fait apparaître, dans son histoire propre que je ne connais pas encore assez, quelque chose qui se marque mieux qu'en France : "Modern Languages") : "Mieux informés du contexte international et notamment de la situation allemande, les professeurs de littérature étrangère font partie des artisans des plus engagés d'une rénovation de l'Université républicaine" 69. Et des réformistes de l'Université après la défaite de Sedan : il s'agit de l'université comme fondatrice de la Nation. L'international, et auxiliairement la littérature étrangère, comme outils de nationalisme. Relation de savoir-pouvoir propre au XIXème.

. mais aussi l'Europe. 39 : comme motivation scientifique interne, et on est ici au temps fondateur de Fauriel et Ampère, avec les horizons philologiques, en tant qu'ils sont aussi une théorie de la culture comme histoire, et de l'épistémologie des langues-cultures comme élément d'une philosophie de l'histoire. On est, certainement, avant de tourner le dos à l'Allemagne et ses inventions des sciences humaines.
Ici c'est la question de l'évolution du "paradigme" de l'étranger vers celui du comparer qui est concerné, qui est aussi celui de l'évolution, bifurcation, de la philologie moderne, une sorte de "Langues modernes", vers les littératures spécialisées, soit la montée de la notion, structurante, d'aire culturelle. Ce processus de dissémi-Nation (Bhabha? faut voir) : de la philologie, globalisante et européenne (mais avec déjà les lignes de tension dessinées par Fauriel cherchant à déplacer le centre de gravité de l'héritage commun de l'indo-germanique à l'indo-européen ; et contrer le modèle de l'antécédente germanique par celui de la littérature provençale, et de la Romania, ombilic des Etudes romanes), vers les spécialisations en nations. Où la rivalité franco-allemande est en jeu actif - créatif, destructeur.
Le processus de spécialisation, qui correspond aussi au développement d'une épaisseur scientifique de la discipline (simplement la production des volumes d'études, chaque fois une orientation, et un terrain), se fait aussi d'une vue génétique générale de l'histoire des littératures, philologique, aux études singulières sur un auteur. Les nouvelles chaires, sous la IIIème République, revenant maintenant à des candidats munis des titres universitaires adéquats (et seulement maintenant disponibles, bien entendu). L'apparition des Langues-et-littératures singulières - anglaise allemande italienne espagnole russe - allant avec ce nouveau mode scientifique : la nation (plus que la culture et ses grands types anthropologiques, peut-être? Par exemple, pour Fauriel après Mme de Staël, le Nord et le Midi), et l'auteur (moins les grandes genèses, plus d'étude textuelle alors? à voir).

. on parle déjà d' "études littéraires" (1896), et la Littérature comparée se différencie aussi, dans une autre bifurcation concurrente avec la gamme des aires culturelles.

mardi 29 juillet 2008

Discours sur la diversité des cultures

Repères biblio que je veux garder des nouveaux champs que m'indique la lecture de P. Legrand, études juridiques comparées et ses propres parcours :

. ses bases dans Schleiermacher ("each language" "a whole", et l'hospitalité) ; Benjamin ; Steiner ;
. traduction : A.L. Becker, Beyond Translation (U Michigan P, 1995) ; Anthony Pym, Pour une éthique du traducteur, Artois PU, 1997). Chateaubriand "Remarques à propos de la traduction de Milton" (Po&sie 23).
. éthique avec Charles Taylor (Sources of the Self, 1989 : "one cannot be a self on one's own") ; MacIntyre (After Virtue, 1989).
. herméneutique avec Gadamer, Ricoeur (De l'interprétation, 65 et Le Conflit, 69),
. dans Derrida : Positions 72 (sur la traduction-transformation) Marges 72, L'autre cap 91, Force de loi 94, Psyché 98,
. ethnologie, études culturelles, cultural translation etc. : Laplantine et Nous (dir. Métissages, 2001) et Serge Gruzinski (La Pensée métisse, 1999), John Comaroff & Jean Comaroff Ethnography and the Historical Imagination (Westview, 1992) ; Sanford Budick & W. Iser eds, The Translatability of Cultures (Stanford 1996) ; Paula G. Rubel & Abraham Rosman eds, Translating Cultures (Oxford, Berg, 2003), Michael Cronin, Translation and Globalization (Routledge, 2003), Eco, Experiences in Translation (trad. A. McEwen, U Toronto P 2001).

. Peter Goodrich, "Europe in America: Grammatology, Legal Studies, and the Politics of Transmission" (Columbia Law Review, 101, 2003, 2001).
. James Boyd White, Justice as Translation. U of Chicago P, 1990.

Modes critiques : P. Legrand

Bien aimé, le nerf de certaines prises critiques de "Issues in the Translatability of Law", de Pierre Legrand dans Nation, Language, and the Ethics of Translation (Bermann & Wood eds.) :

. la distinction, autour de la question de la plurijurality, de "strategies of simplification" (disons, le cours général des politiques de construction européenne juridique : nivellement par l'ignorance de la différence, homogénéisation - or "common core approach", "the ever-increasing technological standardization of law" 34 - "philistine tactics" ... 32) et "strategies of complexification" (entrée dans le temps pragmatique, culturel et historique, de la diversité des droits) p. 32.
. "the instrumentalist sabotage of cognition" 33. Les défenses, ignorances actives, contre la diversité ; du simple "plus d'un droit". Qui produisent du non-savoir, et dépossèdent - quoi qui ?, le public - de ces forces multiplicatrices de culture que sont les savoirs qui montent des zones de friction et des dynamiques d'embrayage.
. de même "a 'cognitive intoxicant'" 34 : qu'il prend à la lecture de Mark A. Schneider (c'est ça ?). Et : "the ignorance strategy [a textbook illustration of]", en note p. 49. Pour ignorer les "Legal irritants" (Gunther Teubner, 1998).

. beaucoup aimé la notion de diversité comme interruption : c'est le point de départ, qui entame "la suprême" (Mallarmé) du Droit : "If one accepts that statutes are not enacted by legislatures and that judicial decisions are not made by courts with a view to applying to foreign legal cultures, then legal borrowing across legal cultures is the practice ot interrupting intention, which is a form of epistemic violence." 30.
L'interruption, plutôt que la tolérance l'ouverture le dialogue - good god deliver us. L'étranger, comme interrupteur : processus culturel, de l'altération et différenciation, de ce que la linguistique sait identifier, comme shifter.
Le Droit comparé le reprenenait, en approfondissant avec Derrida : "J. Derrida se demande ainsi dans quelle mesure le Verstehen doit relever non pas de la continuité du rapport de médiation, mais bien de l'interruption de ce rapport, et en tant que 'condition [...] de l'enten[dement - [[ à entendre comme déploiement de la question de l'entendre, l'écoute, le "discours de l'oreille" et l' "otologie"]] ]. Pour J. Derrida [critique de l'herméneutique pré-déconstructionniste, "méthodique", de Gadamer], la thèse gadamérienne de la 'compréhension' et sa propre stratégie de la 'non-compréhension' (je dirais : de l' 'entendement') sont "absolument inconciliables". Or, il convient de faire valoir un éthique de l'altérité [...]" (73).

. "Ultimately, comparative legal analysis must not have a unifying but a multiplying effect" 41 : le multiplicateur de juridicité ; l'étranger comme la Modernité de Rimbaud, multiplicateur de culture, ou d'histoire ; et produisant celle équivalence en ou.

. enfin : la notion de fausse sortie, dans Le Droit comparé (11), prise dans une lecture de Derrida (Marges).

Paradigmes du public

Tiens, c'est "paradigme" qui me vient (j'écoute M. Espagne) plutôt que mon "mode" ordinaire - pour noter, en filant, ces segments du spectre où une histoire de la pensée humaine ("occidentale", pour ici) marque ses idées du collectif, du social. C'est chaque fois un pan, un monde : un point de vue, théorétique (et donc logothète ou créateur de discursivités, arts et disciplines), et idéologique.

Community et communauté, collectif, public, république, demos, nation, ethnos, peuple, polis et politique, polity, culture et Bildung, society et société, groupes et agencements, constituencies, etc. Aussi, en déclinaison : histoire, et tradition. P. Legrand parle, pour essayer de descendre au creux commun, de modèle de cohésion sociale (note 1, dans "Issues ").

Puis ce pan anonyme, qui m'intéresse pour les échos qu'il fait entre Industry of the Ordinary, Lives of the Obscure de Woolf, les arts repris par Certeau, comme manières de savoir, jusqu'à l'intime historique du populaire, et même les moeurs : ce vieux vieux modèle d'une science morale, à reprendre par Shafestbury.
Ces sciences de la culture.

