mardi 29 avril 2008

Hands on - ethnologique politique éthique

Soif de terrain et d'outils pour le terrain, et de perspectives, de comment.

Une ethnométhodologie, éventuellement. Marc Abélès anthropologue de l'Etat, du politique, de la globalisation. Méthodologies pensées de l'enquête de terrain, outil des sociologues (Stéphane Beaud et Florence Weber, à La Découverte). Peut-être repasser par Certeau, l'invention du quotidien. Je lis aussi Lénine, avec la perplexité estomaquante d'un vif de l'histoire - qui laisse songeur.
J'en suis à cet étrange état où l'immobilité des choses, valeurs défendues et projets prenant forme dans le champ scientifique me rappelle les enjeux à vif que l'université américaine a affronté pendant la période du cultural turn. 1993, par exemple, pour le ACLA Report de Berheimer, et son Comparative Literature in the Age of Multiculturalism. Comme si on était au bord d'une formulation en terme de retard, de 15 ans. Bien sûr il ne s'agit pas de ça.

Des outils très pratiques, culturellement marqués dans le "pragmatisme" américain (dont pour ingrédients God et les neurosciences en horizon, community et la possibilité, les pratiques des motivational seminars et autres self-help qui déclinent dans un maintenant liberal des lignes qui remontent aux sermons puritains et à la démo-théocratie) et dans sa tradition contemporaine de résistance critique et d'activisme démocratique, dans Frances Moore Lappé. Getting a Grip. Clarity, Creativity and Courage in a World Gone Mad, Cambridge Mass., Small Planet, 2007.

. l'appel à tourner le regard de la Thin Democracy à la Living Democracy : la démocratie se fait par chacun ici maintenant et en inter-subjectivité. Savoir la faire agir, la multiplier. S'en encapaciter. Call it "relational power".
. la notion de "What democracy feels like". Illustrée, ici, par un répertoire d'expériences locales et diverses.
. la notion de the art(s) of democracy, et d'une formation à l'activité démocratique. La démocratie de l'ordre d'un faire, quotidien, ordinaire, et pouvant relever d'une pratique modificatoire.
. la notion, plus difficile - elle s'installe moins confortablement dans l'humeur upbeat and bright-eyed des récits des succès et des possibilités dégagées ; l'humeur de "sanity in action" -, de "conflict as creative" ; de "when fear means go", "fear as pure energy".

Plus mordant, critique comme créatif :
. "on issues versus entry points" - c'est bien ce fin du politique que je cherche, dans le travail critique. La détermination de ces points relève à la fois de l'analyse (carte des lignes de failles, cartographie des invisibles sociaux et culturels) et de la création (inventer un angle, et un comment. A way in, and a way in donc).
. un savoir-faire, le sien et ceux qu'elle collecte dans ses rencontres et traversées, sur "ten arts of democracy". Une réflexion active sur le langage comme milieu-moyen du politique. Ici il y a une prise sur la formation discursive de la Communication. Media & communication studies. Et Rawls et le communicationnel, etc. Par exemple : "active listening, paraphrasing, reframing, and role playing". Par exemple les items du chapitre "Talking Democracy", qui me remettent en tête Susan George en conférence à P8, sur la captation des significations par le discours hyperdominant de la Far Right. Le travail de dépiautage, reclaiming : de "globalization" à "global corporate control", de "Conservatives" à "anti-democratic Right", de "free trade" à "corporation-favoring trade", de "regulations" à "standards".
Ces outils sont cultivés, diffusés : conversationcafe.org ; meetup.org ; Study Circles Resource Center devenu Everyday Democracy ; National Coalition for Dialogue and Deliberation.