Gauri Viswanathan

Une figure que je découvre, dans le sommaire du volume Nation, Language, and the Ethics of Translation (Bermann & Wood) : les premiers détails tirés du site du département de English and Comparative Literature de Columbia :

Title: Class of 1933 [??] Professor in the Humanities
Specialization: Intellectual history; education, religion, and culture; 19th-century British and colonial cultural studies; history of disciplines

Bio
Gauri Viswanathan is Class of 1933 [what?] Professor in the Humanities at Columbia University. She has published widely on education, religion, and culture; nineteenth-century British and colonial cultural studies; and the history of modern disciplines. Her most recent article is “Secularism in the Framework of Heterodoxy” published in PMLA (2008). She is the author of Masks of Conquest: Literary Study and British Rule in India (Columbia, 1989; Oxford, 1998) and Outside the Fold: Conversion, Modernity, and Belief (Princeton, 1998), which won the Harry Levin Prize awarded by the American Comparative Literature Association, the James Russell Prize awarded by the Modern Language Association of America, and the Ananda K. Coomaraswamy Prize awarded by the Association for Asian Studies.

She is also the editor of Power, Politics, and Culture: Interviews with Edward W. Said (Vintage, 2001), as well as a special issue of ARIEL: A Review of English Literature (2000) on “Institutionalizing English Studies: The Postcolonial/Postindependence Challenge.”
Prof. Viswanathan’s current work is on modern occultism and the writing of alternative religious histories. She has held numerous visiting chairs, among them the Beckman Professorship at Berkeley, and was most recently an affiliated fellow at the American Academy in Rome. She has received Guggenheim, NEH, and Mellon fellowships, and was a fellow at various international research institutes.

Modes de l'anthropo-logique

Toujours, je cherche un positionnement, j'apprends la diversité des positionnements historiques, en suis toujours plus goulue. Explorant la question de la disciplinarité, et les profondeurs de ses enjeux, travaillés (en ces termes) depuis l'invention des sciences humaines.
Les sciences de la culture : j'en étais là récemment. ("Sciences de l'étranger", M. Espagne.) Mais me revient aussi l'important : disciplines du sens, de Meschonnic, comme ombilic : source-et-ruisseau au sens de Saussure.

Et les "manières de savoir", infra-épistémologique : savoir populaire, savoir pratique, etc. Linguistique et "sentiment linguistique", par exemple, dans les termes de Saussure. Il faut que je vérifie si la formule est de Certeau ou de ma lecture de lui. Des cultures du savoir, qui sont autre chose et pourtant cousines des modes délibérés, studieux, du savoir. Ici on voit se mettre en branle les enjeux de pouvoir dans la diversité sociale des pratiques du savoir. Good.

Un germaniste

Michel Espagne, et le continent des Philologiques, de la collaboration, productrice de collaboration, avec Michael Werner.
Volume à auteur unique : Le Paradigme de l'étranger. Les chaires de littérature étrangère au XIXème siècle, Cerf, 1993.
Est-ce que je l'ai déjà écrit ici ? La littérature allemande est, historiquement, plus "littérature étrangère" (au sens de JPA, et du "Texte étranger") que l'anglaise - qui n'a comme faveur que la tradition de rivalité culturelle franco-anglaise. La franco-allemande est, pour la question de la littérature, sérieusement riche. Tout l'enracinement dans la pensée de la culture depuis Herder et contre le goût et la géopolitique culturelle française pré-révolutionnaire ; dans l'immense travail culturel (théorique et artistique) du Romantisme. L'invention de l'histoire, et vraiment l'inauguration du XIXème comme siècle historique.

M. Espagne propose donc cette notion de "paradigme de l'étranger" : Fauriel, Ampère, et le renouvellement d'une pensée des cultures humaines - une critique, aussi, de la philosophie, des Lumières - par la question de la littérature comme les littératures. Histoire de la pensée humaine, et historicisation de la pensée, par l'étude comparative-génétique des histoires mêlées et des différentiations.
"La question que pose l'étude des littératures étrangères dans l'enseignement supérieur français du XIXème siècle n'est pas celle du développement d'une discipline érudite, mais bien de la mise en place, d'un point de vue français officiel, des aires culturelles et de leurs spécificités présumées, la mise en place d'une science de l'étranger." (18)
Reste pendante : celle des implications théorique de la notion d'aire culturelle (avec les civilisationnismes, en suite de la théorie des climats de Montesquieu, par exemple), qui tournent vers les nationalismes, marque aussi de l'historicisme du XIXème. Puisque c'est aussi la concurrence (parcours parallèles) de la philosophie-philologie allemande et de l'histoire de l'esprit humain expérimentée par les Idéologues. Ce drame de l'étranger, rapporté par Humboldt au retour de Paris, et par Fauriel et Ampère au retour des contacts avec Grimm, Schegel etc. Il y a bien une tradition française de pensée de la culture, post-Lumières et post-révolutionnaire. Ses prolongements ? Il y a bien, en rivalité franco-allemande (pour ne parler que d'elle), une invention, concurrente dans le temps et post-révolutionnaire, des sciences humaines. Sciences de l'esprit : Geist / Idées.
Le fil historiciste est la garantie critique de ce mouvement, international (avec centre de gravité dans la philologie allemande, et champ de matérialisation les modernisations des universités en Allemagne, Angleterre, France, Amérique...).

Reste cette question : comment la discipline "littératures étrangères", avec ses pratiques comparatistes et historicistes, se transforme-t-elle pour arriver à un champ où se différencient les littératures nationales et la littérature comparée?

Un ethnologue

Le travail d'Abélès dans Un Ethnologue à l'Assemblée (2000) - autrement d'ailleurs que pour l'Anthropologie de la globalisation - me laisse finalement perplexe. Je cherche l'ethnologique de ce travail, alors que je garde en oreille l'attention marquée, le soin de réflexivité, de Beaud et Weber. La conclusion, par exemple, me paraît mal produite par le travail présenté dans le corps du volume - elle relève parfois plus de l'opinion personnelle, alors, que de l'interaction ethnographique. Et finalement du lieu commun ; un infra-scientifique qui reste, dans le contexte de cette exploration de méthodologie, intéressant, suspendu dans le processus d'une valorisation possible comme opération scientifique. De "l'observation participante", peu de marques remarquables comme effectivement opératrices de scientificité - seulement, les "je" en effet présents, et les remarques de ressenti et d'expérience, de l'observateur comme des observés. Et les lignes de fuite comparatives avec l'ethnographie dans sa tradition d'exotisme m'apparaissent toujours un peu artificielles, comme sollicitées, forcées, voilà ; de l'ordre d'un extérieur, cherchant peut-être une fonction de caution, ou d'écoute de ce qui se passe dans ce décentrement vers un exotique intime (la "vie politique" locale ; le "microcosme" du Palais-Bourbon) - mais finalement peu de choses sont produites dans cette chambre d'écho, qui est avancée comme la proposition théorique-épistémologique.
Je pense à l'un des thèmes qu'Abélès se donne à explorer : la publicisation, comme processus politique du parlementarisme. Analyse fine, suggestive, de la double énonciation parlementaire : débat, ou échange (entre), et adresse (à) (312-313). L'ethnologie aussi, comme science : procédé, activité, de publication. Mais c'est sa scientificité que je trouve mise en question dans cette étude : comment le compte rendu de terrain - avec son ambition, si science il doit y avoir, de faire quelque chose à la fois au "lieu du politique" et aux moyens collectifs de son analyse -, diffère-t-il, se singularise-t-il, d'une simple vulgarisation : énonciation de type informatif ; récit de voyage, récit d'exploration, avec même un versant instruction civique nationale, etc. Je sens mal l'inventivité épistémologique, et sa part critique apportée. Alors que je cherche, dans l'ethnologie, et ses réinventions modernes - dont Abélès est l'un des repères pour moi pour l'instant -, ces apports, affinages, recontextualisations, et forces de modernité, des sciences de l'étranger. Je sens mal le travail du point de vue, qui me semble devoir être (depuis lecture de Beaud & Weber) le coeur de l'activité ethnologique.
Rapport de public ; théorie du public.

Par distinction, il me semble que se dessine alors mieux ce que j'attends : l'ethnologie (peut-être - mon nouveau plan d'espoir) comme science analytique du rapport, et micro-polémologie.
Etude, et développement des moyens pour l'étude, des rapports sociaux : dans leurs systématicité (d'où un positionnement épistémologique qui m'intéresse : lui-même soustrait aux souffrances immédiates du polemos, par la sagesse théorique d'une anthropologie des rapports, soit, soigneusement, historique - d'où un intérêt pour les stratégiques de Foucault et de Certeau, à ... "explorer"). Les rapports et non les identités, comme point d'observation : les équilibres, les interfaces, les dynamiques de légitimité et de production collective des normes (et pas seulement de force - qui dit, lu dernièrement, et prenant appui différentiel sociologie/anthropologie sur Bourdieu : rapports de sens et rapports de force - Beaud & Weber, je pense), les surfaces sociales d'échange et d'inter-, les négociations de la diversité - observables par une science du point de vue ; science des jeux du social. Position, place ("se faire une place"), par les analyses des espaces, géométriques et signifiants - étudiés ici dans la topographie du Palais et des places de parole. L'ethnologie science des places et des positionnements culturels : des situations. (Et sachant, éventuellement, la nature globale, dans dissection possible, des situations comme blocs présents d'ordre énonciatif : sachant se munir d'outils de "participation". Science réflexivement, implosivement, culturelle.)
L'ethnologue à l'Assemblée soulève, au mieux, ces équilibres des pouvoirs et contre-pouvoirs (261) ; isole et identifie les phénomènes de critiques (268, 284) : zones de frictions, où de l'identitaire se met en question, au travail du rapport. Identifie ses objets : usages, fonctionnement, "la vie quotidienne". Le "lieu du politique" (Abélès, Le Lieu du politique, Paris, Société d'Ethnographie, 1983) : temps, et organisation sociale et matérielle, du social, comme politique et comme culture.