. un diagramme de l'action, qui fait bifurquer un même "moment of dissonance / moment of opportunity" en "cycle of fear" et "cycle of hope" : "recognize fear as a call to courage (not a verdict of failure) ; find entry points (to act personally to shift causal patterns toward life), ease fear by attracting and embracing new 'tribes' ; experience joy in truer connection & greater efficacy ; glimpse possibility of more life-serving mental maps and follow curiosity." (112)
"Every time we act, even with fear, we make room for others to do the same. Courage is contagious." 127.

Le moralisme n'est pas absent, n'est pas non plus entièrement gênant. Une approche du terrain éthique, une écoute de ça, l'éthique du politique - qui fait sentir dans la démocratie le politique retiré au seul jeu du pouvoir.

F. Moore Lappé's Small Planet Institute website : http://www.smallplanet.org/
And the handbook : Doing Democracy, Ten Practical Arts.

mercredi 23 avril 2008

Proust et la pratique éthique

Au comte de Montesquiou-Fezensac, lettre de 1896, extrait choisi dans le "Proust, l'antisémitisme et le non-engagement", de Stéphane Chaudier dans la RILI n°4, mars-avril 2008 :

Cher Monsieur,
Je n'ai pas répondu hier à ce que vous m'avez demandé des Juifs. C'est pour cette raison très simple : si je suis catholique comme mon père et mon frère, par contre, ma mère est juive. Vous comprenez que c'est une raison assez forte pour que je m'abstienne de ce genre de discussions. J'ai pensé qu'il était plus respectueux de vous l'écrire que de vous le répondre de vive voix devant un second interlocuteur. Mais je suis bien heureux de cette occasion qui me permet de vous dire ceci que je n'aurai peut-être jamais songé à vous dire. Car si nos idées diffèrent, ou plutôt si je n'ai pas indépendance pour avoir là-dessus celles que j'aurais peut-être, vous auriez pu me blesser involontairement dans cette discussion. Je ne parle pas bien entendu pour celles qui pourraient avoir lieu entre nous deux et où je serais toujours si intéressé par vos idées de politique sociale, si vous me les exposez, même si une raison de suprême convenance m'empêche d'y adhérer.
Votre
Marcel Proust

Dossier Postcolonial - France et anglophonie

Littérature prépare un dossier sur la question postcoloniale, en prenant par l'angle d'une hypothétique manière française/francophone de la pratiquer. La prise est bonne. La mettre à l'épreuve.
Enfin en France - par la RILI, par les revues, elles sont donc actives, effectives dans la société, et par les traductions, Bhabha, Lazarus, les historiens américains ou anglais - la question débouche. Avec les décalages, de temps et de culturel, qui sont plein de potentiel critique.
Question à observer se vivre.
Question à prendre par la cultural translation de la French Theory.

Revues
. Interventions: International Journal of Postcolonial Studies. General Editor : Robert Young (NYU).

Numéros spéciaux et dossiers de revues
. Mouvements des luttes et des idées. Qui a peur du postcolonial? Dénis et controverses. Sept-oct 2007.
. RILI : n° 4 (mars-avril 2008) dossier "La nouvellle histoire atlantique. Esclavages, empires et colonisations"
. Multitudes :
. Labyrinthe :
. Hérodote :

Débats, controverses
. Cusset, François. "Le Champ colonial et l'épouvantail postmoderne". RILI, 5, mai-juin 2008, 36-40. Discussion de L'Occident décroché. Enquête sur les postcolonialismes, Jean-Loup Amselle, Stock, 2008.

Littérature et théorie littéraire
. Lazarus, Neil. Cambridge Companion to Postcolonial Literature (CUP, 2004) traduit en Penser le postcolonial. Une introduction critique, chez Amsterdam, 2006, par ? - est-ce que c'est ça?

Histoire
. Blanchard, Pascal. La Fracture coloniale. La société française aux prises avec l'héritage colonial. La Découverte, 2005.