Je trouve, au fil du Diplo (août 2008, 12), une accroche importante : l'article rapporte l' "Insolite face-à-face entre ouvrières et actionnaires" chez LVMH, et note dans sa chronique de cette guerre un niveau d'observation polémologique qui m'intéresse : non pas seulement l'affrontement catégoriel, qui hypostasie le champ de forces, mais : "Entre petits porteurs, banquiers, management, fonds de pension, la 'dictature du capital' a des conflits internes à régler." Il me semble qu'une ethnologie sait faire ça, en spécification par rapport à une historiographie ou une sociologie (statistique), par exemple. Les lignes de fractures partout, intimes, dynamique de fourmillements. Les forces sociales des résultantes et des cristallisations ; toujours en reprise, locale. C'est une autre polémologie - et l'attention au quotidien, Certeau, en enseigne quelque chose de spécifique, et d'infiniment précieux, pour ne pas se tromper sur le cours politique.
Pas les groupes, mais le bloc moléculaire, en recomposition fourmillante ou faisant oeuvre - Deleuze & Guattari. (Mais sans la physique.)

J'en viens à, par la polémologie : l'ethnologie, comme science des différenciations anthropologiques, ou sociales. En ça, science de l'étranger, et en ça critique des philosophies politiques. Science des conflits internes aussi, par exemple. Rapports, conflits, identité en histoire. (Je trouve un mot qui va bien, aussi, pour désigner une autre zone de la question, dans Le Droit comparé (P. Legrand) : une cratologie. )
=> à continuer à penser en rapport (de distinction) avec la distinction (Bourdieu) : opérateur social et opérateur de sociologie.
Le rapport de culture, comme rapport différentiel. A mettre en rapport aussi avec le mode épistémologique du général, par Saussure : le différentiel linguistique comme historicité.

Je ne sais pas bien où je me retrouve, en suivant ces lignes du peuple et de l'étranger, langage et culture, histoire. Certainement dans une "anglistique" française délocalisée, ahurie. Et entrant dans un espace qui me paraît bien parcouru par la pensée américaine, et les traditions des sciences sociales. En France, ces lieux inconnus, et nouvelle expérience des cloisonnements disciplinaires vraiment forts (des pans complètement aveugles, depuis le lieu d'où j'ai appris à regarder) - je ne le savais pas.

lundi 28 juillet 2008

Etat des nouages - et les manières de savoir

Un noeud continue à s'enrouler et s'épaissir, prenant ensemble toujours plus de cohérence, mais demandant aussi toujours plus de lignes à en dégager pour ne pas s'en étrangler - écriture.

Nouages à présent : la passion, photographique et relationnelle (professionnelle et institutionnelle), des gens de la culture : public, peuples, diversité, ensembles tensifs, et leurs modes. De vie, commune et dissensuelle. Il faut toujours que j'aille voir la Mésentente et le Dissensus, Rancière et Lyotard : agenda.

Je prends par plusieurs versants, dernièrement :

1 . Le Droit comparé. Introduction par le volume de Pierre Legrand (PUF, Que sais-je, 2ème édition 2006), et par un texte de problèmes, "Issues in the Translatibility of Law", dans le volume Nation, Language and the Ethics of Translation (ed. Sandra Bermann & Michael Wood, Princeton UP, 2005). Reprise, nourrie, de la question du comparatisme, à critiquer, toujours, par l'étranger et l'historicité. Oui, le droit rendu à son processus historique - la justice des hommes - par la simple prise en compte, simple et obtusément difficile à entendre, historiquement et géo/politiquement, de la diversité des droits. C'est-à-dire leur culturalité. Ne serait-ce que dans l'asymétrie "Droit" / "Law". Ici vient jouer la pression politique du présent, qui est simplement le terrain de vie et d'enjeu : la construction européenne. Et alors oui, le travail théorique comme travail politique ordinaire - même si c'est, inconfortablement, dans l'agôn.
Ouvert ici, le grand espace d'une réflexion transdisciplinaire maintenant riche et substantielle, "anglo-saxonne", qui continue à confirmer mon impression d'un retour de la théorie vers la France, American Theory, American Théorie, et la surdité étonnante, l'effet de retard, qu'un angliciste est bien situé pour ressentir - and mull over. Un grand champ bien peuplé, bien muni en infrastructures conceptuelles, tendu au-dessus des Cultural studies et des développements de Social & cultural anthropology, des Postcolonial studies et Law, des Social sciences et des nouveaux modes du savoir en Histoire, produit en particulier (ce "particulier" est en majeure partie celui de mon attention - d'autres dynamiques sont en jeu évidemment, que je ne peux pas reconnaître, par ignorance des pans de travail concernés) dans une dynamique de reconfiguration des territoires par l'effet de la French Theory ; par la pression politique des minorités, des Civil Rights au multiculturalisme ; par la massification de l'université et sa fonction reconsidérée dans la société et ses modes de productions, etc. La mondialisation corporate, aussi, vécue singulièrement dans les contextes différents.
A noter, le point de discussion avec la prise critique que développe P. Legrand : la fonction centrale de Derrida comme moteur de problématisation, ou décomplétion ; Derrida centre de gravité. A ce coeur, où viennent verser des pans entiers des Translation studies, Cultural studies, Postco... (mais pas de la philosophie) : la question de la conception de l'histoire, et des opérations de l'historicité - avec leurs implications idéologiques. S'arrêter à Derrida (soit : avant la question du langage), bloque le chemin d'une théorisation de l'historicité des phénomènes culturels et de leurs produits ou cristallisations.

2 . Guide de l'enquête de terrain. Stéphane Beaud et Florence Weber, La Découverte, 2ème édition 2003. L'ethnologie, et ses méthodes, avec pliées en elles une histoire longue et fournie de questionnement épistémologique : l'ethnologie comme pratique expérimentale du rapport culturel, et, par l'auto-analyse et par l'écriture, comme étude des manières de savoir.
L'ethnologie, comme une autre discipline de l'étranger, science de l'étranger- qui vient se placer en série dans mon parcours avec la Littérature comparée et les comparatismes, puis la philologie. Discipline de la diversité des peuples. Avec sa propre histoire culturelle : intellectuelle et comparée (une tradition "anglo-saxonne", repère nécessaire pour penser une actualité - et une légitimité, puisque ... - française, ou simplement locale, propre).
J'y pense dans une rêverie d'Inde - le "projet Inde". Et d'une entrée dans la diversité des cultures, cultures théoriques, cultures universitaires et épistémologiques - avec des outils à cogiter, à essayer, à considérer.
Un guide - l'idée même d'un guide, comme geste de publication, soit de "coup" [je suis déjà dans Certeau] dans l'identité disciplinaire - compact, très centripète, qui insiste sur le mouvement de la réflexivité comme constitutive de l'identité scientifique et l'exigence - moralité/scientificité - de la discipline. Pratique. Savoir pratique - vers (ou depuis, plus précisément) Bourdieu. Poussant la notion sociologique de Bourdieu, anthropologiquement, vers les manières de.
La manière, nécessairement donc les manières, comme concept, critique, pour appréhender l'ethnos : le rapport de peuple. (cf Les Mythologiques de C. Lévi-Strauss, et les manières de table - et développements critiques par GD.)

3 . L'Invention du quotidien. 1. Arts de faire, Michel de Certeau. Difficile de le situer, pour l'instant. Une prise un peu héroïque, pour l'héroïsme de la réhabilitation - on peut aller plus vite sur cet agôn, et rentrer dans le travail. Mais certainement des ouvertures, des lucidités, et des prises singulières, extrêmement précieuses. Pour une dé-domination de la Culture. Ou la culture en contre-pouvoir à la Nation, la Cité, etc. Le temps du fourmillement quotidien. Culture en prise avec politique.
Une altérité de Foucault ; à lire comme branche et croisement - sur le politique et le stratégique.