Groupes de recherche
. IndeA : Centre de recherche sur l'Inde anglophone. Rennes 2, resp. Emilienne Baneth-Nouailhetas.
. SIELEC : Société internationale d'étude des litttératures de l'ère coloniale. Jean-François Durand (littératures de langue française) et Jean Sévry (anglophonie).
. Cerpac : Centre de recherche sur le Commonwealth, EA 741, Montpellier 3)
. Desi, Diaspora, Centre de recherche sur les spécificités indiennes, EA 4196 Climas, Bordeaux3
. Caribbean Studies Centre (London Metropolitan University, UK)

Evénements scientifiques
. "Situations postcoloniales et régimes de sexe". Colloque organisé par Anne E. Berger et Eleni Varikas, « Centre d’études féminines et d’études de genre » (EA 354) de l’université Paris VIII, 29-31 mai 2008. (Programme)

Ressources web
. Post-Colonial News and Literary Studies (Université Paris 3).

mardi 22 avril 2008

Coetzee - middle voice et politique de la grammaire

J'ai compris quelque chose de la middle voice de Coetzee - sans qu'il m'importe ici de savoir si c'est bien ce "qu'il veut dire", dans ce texte cryptique de "A Note on Writing" (1984, dans Doubling the Point), en retenue, comme beaucoup de ses essais.
Coetzee et l'exploration intime des ressources de la grammaire, par Chomsky, par les linguistiques contemporaines, qu'il traverse avec une qualité d'attention qui relève de son oeuvre : les suspensions axiologiques. La grammaire comme corps culturel où les inscriptions historiques sont infiniment profondes, far-reaching, dans la texture la plus serrée des signes. Une poétique au scalpel.
"A Note on Writing" s'écrit en réverbération de Barthes et Benveniste, et de leurs percées sur le temps et la personne. Et réembrasse pour penser la langue contemporaine une histoire assez large pour que l'historique y soit audible :
"Though modern Indo-european languages retain morphologically distinct forms for only the active-passive opposition, the phantom presence of a middle voice (a voice still morphologically present in Sanskrit and ancient Greek) can be felt in some senses of modern verbs if one is alert to the possibility of the threefold opposition active-middle-passive. 'To write' is one of these verbs." (94)

D'abord, noter le prolongement de Barthes sur la position énonciative très particulière qu'ont déployée les poststructuralistes, en plaçant le littéraire au coeur du critique-scientifique ; coeur de langage. Pour Coetzee la recherche est uniquement, exactement, de cet ordre, poétique.
Puis : le pouvoir de la middle voice - tout autre chose qu'une déclinaison de l"hybride, métissage, etc. - est celui d'une percée des plans d'énonciation. L'énonciation traversant les planisphères d'énoncés, pour le relief du je-tu ; la langue vivante, et politique. La middle-voice comme cette catégorie du langage où un énoncé laisse flottante la détermination du sujet de l'action, l'agence, de telle manière que le pivot entre objet et énonciateur présent, lecteur, puisse être bien libre pour tous les passages.
He writes a book, a book is written by him, a book is written/he writes? not exactly. Rather his terms : "I am writing a note (active) / I // am writing // a note (middle)" - "which of them describes the act one is performing? (But : to perform an act or to perform / an act?). 95. Où l'objet est articulé au produit de l'action et non à l'acteur : au présent de l'énoncation, et au sujet de l'énonciation. C'est une mise en cause de l'objet, dans les termes de l'essai. La conséquence est l'ouverture du champ d'énonciation. Place du travail du roman pour Coetzee. Question de "qu'est-ce que je fous là?", Depardon.

Où le politique s'ouvre : "The three voices active, middle, passive may then be thought of as a cautionary chorus always to be lent an ear when one is doing-writing." 95

Poétique et politique chez Coetzee : une poétique du cautionary.
Et d'ailleurs du chorus - dedans et dehors et par-dessus les bastingages de lecture. E pericoloso sporgesi.

vendredi 18 avril 2008

L'intime du politique - morale et agenda

La sensation de la morale - moralisme et moralisation -, est pénible, comme un mauvais goût humain, ou de vie, parce qu’elle – well : juge bien sûr, càd fige et formalise. Elle passe dans le corps et empoisonne. Or « ce n’est pas cela », à la Rimbaud. Tant qu’elle ne sait pas trouver le mouvement qui oriente l’affect vers ou par un théorique, un politique.
Les montées de phraséologie aussi distasteful que celles qui font les ornières du quotidien parental, insupportables, touchent vers : l'irritation devant l’irresponsabilité et les esquives du collectif, l’individualisation, l’ignorance des enjeux, la faiblesse de l’activité, les négligences et inefficacités. Et sont donc, en ce qui concerne le milieu professionnel universitaire : l’affect du scientifique. Du théorique, du politique. Moins à réprimer comme agressivité relationnelle, qui distrait des enjeux, qu’à écouter comme symptôme d’une question réelle, légitime – puisque c’est la vie ; il s’agit de la justice des hommes –, et à penser. A discuter, aussi, en l’apportant à la sphère publique. La croisant, la faisant cross-fertilize – pollen (Y Moulier Boutang).

La morale comme affect d’une éthique - et ses enkystements, puisqu'elle formalise, et arrêtent la pensée sur ces butées. Indignation, rancune, impatience, irritation, pression et énervement, fatigue, dépression par solitude ou non-reconnaissance etc. Jusqu’à ce qu’on arrive à la penser et à l’agir. Inventer un comment - agenda. Et retrouver un corps, vivant.

L'institutionnel

Une éducation - je suis celle de Henry Adams, au jour le jour, instruction (fine) sur le processus (immense) de modernité ou vie ; on peut donc y aller à la pointe - fait passer, éventuellement, du travail dans l'institutionnel au travail sur lui.

A la fois le retourner, volte et leap of practical conceptual activity, comme objet de l'analyse, et trouver les hors-sol et shifters d'étranger - Hyderabad, pour exemple - pour se situer en position de levier sur lui. Volte. And possible flat-faced crashes - but education necessarily.

jeudi 17 avril 2008

L'institutionnel au virtuel - Il faut faire autre chose

Je continue à être pressée de cette question, et à ne produire de phrases que répétitives, j'attends un breakthrough. J'attends, par ex., que l'horizon d'ELB se dégage un peu d'une façon ou d'une autre. Something building up, comme la certitude d'un comment faire.

L'état de l'institutionnel universitaire et scientifique étant tel, noué de plus en plus serré et plus brouillé, il y a bien entendu d'abord à y participer, traverser avec tout le monde, apporter la part possible de clarification, de percée de perspectives. Y compris par le travail d'analyse, et même simplement d'information. Mais "parlons d'autre chose", Beckett : à fabriquer du hors territoire, fabriquer du territoire autrement, hors sol pour commencer. Qui pourrait répondre au "par projets".
Je repense à Cixous et le Département d'études littéraires anglaises de Paris 8, à la création de Paris 8 même, Centre universitaire expérimental - et à l'historicité des conditions. Aux virtualisations possibles maintenant, par télé-travail et mobilités. A JPA qui pose cette question chaque fois. Pendant que l'institutionnel se prend en masse, locked in conflict, percer des bouches d'air.

L'université par projets - étranger, scientificité

La question sur laquelle j'étais restée ouverte à la fin du Nouvel esprit du capitalisme (E. Chiapello & Luc Boltanski, 1999) : hypothèse à imaginer, à travailler ; visée d'essai : une université par projets - hypothèse d'une université dans la modernité, si on essaie de la penser dans le mouvement de la "cité par projets". Disposition de la question : qu'est-ce que ça permettrait de penser, de faire bouger des catégories qui peinent et craquent actuellement?