4 . Un Ethnologue à l'Assemblée. Marc Abélès. Bien sûr très séduisant, très ouvert, travail de publication - l'ethnologie comme mise en public. Puis finalement, je ne retrouve pas vraiment ce que j'en espérais : une analyse du local du conflit politique. Pour l'instant ce qui s'en approche le plus est présenté comme tension, dilemme, paradoxe : "l'émotion et le formalisme" des procédures de la délibération parlementaire ; la guerre politique et l'epos de la représentation (le rituel, qui n'est pas le théâtre - 236). J'attends plus sur la violence, sur les affections personnelles comme chair du Politique ; j'attends plus d'entrée dans. Il y a une foi, étonnée et sympathique, qui vient caresser plaisamment mon émotivité républicaine, qui prend la république pour le peuple et la démocratie, et l'institution pour le fait. Toujours cette séduction qui se refait sous les pieds, comme une idéologie. (En prendre, simplement, la mesure - et ne pas croire qu'on n'est pas là.)
Certainement, l'observation de l'espace de l'Assemblée pointe de manière tout à fait problématique, avec aise, la résistance culturelle à la République et son histoire, révolutionnaire. Sympathique rappel, trace, de ce que la Nation française est bien poussée, à hue et à dia, par les soulèvements sourds, sans trop de visages, anonymes et tenus dans l'anonymité, des peuples de France.

lundi 7 juillet 2008

Philologiques - savoir et peuple

C'est, avec de plus en plus d'insistance, exactement ce noeud de culture qu'il y a à explorer : pour ses puissances de pensée (théorie, et vie sociale historique), et ses ressources de pédagogie. La question du public et de son historicité, épaisse et labile - "la vie des peuples" de Saussure.

La tradition allemande l'a, contre l'hégémonie du goût français et de la pensée-pratique politique française, bien isolée et explicitement inscrite dans des champs de pratiques et d'institutions : philologie, philosophie de la Bildung, Bildungsbürgentum, université de recherche, disciplines (et départements, séminaires), etc.
En France autrement : l'histoire se présente sur d'autres lignes et réseaux, d'autres configurations de forces et de mouvements. (En maillage avec et contre, en plus, naturellement - l'Europe). La question commune est, moins que la culture, dont la notion est déjà un positionnement de singularisation et de dissidence politique au sein des équilibres de géopolitique européenne au XVIIIe, celle du public, de la république, de la démocratie, de la sphère publique.
Le peuple, dans ses configurations historiques spécifiques - toujours dans le double milieu du rapport d'étranger et du rapport d'histoire. Diversité et historicité.

Je lis avec avidité la série des Philologiques, l'entreprise collective large, et à centre de gravité germanistique, de Michel Espagne et Michael Werner, déjà vieille d'une quinzaine d'années (1990 -1994) - assez effarée de ne l'avoir pas encore rencontrée sur mon chemin alors que je traverse ces champs et y cherche des voix et des lieux. Je cherche la philologie depuis l'été dernier. (Barbara Cassin avec la sophistique ; Pascale Hummel comme arpenteuse amoureuse.) Effet, au-delà de mon ignorance, des hermétiques disciplinaires, un peu sidérant.

dimanche 6 juillet 2008

La réforme et l'étranger

Parmi les écueils, enkystements, que Charle trouve et dissout dans le corpus des discours sur les problèmes universitaires français :

. 454 : Remarque d'ordre énonciatif, sur la logomachie qui fait l'ambiance de la question universitaire en France [y compris analysée de l'extérieur - un groupe d'interlocuteurs cibles est "anglo-saxon"] : "La dénonciation du 'mal français' sous la forme d'un anti-modèle fait partie de la stratégie de réforme, mais ce n'est pas le véritable modèle universitaire français."
. plus loin (461) : "Si ces analyses sont exactes, on voit pourquoi tout diagnostic sur les réformes à faire dans les universités ou l'enseignement supérieur, qui part de l'idée trop évidente de dysfonctionnements par rapport à un idéal illustré par un cas étranger supposé plus performant, n'est, dans le cas le plus simple, qu'un manque de perspective historique, ou, dans le plus complexe, le masque d'une stratégie d'un autre ordre."

L'argument de l'étranger. L'étranger, critique, est aussi agi, et agité, comme stratégie. Une culturologie sait en démailler les implications ; sait le rencontrer.

Université, public, république

Noeuds et mouche dans La République des universitaires, C. Charle, toujours :

. le parallélisme, ou ouverture de l'un sur l'autre, entre champ universitaire et champ intellectuel, avec sa dynamique de type "histoire littéraire" : "une logique d' 'école' " (468). Fils : le premier livre de Charle est La Crise littéraire à l'époque du naturalisme, roman, théâtre, politique (Presses de l'ENS, 1979) ; mais surtout : c'est une question de conception pratique du public. En contraste avec le "jugement des pairs" (457) qui fait le processus de la valeur universitaire, et donc sa certitude et son unité identitaire en Allemagne ou aux Etats-Unis , la légitimation sociale de l'universitaire se fait en France selon des modes divisés, fractionnés, tressés avec le champ intellectuel et politique. Le "jugement des pairs" est bien rendu possible par l'autonomie sociale et politique du champ universitaire allemand au tournant du 20ème siècle, mais celle-ci est acquise par le fonctionnement premier de la sélection sociale, préalable et continue. En France le maillage social "complexe" permet des trajectoires de "miraculés sociaux", et une part de démocratie, à la fois par la voie de la méritocratie et par celle (comment sont-elles, ou non, en synergie ?) de la république des lettres. Culture, ou espace public "intellectuel" : ces zones de médiation, où les hétérodoxies peuvent manoeuvrer. "La croyance, comme dans le champ littéraire, qu'une consécration ou une malédiction ne sont jamais définitives ; que les marginaux peuvent devenir un jour prophètes" (457).
L'université française ("puisqu'il n'y en a pas") est sans autonomie : elle est républicaine, publique, dans ses fondements. Ce qui n'est pas la même chose que simplement centralisée, soumise à la centralisation comme trope ethnique ("jacobin"). Charle ne soulève pas cette question : est-ce que ce n'est pas ça ? Je regarde cette proposition : le républicain. Et reste en suspens devant ses implications, pour le moment.
C'est l'association toujours tenue, comme un principe (et une histoire, éventuellement embarrassante), avec l'enseignement secondaire, et donc les disciplinarités "classiques". Et la notion française du public - service public ; son histoire. Une tradition politique qui n'est pas la libérale, en particulier au moment tensif maximal de la Troisième République.

mercredi 2 juillet 2008

Ressources de l'histoire : pour le présent universitaire

Toujours Christophe Charle, et les enseignements qui se construisent par le travail historien : l'accumulation des faits composés et des analyses, des prises :

. la prise générale de Charle : recherches et analyses, ayant "une vertu didactique pour ceux qui souhaitent dynamiser le système universitaire" 396.
Son critère majeur, dans l'observation et la mise en histoire (mise en chaîne de causalité ou simplement de sociologique diachronique, récit) : l'innovation. Et les concurrences entre possibilité institutionnelles d'innovation scientifique et les autres forces qui distraient les acteurs : montée des effectifs d'étudiants et du poids des examens, montée des travaux de représentation institutionnelle internationale, etc.

. j'aime bien aussi la prise, pour effectuer le passage de l'étude des relations universitaires internationales à celle des frayages extra-universitaires (du chapitre "Mandarins ou 'intellectuels' ?", avec sa part "Ambassadeurs ou chercheurs ?", au chapitre "Sortir du système ?"), par : "l'expérience de l'étranger suggère aux novateurs, quand l'université est impossible, qu'il faut justement en sortir." (396) Lovely and simple.

vendredi 27 juin 2008

Le retour des Lettres : pouvoir et disciplinarité

D'où la perplexité, la naïveté qu'il faut sans cesse rogner, devant les alliances actuelles entre le retour des Lettres, post-théorie et faisant passer la théorie (A. Compagnon toujours, voir, toujours, la Leçon inaugurale la chaire de "Littérature française moderne et contemporaine : histoire, critique, théorie", La littérature, pour quoi faire?, publiée en mai 2007), et le pouvoir, dans son entreprise de démaillage scientifique pour la mise en place d'un noveau modèle, économique, de "l'excellence".
L'antérieur, les antérieurs, avaient été quoi : culturel, élitaire républicain, etc. Avec une poussée du scientifique sur le modèle allemand après la défaîte géopolitique de 1871, développé ensuite sur celui du scientisme de la big science entre les deux guerres. Industrialisation.

Ces alliances, d'un conservatisme culturel qui répond au vide de pensée politique du côté de la boîte "les valeurs" : c'est cette satisfaction? pour le populisme élu. Et d'une mise en "concurrence" du cognitif.
C'est cette dynamique, qui fait aussi le sarkozysme dans la mesure où il a marqué un noeud politique en mai 2007, avec ses traînes complexes et même brouillées aujourd'hui, qui continue à laisser rêveur. La culture, Culture, comme cache-pouvoir - son ordinaire. Une composante d'identité nationale y joue aussi - l'esprit français avec ses rappels subliminaux.

Ressources de l'histoire - pouvoirs des Lettres

Et pas seulement son usage et mésusage (voir l'édition "participative" sur Médiapart).

C. Charle sur la faculté des Lettres de la Sorbonne (what other?), et ses mailles avec le pouvoir exécutif, en ces temps de tension politique : Paul Mazon rapporte son entrevue avec le ministre Doumergue, après que celui-ci ait contourné l'avis de la commission de spécialistes pour une nomination (La République des universitaires, 234) :

Oui, j'ai causé hier avec le ministre pendant plus d'une demi-heure. C'est un très honnête homme : je le savais déjà. Il m'a déclaré qu'il n'agissait sous aucune pression, sans arrière-pensée politique ou autre. Mais il trouve décourageant pour les professeurs de province de voir qu'on ne tient pas compte de leur ancienneté et de leurs titres. J'ai répondu qu'il serait encore plus décourageant pour eux de voir qu'on ne tient pas compte de l'avis des gens cmpétents. Je lui ai aors expliqué [...]. (J'ai expliqué au ministre ce que c'était qu'une "explication" grecque). Il m'a opposé des chicanes, il a fait venir des dossiers et montré des notes d'agrégation d'il y a dix ans. Je lui ai ri au nez. Il a convenu que l'argument n'était pas sérieux. Enfin je lui ai commenté la décision de la Faculté et la difficulté qu'il y avait à n'en tenir aucun compte [...]. (28 juillet 1908).

La question, pour les Lettres spécifiquement, des rapports d'ingérence politique, et de "l'inachèvement de l'autonomie" scientifique. Qui se rejoue, bien entendu : le point intéressant à regarder est le changement du terrain. La dévalorisation du "pouvoir culturel" et du "pouvoir intellectuel" du champ dans son ensemble modifiant, par dynamique sociologique ordinaire, les jeux, travaux et oeuvres, clivages et alliances, possibles en son sein.
C'est donc : le dénouage de ce contrat culturel où "les valeurs culturelles transmises par les disciplines littéraires [étaient] parties prenantes dans la légitimation du pouvoir social, en lettres, philosophie, histoire, voire en langues" (241) ; et où la Sorbonne avait à ramer dur, et ambigu parfois, pour "garder sa position dominante dans la transmission de la culture nationale", en face à la fois de "l'impérialisme scientifique" et "du domaine incontesté du droit dans une société libérale".

Enseignements : les "moments d'intense politisation des enjeux intellectuels" (228 - anticléricalisme d'Etat), "mise en cause du statut universitaire" (dans les nominations et autres ingérences de l'exécutif), conflits avec refus de la raison d'Etat, promotion de "la nécessité d'un pouvoir des 'intellectuels' " par les facultés, et travail continu de reconquête de l'autonomie universitaire contre l'Université napoléonienne, ses Ecoles spéciales et sa vision ingénieriste du savoir, et ses confusions entre hiérarchies scientifiques et administratives (le modèle de l'élite comme haut fonctionnariat).
Sur les Lettres spécifiquement, dans l'étude historique des situations locales de cooptations : le pouvoir intellectuel, et le pouvoir culturel, en jeu.
Pour les Lettres et les langues : l'enjeu est un rayonnement national, l'orientation des disciplines vers la représentation de la Culture française, l'esprit français (dont : enjeu diplomatique, dans l'équilibre des pouvoirs en Europe, fin XIXe et jusqu'aux années 1930). Plus on approche d'elle, plus le baromètre des enjeux monte.

jeudi 26 juin 2008

Les concepts qui nous gouvernent

Il s'agit de rentrer mieux - c'est infini, puisqu'au-delà d'une cartographie qui est encore entièrement à faire pour moi, il y a le milieu de l'histoire, et ses mobilités - dans l'épaisseur de cet embrayeur culturel des savoirs qui déterminent les décisions de policy, et les tendances historiques de la "société civile", où les poids des conditions matérielles etc. font ballast vers des tipping ou des interties stabilisatrices ou des accélérations inattendues. La résultante de ces forces étant le milieu de la vie hic et nunc.
Soif de plans d'imagination conceptuelle des disciplines : sciences sociales et historiques, sociologies des savoirs et des pouvoirs, histoire des disciplines et des modèles de scientificité avec leurs rapports à leur société et du génie national à la géopolitique culturelle, La Suite dans les idées sur France Culture me fait un goutte à goutte d'initiation, Christophe Charle rentrant dans le détail stratégique du champ social universitaire de la Troisième République fournit des dénouements d'enjeux qui font sourire de bien-être, ces lucidités : les frottements locaux, les différenciations des champs (Paris/province, sciences/lettres, étrangers et femmes, critique littéraire/scientisme littéraire, principes intellectuels/usages sociaux des carrières et des prestiges etc.). Michel Espagne à entamer, sur les disciplines de l'étranger et "les Philologiques".

Concepts qui nous gouvernent : il y a un noeud de contributions, des sciences et de la culture (lenteur inertique, chorale, de l'histoire), de l'idéologie, et des forces politiques qui poussent par le bas en tecthonique. Ces synergies à sentir, et trouver des angles de perspective qui permettent d'en dire le jeu, et d'en mesurer les forces, les enjeux, les horizons.
Les sciences universitaires, et celles des Ecoles spéciales : ingénieries des matières et des valeurs, jusqu'à l'Administration. Je pense à l'émission de la Suite dans les idées consacrée cette semaine à la construction européenne et aux savoirs de sciences sociales qui la poussent : sont engagés les questions des lieux et statuts institutionnels de la pensée du social aux Etats-Unis, en tant qu'elle donne le la (think tanks en premier lieu, par exemple contribuant par millieurs de chercheurs à l'Association d'Etudes européennes - et le relais des lobbies ou ONG), et traditionnellement les juristes européens, puis les sciences politiques (tournant européen des cursus à l'ENA, à l'IEP de Paris), puis le travail de détermination des policy makers, commissions et experts et rapports et auditions et délibérations, et des parlements (partis, donc, et relais politiques, syndicats, associations, professionnelles et "civiles" etc.) - c'est une rencontre et un noeud de malentendu, de relais conflictuel, où se joue un présent culturel large.
Il faut embrasser cet ensemble. Et les grands pans invisibles des institutions non publiques, alternatives, grises - réseaux de l'argent, de l'influence (privée et de "société civile", pousse des ONG depuis les années 80), de la lecture, des réunions, des usages au ras de l'humain et ses traînes d'histoire. Rouages, usages des rapports.

Toujours : pourquoi ces savoirs sont-ils si obscurs ? C'est une formation à ça qui est cruciale.

vendredi 20 juin 2008

Histoire des valorisations sociales

Christophe Charle, La République des universitaires, 1994.
J'entre lentement dans la logique de ce travail - prendre l'université, dans son histoire, comme terrain d'une histoire sociale, des élites. De la société dans ses dynamiques de hiérarchies - les différentiels sociaux, mobiles. Questions des "héritiers" et des "parvenus", des groupes et de leur équilibre constamment refait, avec les lignes de tension en constante recomposition.

Je regarde les outils qui se forment devant cet objet (avant l'étude de 1994 : Naissance des "intellectuels", aussi), et les questions de méthode explicitées, travaillées, soulevées par lui.
. les trajectoires individuelles, comme tracés des possibles dans les champs (qu'elles participent à configurer, en temps réel) : la méthode est prosopographique.
. elle est aussi comparative : puisque le milieu de ces questions est relationnel et relatif. Berlin et Paris permettent le jeu comparatiste.
. permettent en particulier d'identifier quelque chose des rapports entre le politique et le professionnel et institutionnel : "l'habitus élitiste" allemand persistant dans un système libéral et originellement aristocratique, bousculé ou accéléré par l'intervention de l'unité allemande et la victoire de 1871 ; la méritocratie démocratique de la Troisième République française, avec sa bourgeoisie en promotion sociale et ses solidarités entre secondaire et supérieur - enseignement et recherche (curieusement, puisqu'on pouvait aussi situer l'origine de ce trope idéologique de l'université dans l'invention humboldtienne).
. de même, le jeu des plans sans parallèlisme : esprit de corps et parisianisme et noblesse culturelle / "sélection purement intellectuelle au-delà des classes sociales et des ordres d'enseignement" (97).
. une clé est la différence entre les devenirs possibles dans les différentes disciplines. Lettres, sciences, droit, médecine, et les destins distincts - les places sociales respectives en mutation.
. un point de vue inattendu : le "sentiment sociologique" des individus dans cette histoire - disons ça comme ça, pour pouvoir le penser en continuité avec le "sentiment linguistique" de Saussure. Questions d'identité sociale, d'envies et de rancoeurs et d'énergisations ; expériences de la société. Que Charle mesure par les critères de rémunération, de trajets de carrière dans les champs différentiels du prestige, de la réputation, et de la respectabilité sociale.

. au coeur : le capital culturel, l'annoblissement culturel (et les propositions de Bourdieu). Un rapport, encore à travailler pour moi, du social au culturel au savoir à l'institutionnel au professionnel. Ce noeud, traversé par cette histoire.