La pratique continue de l'institutionnel universitaire m'enseigne lentement des arrachages (aux bêtises de penser dans des cadres obsolètes - désherbage lent, maille par maille et avec à-coups, une rythmique de vie sociale qui presse et relâche, serre ses étaux et déclenche ses dégagements, petites créations pratiques). Je pense aux expériences des mois anti-LRU, des mois de crise SHS au CNRS, des années d'asphyxie du Département de Littérature anglaise à Paris 8, aux réunions de liste en vue des élections aux conseils à P8 sous la présidence actuelle et dans le contexte de cette saison de positionnements des universités les unes après les autres votant leurs statuts sous LRU et reconfigurant leurs bases politiques. A la petite expérience de l'expertise que je me constitue à l'AERES. Etc.

Je continue à tenir, être tenue, par les deux forces insistantes : la scientificité, et l'étranger comme shifter. Seules forces politiques ; culturelles. L'université par projets, c'est éventuellement à essayer comme : l'analyse des déconfigurations actuelles et leurs logiques intimes, et : pousser entre les pavés, pousser les pavés. Voir les murs, les identifier, faire du bout de doigts d'aveugles une cartographie des blocs de pouvoir [l'un d'entre eux vient de s'identifier d'un glaring coup de lumière : Antoine Compagnon sur les Lettres françaises, en quoi semble s'être transformé, pour situation de visibilité actuelle, le champ des études littéraires], et frayer dans les lignes de faille. Apprendre à pratiquer les lignes critiques. Ne pas défendre, et laisser monter le créatif, qui a à s'improviser dans les territoires.
Je pense à l'Inde (accords de coopération bi-latérale) ; à un master international Theory Exchange (l'étranger & le théorique - quelque chose qui peut avoir une lisibilité et donc une prise dans une mondialisation cognitive) ; à une revue Theory Exchange. J'ai du désir ; ça pousse. C'est ça qu'il faut suivre ; la seule force.

Etranger et scientificité sont les shifters, sont les forces de création. Welling up. Par l'invention des concepts, par l'analyse-prise comme invention du présent, par l'historicité en dégagement.

mardi 15 avril 2008

Expertise de l'expertise : pointers

Poste d'observation extrêmement utile, et nécessaire, cette pratique du monitoring de l'expertise AERES, sur les Masters de la vague B. Bien sûr, faire passer par son corps par sa vie les processus institutionnels et leurs déchirements (et leurs zones blanches, terra nullius du social, dépolitisantes).
Le rapport de publicité est une question majeure, insistante. Je ne sais quel implicite qui fait tenir les experts au silence, au souterrain - opacité. Les règles de confidentialité ou publicité n'ont pas été publiées elles-même, ou pas diffusées, indiquées aux praticiens. Personne ne pose donc la question ? Où ? Les rapports d'expertise seront mis en ligne sur le site AERES. J'imagine que la liste des rapporteurs sera également rendue publique ? Publicité sur le mode de leur recrutement ? Il y a bien sûr public et public. Comme tout le système de la loi française (au moins) : nul n'est censé, etc.
La fiche d'évaluation est intéressante - quelle publicité a-t-elle ? Est-elle communiquée aux enseignants "porteurs de projets" ? Je n'en suis plus sûre. Cet abîme de non-information, qui rend possible la montée en volutes de tous les fantasmes - l'abîme est produit, par les deux bouts ? Je ne sais toujours pas comment comprendre l'ignorance (rumeur, désinformation), dans laquelle on travaille sur le terrain universitaire - où est-elle produite ?
La fiche elle-même me paraît technique et assez bien orientée sur le scientifique - les rubriques portant l'idéologie professionnalisante, mutualisante, sont présentes bien entendu, mais je ne lis pas une activité idéologique forte dans ce crible. Elle s'amorce à son usage, et non à sa constitution, sans doute. Le moment aveugle, le chaînon manquant, où s'engouffre la criticité des décisions.
Intéressant aussi les réponses qu'apportent les experts. Anthropologie de l'expertise - au sens d'Abélès, serait à mener. En parallèle avec sa sociologie, menée par l'ARESER. Il y a le plan personnel - vue psychologisante des motivations. A écouter de près : le politique y joue fondamentalement. N'y joue que là c'est son bout. Son théâtre, son drame. Il y a un autre plan, scientifique, et politique - chaque réponse donnant lieu à un positionnement des experts sur l'échiquier de leur discipline spécifique, et de leur présent politique commun. Performatif de l'expertise.