Foucault - post-politique vers : la société

"Il faut défendre la société". Cours de 1976. Toujours la force de relance de Foucault, active now.
Il s'agit d'un déplacement de l'attention - et du travail des possibles dégagés par ce nouvel angle - : de la (philosophie) politique à la société. Déjà un post-politique clair : c'est un après-Marx articulé à Marx (et Weber : l'esprit du capitalisme), et après-XIXème siècle. Passant vers elle à la fois comme départ du trope du droit et de la loi, philosophiques (la souveraineté), et du trope du travail (rapport, de lutte, du capital et du travail), comme point de perspective. Vers l'analyse du pouvoir, comme relationnel. Les relations, soit : ni souveraineté, ni domination (ses binarismes qui forcent les complexités) - mais un système, avec ses solidarités communicantes et ses rouages locaux qui se décuplent ensuite en structures de domination positives. Le passage est donc aussi, en termes épistémologiques, de la philosophie et de l'économie à l'histoire. Ce milieu mobile des forces.
Il s'agit déjà (c'est-à-dire que : les repères du présent sont toujours ceux-là, plutôt, si on veut en profiter pour recaler les chronologies) d'un renouvellement d'une pensée de gauche, au temps même de la bascule d'abord post-staliniste puis post-communiste. L'écroulement graduel des concepts porteurs du marxisme comme mode politique majoritaire (l'un des), et l'état des lieux au fil des remobilisations.

Un post-politique qui ne garde pas exactement vers la culture, comme beaucoup d'autres propositions ont fait (versant postcolonial theories et cultural studies, mais aussi versant conservateur, la Culture et les Humanités pour retenir les dissolutions, historicisations - historiques et théoriques - de l'humanisme), bien qu'elle embrasse avec énergie, en prenant une grande respiration de reprise, toute la matière culturelle de l'histoire et historiographie des nations. Mais vers la société : ses modes doubles, disciplinaire, et biopolitique. Les dressages par les savoirs médicaux (normalisations par cartographie des anormaux et du pathologique), et les politiques de la population, pour un gouvernement, et une vie biopolitique - biopolitique des peuples. Les tropes qui permettent de penser ça : la normalisation, la régularisation, et donc la montée à visibilité des agences des conduites et leurs gouvernements. Les modes de vie, jusqu'aux styles de vie (vers l'étude des "herméneutique[s] de soi").
L'étude s'engage par la société civile (avec celle de l'histoire du libéralisme, comme ce pan aveuglé par la polarité marxiste des regards théoriques - reprenant par Ferguson, le libéralisme britannique, et le néo-libéralisme allemand puis de Chicago : Naissance de la biopolitique), et par, puisque c'est de là que la notion émerge, l'économie politique.

Ces différentes prises : polis, culture, société.
Encore : peuple, nations, races, Etat ["Il faut défendre la société"].
Certainement, la ligne de force ici est la relance d'historicisation. Ce qu'elle dégage.

Le cours est aussi le moment de bascule, dans le travail de Foucault, de l'archéologie à la généalogie comme seconde activité critique. L'érudition et les formations discursives et les savoirs et leurs disciplines : mais aussi leur milieu et leur mobilité stratégiques. Les relations de savoir-pouvoir. Moment épistémologique.

La question reste : les savoirs qui nous gouvernent ; les contre-savoirs que nous mettons en vie.

jeudi 12 juin 2008

Agenda - livre noir

Rencontrant BC et EA avec ELB hier, et cogitant autour des modes possibles pour une prise critique active sur les évolutions actuelles, quotidiennes, du front de lutte engageant les disciplines du sens (et leurs diffractions comparatistes dès qu'on met aussi en jeu de "modèle américain" qui se pense par la forme "Humanities") : c'est bien la question du ce qu'il y a à faire, du comment faire, et simplement du faire : la mise en question d'une pratique, épistémologiquement très travaillée mais politiquement délibérément dévalorisée et démaillée étape par étape.
On parler de pamphlet, de livre à rassembler, études des points de vue français et américain (pour faire levier sur le "modèle américain" qui fonctionne comme outil de réforme), pour septembre, de ... On parle de qualité du collectif dans cette entreprise : c'est en effet en soi une prise, politique.
Certainement on peut imaginer un livre noir - entreprise à long terme ; moins un objet, soit un énoncé, qu'un travail, soit une énonciation ; un travail scientifique. Qui peut se faire par, contenir parmi d'autres prises, un travail documentaire : la constitution d'une formation contre-discursive. Un think tank et ses ressources discursives. Le comparatisme y est crucial.
Mais connaître aussi et rendre visible aux résistances éparpillées les plans existants : l'ARESER, les collectifs SLR SLU, et toutes autres entreprises locales. (Organisation : c'est la constitution d'une voix politique, comme collective - et c'est la difficulté de sa constitution qui mesure la force de démobilisation, de désunion, de fragmentation des horizons et perspectives, de l'adverse).

mercredi 11 juin 2008

Agenda : visées de logomachie

Il y a simplement une pratique de contre-discours à monter, à suivre. Et à afficher ; lui trouver, travailler, une audibilité sociale.
Foucault déplie des histoires locales de tactiques discursives, de dispositifs de savoir-pouvoir. J'approche toujours un peu plus vers comprendre peut-être quelque chose de cette proposition qui a fait masse d'incompréhension pour moi : comment Said pouvait reprendre, dans son développement finalement de la proposition critique (généalogique) de Foucault affadie dans le sens d'un traditionnalisme de "l'intellectuel", la formule du "speaking truth to power". C'est ce que vaut "vérité", et "véridiction" chez Foucault. Speaking truth to power : mon écoute l'incline lentement vers (mais je n'ai pas fini d'apprendre cette écoute, et ni de savoir y résister, comment) : contredire par d'autres régimes de dire-la-vérité ; affaire de logomachie.

S'il y a à hisser les disciplines, actuellement, à hauteur des enjeux du débat dans lesquelles on les précipite (on : la présidence de Nicolas Sarkozy, càd la visée de la construction européenne comme projet du néocapitalisme, et celle de la "modernisation de la France" comme projet de prolongement jacobinisant des grandes dérégulations thatcheriennes ; projet des colonisations capitalistes des externalités publiques, sociales, culturelles, écologiques, biologiques) : c'est pour engager un débat, y insister pour le débat public, processus démocratique. Voix politique. Mais dans un milieu qui n'est pas celui du démocratique politique : ici il s'agit, spécifiquement, du débat scientifique, en tant qu'il y participe ; et en tant que son mode de participation est à réinventer, à re-pratiquer; à instruire à neuf et à catapulter par cette friction - cette logomachie.

Il s'agit donc : non pas d'entrer dans le débat, s'y frayer une place, y crier par-dessus les hauts-parleurs du Discours, mais de développer devant lui un, des, plan/s de discours alternatifs. Contre-discours, et en particulier, pour le concret, deux lieux deux visées : la discursivité cyber, pour pousser dans le milieu des médias ; et la discursivité scientifique, pour pousser contre le milieu de l'expertise.
On peut faire : une analyse scientifique des discours de l'exepertise - certainement, selon la proposition de F. Neyrat à l'ARESER, une sociologie des experts et leurs figures dominantes ; selon la politique critique de l'ARESER, une analyse des enjeux des réformes. Mais aussi un discours de poétique de l'étranger de cette expertise, par exemple : une sciences-de-la-culture des expertises, par exemple ministérielles sur la recherche, et européennes sur l'enseignement supérieur.

La journée de travail Pol-Lab m'aide à tremper cette détermination. Les timidités quant aux engagements de la lutte s'effacent de plus en plus, par la montée d'évidence quant à la nature du champ - professionnel et social, culturel et politique.

Il y a du chantier collectif à imaginer, ouvrir : l'entreprise est politique.

lundi 2 juin 2008

Théories et pratiques de la valeur : le crash financier

Robin Blackburn publie une longue analyse de "The Subprime Crisis" dans la NRL de mars-avril 20008, orientée autour des termes qui suivent :

"In what follows I interpret the credit crunch as a crisis of financialization--otherwise put, as a crisis of that venturesome 'new world' of leverage, deregulation and 'financial innovation' which Alan Greenspan celebrates in his recent memoir. I show that the pursuit of a market in almost everything led to a banker's nightmare in which key assets could not be valued. I urge that attention be paid to the ideas of Fischer Black, the improbable inventor of structured finance, who warned against 'loading up on risk' when declining to become a founder member of Long Term Capital Management. I evoke both the New Deal response to financial failure and the rise of consumer finance in the postwar world, before considering, in conclusion, what can be done today." (67-68)


C'est bien l'un des points névralgiques, l'un des points d'intensité, là : la valeur de la valeur ; la question de la valorisation marchande des "externalités" ; qui oriente directement sur le rapport économie / culture, comme pôles alternatifs pour deux paradigmes de "société civile" qui ne cessent de diverger. D'où on file vers la question de la valeur du "cognitif" dans le "capitalisme" du même nom, et de celle du "créatif-innovatif". De la valeur des immatériaux. Biopolitique. [voir par exemple les cogitations, chapitre après chapitre, la recherche, reprise et refaite, sur la mesure de la valeur de ces nouveaux produits qui n'en sont pas, dans Advancing Knowledge and Knowledge Management, de B. Kahin et Dominique Foray, MIT Press, 2006.]

La théorie de la valeur imposée par le consensus néolibéral se fissure, avec des effets de destruction immenses, précisément. Malheureusement il n'y pas de maîtres, pour la contrôler, car elle n'est pas un pouvoir. Et il n'y a largement pas à s'en réjouir car elle ne fait rien gagner à la critique, qu'elle appauvrit à sa suite.

samedi 31 mai 2008

Common Reading - modèles du public

Stefan Collini, que je connais comme l'auteur d'une très bonne édition des essais de Matthew Arnold (Culture and Anarchy and other writings, dans la série Cambridge Texts in the History of Political Thought de la CUP, 1993), sort à la OUP un nouvel ouvrage, en février dernier : Common Reading. Critics, Historians, Publics.
C'est public qu'il faut entendre ; là que la proposition est faite ; que la cartographie des problèmes est nouvelle.

Common reading c'est à la fois Woolf et à travers elle en amont Dr. Johnson, j'imagine. Question de la public sphere, de l'invention du journalisme et de la critique comme forme sociale (et professionnelle) ; l'invention de l'auteur professionnel, également. Et la formation d'une société bourgeoise, en voie de démocratisation : la formation d'une société civile? Il faudrait revoir l'histoire exacte là-dessus, par exemple en reprenant les repères pointés par Foucault dans Naissance de la biopolitique : Adam Smith mais surtout Ferguson, je crois me souvenir.

L'intérêt est aussi la reprise de cette question au moment de Modernism - et en le déroutant de sa ligne de pente naturelle "High", pour tendre l'attention vers une sorte de popular culture de la discussion littéraire. Les Popular Arts sont passés par là, et Jameson, etc. Effet de lecture - car Woolf, toute "Bloomsberry" et faible d'aristocratisme, est aussi l'inventrice poétique du pedestrian.

Verso's blurb : "[...] explores aspects of the literary and intellectual culture of Britain from the early twentieth century to the present. Collini focuses on critics and historians who wrote for a non-specialist readership, and on the periodicals and other genres through which they attempted to reach that readership".

=> Agenda # : l'épaisseur historique des pensées du public.

jeudi 29 mai 2008

Anglistics, tentative

Par les deux bouts, une question se forme, comme une prise sur un contexte :

. la dévalorisation des disciplines, sciences humaines, littératures, histoire, culture. Où les disciplines des langues sont au contact direct de la meule, où est vigoureusement arasée leur disciplinarité en tant que "sciences historiques et critiques" (Saussure), et comme nécessairement étude de la diversité linguistique - pour qu'il n'en reste qu'une technologie de Basic English, "langue de communication internationale"

. la puissance toujours montante du bloc English-Globish, qui entraîne avec lui tout le package idéologique de la mondialisation dans sa version Washington consensus. Et l'histoire actuelle de la construction européenne - par exemple : une politique des langues qui agit aussi comme une culture de l'action politique, le modèle du lobby privé, indiqué comme "anglo-saxon", contre celui de la citoyenneté et la culture du public, française par exemple (si tant est --) : voir le compte rendu du débat organisé à la Maison de l'Europe en décembre 2006 sur " Société civile et institutions européennes : comment construire le dialogue politique? ".

lundi 26 mai 2008

Le multilinguisme, l'Europe, le débat public

Le 26 septembre 2008, se tiendront à la Sorbonne des Etats Généraux du Multilinguisme. C'est dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, et du jour de la Journée européenne des langues.

Un forum web est ouvert, en préparation des débats sur trois terrains de débat : culture, économie, enseignement. Ils sont dessinés dans les termes :
1. Multilinguisme, intercompréhension, traduction, et circulation des oeuvres culturelles
2. Multilinguisme, compétitivité économique et cohésion sociale (le grand écart ordinaire)
3. Créativité et innovation dans l'enseignement des langues (la formulation est d'emblée orientée)

L'expert et le scientifique

Bien sûr, une contre-expertise est à conduire - un agenda clair et simple, là. (Voir Frédéric Neyrat dans la lettre de l'ARESER, issue de son topo présenté à l'AG 2008).
Mais plus précisément : c'est bien d'une expertise scientifique qu'il s'agirait de conduire, pour interroger la légitimité des experts ; et mesurer par là la politique de l'expertise - le rapport d' "expertise instituante" [outil de sociologie des rapports de savoir-pouvoir, que je prends dans Sandrine Garcia] qui remet les décisions politiques dans les mains d'un corps idéologique en constitution - du présent gouvernement. Qui a, bien sûr, ses antécédants.
Expertise scientifique, qui est autre chose qu'une analyse sociologique. Et qui doit relever d'une évaluation de type scientifique : pairs dans une pratique de peer review, et commission de spécialistes.

Question des savoirs sur la société.
Et de l'éviction des scientifiques - chercheurs et universitaires - de ce champ.

samedi 24 mai 2008

Expertise, politique du savoir

"L'Expert et le profane : qui est juge de la qualité universitaire ?" - article de Sandrine Garcia, dans Genèses, 2008/1, 70, 66-87 (dans un dossier Devenir expert, dirigé par . Information indispensable, détaillée, et éclairant une formation discursive cohérente, comme force sociale. Indiquant également, comme en sourdine, une formation discursive en regard, avec la question de la possibilité d'une contre-expertise.

- des acteurs - de la politique du savoir qui fait basculer l'université dans le régime (régulation sociale) de l'assurance qualité : AEU (association européenne des universités, dont la CPU) ; ENQA (réseau européen pour la qualité dans l'enseignement supérieur, dont le CNE) ; ASHE (European association of Institutions of Higher Education, dont les directeurs d'IUT français) ; ESIB (fédération européenne des syndicats d'étudiants, dont l'UNEF).
Le CNE donc, et l'AMUE (agence de mutualisation desuniversités et établissements ; "groupement d'intérêt public de services offerts aux univ [séminaires de formation, conseils en gestion informatique et humaine] - et au politique [expertise sur l'université]" (Garcia, 87).

- une série de rapports et documents d'expertise - dont la lecture généalogique retrace le processus de construction des outils de l'idéologie présente : assurance qualité, évaluation, "échec", "réussite", SUP (services universitaires pédagogiques - inventés par Maurice Gomel),

Je reprends la bibliographie établie par S. Garcia :

. 1981 : Rapport Schwartz. La France en mai 1981 : l'enseignement et le développement scientifique. Commission du bilan. Laurent Schwartz, Documentation française.
. 1990 : Rapport Crozier. L'Evaluation des performances pédagogiques des établissements universitaires (rapport pour le MEN), Michel Crozier, Documentation française.
. 1995 : Rapport Gomel. L'Evaluation de la qualité d'un enseignement supérieur. Evaluer qui ou quoi, et comment? Critères d'évaluation, procédures suggérées (rapport pour le chef de la Mission scientifique et technique, MEN, MESR), Maurice Gomel, février 1995.
. 1995 : Rapport Lancelot. L'Evaluation pédagogique des universitaires. Alain Lancelot, Doc française, avril 2995.
. 1996 : Rapport Fauroux. Pour l'école (rapport pour le Premier ministre et les MEN/ESR). Roger Fauroux, juin 1996.
. 1998 : Rapport Attali. Pour un modèle européen d'enseignement supérieur (rapport pour le MEN/RT), mai 1998. En ligne.
. 1998 : Déclaration de la Sorbonne : Harmoniser l'architecture du système d'enseignement supérieur , Claude Allègre, 25 mai 1998.
. 1999 : Déclaration de Bologne, 1999 : Déclaration commune des ministres européens de l'éducation. Bologne.
. 2001 : Rapport Espéret. Nouvelle définition des enseignants et des enseignants-chercheurs dans l'enseignement sup française (rapport pour le MEN, Jack Lang, Eric Espéret, président de l'université de Poitiers.
. 2002 : Rapport Romainville. L'Evaluation des acquis des étudiants dans l'enseignement universitaire (rapport pour le Haut Conseil de l'évaluation de l'école), Marc Romainville, Paris.
. 2002 : Rapport Petit. Améliorations pédagogiques à l'Université (rapport à la Commission nationale [??], François Petit, président de l'U de Grenoble 2, Paris, MEN.
. 2002 : Rapport Dejean. L'Evaluation de l'enseignement dans les universités françaises (rapport pour le Haut Conseil de l'évaluation de l'école), Jacques Dejean, 2002.
. 2002 : Evaluation des enseignements. Compte rendu du séminaire de l'Amue, juin 2002.
. 2003 : Rapport Belloc. Propositions pour une modification du décret 84-431 portant sur le statut des enseignants-chercheurs (rapport pour le MJENR, Luc Ferry), Bernard Belloc, président de l'u de Toulouse I.
. 2003 : Livres des références. CNE / IGAENR [Inspection générale de l'administration de l'Education nationale et de la recherche], nov. 2003. En ligne.
. 2004 : Rapport Education et croissance. Rapport pour le Conseil d'analyse économique, Phillipe Aghion et Elie Cohen, 2004. La Documentation française.
. 2004 : Autoévaluation et autonomie des établissements d'enseignement supérieur. Compte rendu du séminaire Amue déc. 2004, Paris.
. 2006 : Référentiel ENQA / CNE : Références et lignes directrices pour le management de la qualité dans l'espace européen de l'enseignement supérieur.) Traduction par le CNE du référentiel ENQA signé par la France en 2005. Janvier 2006.
. 2006 : Objectif 50% d'une génération diplômée de l'enseignement supérieur, Haut Comité éducation-économie-emploi, Paris, Doc française, 2006.