Le recueil informel de ce corpus de performances, en quoi consiste nécessairement le travail d'encadrement (direction scientifique, accompagnement administratif et ses degrés hiérarchiques, et les intermédiaires flou de "l'expertise renforcée" - what the f***?) fait apparaître des éléments, où il est curieusement difficile de reconnaître un paysage, un visage. De caractériser. Encore une fois : à la fois dilution des enjeux dans les processus administrés, et complexification propre au travail de terrain.

Quotidien politique

Il y a un réajustement politique dur à faire, quotidien, pour ceux qui ont grandi dans un monde de Glorieuses - et l'apprentissage des tensions politiques qui tendent effectivement la vie, machines sociales impressionnantes, "sourde pression des rapports économiques" (Marx, donc). L'expérience de la subjectivité est tout autre que celle théorisée, théorisable, dans les conditions "glorieuses", et leurs complaisances et repos. Il y a un apprentissage de l'ordre de la modernité, son arrachage et sa dynamique - une subjectivité à l'arrachée, quotidienne. L'Amérique reste pour moi un modèle théorique, historique : par Tocqueville et Henry Adams - en ce moment de ma lecture mon Henry rentre aux Etats-Unis post-Sécession, dans ce creuset où tout ordre politique et social a fondu, et où toute l'éducation, personnelle et nationale, est à refaire. Frontier de la modernité - localement, mais aussi mondialement.

Je pense à Gramsci et la pensée de la défaite politique, qui trouve comment continuer à cultiver, inventer, politiser, la critique. Théorisant l'action politique, repassant par Machiavel, pour une révision soigneuse de l'agency.
Aussi, à Marc Abélès (merci AB), à Certeau et la lignée des ethnologues du quotidien peut-être : agenda legenda ici. Anthropologie et marxisme (1976), Anthropologie de l'état (1990), La Vie quotidienne au Parlement européen (1992), Anthropologie du politique (Colin U, 1997), tiens, et L'Echec en politique (2005), Un ethnologue à l'Assemblée (2001), Les Nouveaux riches, un ethnologue dans la Silicon Valley (2002), - travaux aussi sur l'écologie, l'Europe, l'Afrique (Le Lieu du politique, 1983). Une lecture pourrait commencer par Anthropologie de la globalisation, 2008, Payot.

La prise pour moi est, toujours plus clairement, scientifique. Voir la notion de lutte théorique dans Que faire?, Lénine. Ces savoirs déployés, pratiqués, du terrain politique et des dynamiques culturelles. Qui sont conditionnés également par des coordonnées historiques, aux pertinences historiques donc. Prendre le mouvement de cette histoire, pour entrer dans l'histoire du présent.

lundi 14 avril 2008

Projet Inde - Theory exchange, problème public

Continuant dans les pas, fantasmatiquement, de Humboldt, du projet Amérique au projet Inde (sens inverse donc), je regarde vers l'Inde, et s'élabore une question, initiée par ELB et grâce à l'intégration dans le mouvement du déport disciplinaire anglais + français : Theory exchange. Theory in translation.

Un point de formation ; une source du présent. Les pérégrinations, cultural translations, de la French Theory. Question dont il me semble sentir qu'elle a du potentiel scientifique et culturel. D'affichage ; d'économie du scientifique, et prise critique, active, sur. Un problème public. Il faut que je reprenne avec ELB l'idée du Master international.

Il en va donc de cette question même : créer les lieux, les sites, d'un problème public.