Note - quelques enjeux de "l'expertise comme nouveau mode de régulation universitaire" (67) :

. qui est impliqué et qui exclus du processus de cette nouvelle politique du savoir : CPU, recteurs et organismes d'évaluation des universités, et syndicats étudiants // universitaires et syndicats universitaires. Nouvelles cartographies des forces sociales.
. bien entendu, selon les termes de Robert Castel : "Savoirs d'expertise et production de normes" (1991)
. nouvelle vision du travail universitaire, par le paradigme de la qualité. La montée en puissance, sociale et politique, des experts faisant vase communiquant avec la minoration du scientifique (critères, statut, profession, rapport d'enseignement, etc.) : le processus se fait par la redéfinition des universitaires comme profanes ; pédagogiquement incompétents devant les "spécialistes de la pédagogie". Cette étrange conséquence, de l'expertise-évaluation-pédagogie. Et la minoration du rapport enseignement-recherche ; minoration de la recherche à l'université. Diminution conséquente des critères de maîtrise académique par les étudiants, et de la place d'un contrôle de la cohérence disciplinaire des formations dispensées (cf LMD). => c'est une transformation de l'enjeu de la démocratisation et de la réussite scolaire (74). Contestation des "examens de type restitutif", tournés en contre-modèle de l'examen évaluant les compétences "pourtant au coeur de l'activité universitaire, comme l'autonomie, l'esprit d'initiative, la responsabilité et l'esprit critique". How crass can you get?
. dénégation de la professionnalité des universitaires, substituée par l'expert.
. bien sûr, sociologie des experts - question en dimensions tellement dérisoire, mais en effets tellement largement effectif : force sociale. Ces trajets professionnels d'individus, imposent un modèle professionnel, et recomposent autour d'eux des systèmes de relation : entre politique et expert, entre expert et profession, entre profession et disciplines, etc.
. la théorie du capital humain, comme détermination. C'est une théorie des sciences économiques, et qui vient occulter, reprise par les pouvoirs, le débat entre les scientifiques de l'économie. Qui se développe avec la sociologie des organisations (cf la revue Politique et gestion de l'enseignement supérieur - les formes politisables du savoir deviennent : le management (et éventuellement gouvernance) / gouvernement, le modèle de l'organisation / de l'institution ; de la profession). En assourdissant la question de la nature co-produite du service dans le rapport pédagogique par ex.; relationnelle : selon les conditions institutionnelles, et selon l'apport des étudiants (leur travail, leur formation préalable). Sous-financement et sélection par défaut.
. l'histoire de l' "élite rose", oui - et de la noblesse d'Etat.
. la question de la pression externe sur l'université, avec appel à l'opinion publique : construction du discours sur "l'échec". Qui est aussi "établir l'incompétence" pédagogique des universitaires. 74. Une politique ; une stratégie (qui consiste en une captation de ressources publiques ; un bout du compte un processus de privatisation). Qui fonctionne avec "un discours sur le faire des autres" 76. Dramatiser les manques 77. La pression externe, l'externalisation, la dénégation des la compétence de la valeur aux universitaires, se fait aussi par la reprise par les syndicat étudiants de la notion d'une expertise étudiante sur la pédagogie (réclamant que leur évaluation puisse aussi avoir des effets sur la formation des enseignants-chercheurs).
. les "forces sociales, minoritaires, qui, au sein des universités, luttent pour une dévaluation du poids de la recherche dans la carrière des universitaires au profit de la pédagogie" (72 - comme profil de Maurice Gomel).
. le rapport de pilotage - nouvelle économie du rapport entre décision politique et expertise : de l'expertise mandatée à l'expertise instituante, qui propose, et fonctionne en lobby. L'intervention des politiques sur la pédagogie.
. usage du "modèle américain"...
. la généalogie montre la construction progressive d'une légitimité scientifique de l'évaluation de la qualité. Qui se fait aux dépens de la scientificité des disciplines. Avec construction de la neutralité scientifique de l'évaluation. 81.
. classes prépa, grandes écoles...

mardi 20 mai 2008

La contestation, pratique politique

Une réponse dans ce milieu de 40ème anniversaire de 68, j'ai apprécié le geste de la "Suite dans les idées" (France Culture, Sylvain Bourmeau), prenant les choses par la question d'une sociologie de la contestation. Histoire sociologique des formes et pratiques.
Bon, simplement, de mettre son corps, son centre de gravité, non dans une bataille rangée des oppositions et de la norme, une légalité qui a le poids d'une morale, éventuellement républicaine. Mais dans le quotidien politique, inventif ou obtus et obstacleux, qui forme des groupes et dénouages labiles, on a un peu vaguement un mal de mer, de la justice des hommes, de la vérité, de la société des hommes, mais on plonge on vit, avec.
C'est un bénéfice de la sociologie. Prendre comme c'est - et frayer alors dans l'horizontal, "in the flat, half blind with dust", des sujets d'une société proposant des tracés d'intelligibilité dans cette société. C'est désamorcer méthodologiquement une souffrance sociale, pour la prendre entière. Question de neutralisation politique de la pratique de savoir. La question est : ouverte.
Même processus et même question, très prise en charge, par l'ethnologie, et ses rénovations inventive dans les dernières décennies, en France et en UK/US.
Il s'agit de : comment faire avec la conflictualité. Dont des savoirs techniques sur le conflit, qu'il me presse de connaître, divers.

Note : le concept du menu Exit, Voice, Loyalty (lien wiki) : connu, mais pas par moi, depuis 1970 : Albert O. Hirschman. Exit, Voice, and Loyalty: Responses to Decline in Firms, Organizations, and States. Cambridge, MA: Harvard University Press.
Intéressant, ce rapport entre conflit et déclin. Les conflits (or not?) sociaux, au moins la tension politique actuelle, dans les institutions du savoir, est bien liée à un déclassement. Et par une archaïsation, par exemple, de statuts, valeurs, référents.
Emigrate or protest. Modes of social interaction.
Citation de wiki : " Exit and voice themselves represent a union between economical and political action. Exit is associated with Adam Smith's invisible hand, in which buyers and sellers are free to move silently through the market, constantly forming and destroying relationships. [création destructrice, Schumpeter?]. Voice, on the other hand, is by nature political and at times confrontational. " Il s'agit d'un savoir du management ici. Social sciences or what. "Organizational studies and human resource management".

L'intellectuel de Sartre - statut social

Sartre curieusement de notre temps, et du sien.

. sur les évolutions du système du savoir : entre "l'entreprise" bourgeoise qui a besoin des frayages du savoirs, et son "hégémonie", qui a besoin de verrouiller les contestations. " Aujourd'hui la chose est claire : l'industrie [plus haut : 'la production de masse', 388, 'l'industrialisation', 387] veut mettre la main sur l'université pour obliger celle-ci à abandonner le vieil humanisme périmé et le remplacer par des disciplines spécialisées, destinées à donner aux entreprises des testeurs, cadres secondaires, public relations, etc. "
Husserl en parlait déjà pour la Krisis, Heidegger souffrait de la tekhnè -- et jusqu'à Weber et les professionnalisations?
Sartre accroche à son temps avec : " la production de masse, par exemple, implique un développement considérable de la publicité, d'où un nombre sans cesse croissant de techniciens-psychologues, de statisticiens, d'inventeurs d'idées publicitaires, d'artistes pour réaliser celles-ci, etc., ou l'adoption de l'human engineering implique le concours direct de psycho-techniciens et de sociologues ". 388. Pièges historiques des sciences sociales, en effet ; qu'elles ont travaillés.

. 398, sur le statut social des "techniciens du savoir pratique", qu'il distingue donc des "intellectuels" : " On peut citer d'abord [parmi les conditions de l'intellectuel] l'option des classes dominantes et le niveau de vie qu'elles assurent à leurs intellectuels -- en particulier à leurs étudiants. Les bas salaires peuvent certes réduire à une plus grande dépendance. Mais ils peuvent aussi pousser à la contestation en révélant au technicien du savoir quelle place réelle on lui réserve dans la société. Il y a aussi l'impossibilité où se trouvent les classes dirigeantes d'assuer à leurs étudiants tous les postes qui leur reviennent et qu'on leur a promis : ceux qui ne sont pas pourvus tombent au-dessous du niveau de vie -- si peu élevé soit-il -- qu'on assure aux techniciens ; ils éprouvent alors leur solidarité avec les classes sociales les moins favorisées. "
Etc.

. 400, sur le statut social des intellectuels, regards sociaux portés sur eux : "Il est clair que personne ne l'a mandaté pour [exercer sa fonction]. La classe dominante l'ignore : elle ne veut connaître de lui que le technicien du savoir et le petit fonctionnaire de la superstructure [...]"
M'intéresse ici la simple aise avec laquelle ce constat doit être fait, et être pris. Ce sont des effets sociaux, politiques, de nature. Relax into it, and do the work. Live.