Gramsci philologue - et Croce

Un point d'attache, d'accroche : Gramsci aurait une formation de philologue, et aurait concentré une part notable de sa force d'analyse et de critique à la discussion de Croce. (Et Bergson, naturellement. Ici aussi il faut aller voir, et c'est un monde entier de discours et d'histoire.)

Voir par exemple, dans les Cahiers de prison, "Essai de Croce : cette table ronde est carrée", écrit en 1935. Classé thématiquement dans l'ancienne édition anthologique Gramsci dans le texte (1977, Editions sociales, dir. François Ricci avec Jean Bramant) dans la section "Problèmes de civilisation et de culture", et le chapitre "Langue nationale et grammaire" (en parallèle avec "La Formation des intellectuels", "L'organisation de la culture" (école, universités et académies, principe éducatif, pédagogie moderne / idéaliste), "Problèmes de critique littéraire" (art et lutte, art éducateur, critères de critique littéraire, romans populaires, Jules Verne et le roman géographico-scientifique, roman policier, roman feuilleton, le "surhomme", Balzac), "Américanisme et fordisme", et "Passé et présent".
Au sein de "Langue nationale et grammaire" : formes de grammaire, innovations linguistiques, types de grammaire normative, grammaire historique / grammaire normative, et "Ce qu'on appelle 'question de la langue'.

L'essai sur Croce est une lecture de "Cette table ronde est carrée", donc, texte intégré dans le volume Problèmes d'esthétique. Gramsci y discute une philosophie ontologisante, logique, du langage, et y trouve l'occasion pour travailler la "fonctionnalité", soit "l'historicité", de toute vérité, y compris grammaticale.

Eléments pour une situation de Croce, notes de la note d'index p. 743 : d'abord orienté marxisme "sous l'influence de son maître Antonio Labriola", s'en éloigne, écrit que le marxisme en Italie "et dans le monde entier", né en 1895, est mort en 1900. Ministre de l'éducation nationale 1920-21, participe à la répression des grèves (cf Contribution à ma propre critique, 1949), "voit d'un oeil favorable les débuts du fascisme, comme bien d'autres libéraux pour qui Mussolini était l'homme qui reprenait en mains le 'flambeau du libéralisme'. Mais en 1925, 1er mai : Manifeste des intellectuels antifascistes, plusieurs centaines de signatures. Dès lors antifasciste, et symbole de la culture antifasciste. Erudition, travaux sur l'esthétique, l'histoire, la littérature, la critique littéraire, études sur Hegel, Vico, Kant, et fondation en1903 de Critica : immense activité culturelle. "Il a largement contribué à donner au mot "culture" le sens le plus compréhensif en développant le point de vue de l'historicisme, qui identifie, à l'intérieur d'une philosophie de l'esprit, philosophie et histoire, et donne à l'activité critique une place de premier ordre."

L'étranger comme shifter

J'en arrive, comme de temps en temps, à une simplicité du problème (qui mesure combien je suis restée sur place, mais pourtant, etc.) : l'étranger comme shifter.

En travaillant Beckett et l'allemand, et l'italien, et jusqu'au portugais, je retrouve sous mes mots les notions travaillées par GD, apprise dans le travail de GD : le concept opératoire de shifter. Actif à partir de Benveniste et la pensée linguistique du déictique. La notion fait son chemin et me retrouve un peu plus loin à un niveau de généralisation qui ouvre ce champ dégagé, champ de simplicité.

L'étranger, shifter anthropologique. Qui fait que le langage est la question qui développe les sciences de la culture. C'est là simplement que s'articule la diversité des langues et l'historicité -- ce point d'articulation que j'ai eu du mal à élucider, son intuition étant si pressante, pour le séminaire avec ELB.
L'étranger plaque tournante de l'humain. Différence, histoire. Variation vivante. D'où le drame, dramatique, épopée -- éventuellement, si on a envie, héroïque et attendrissante. C'est assez grand, awesome et intime et quotidien à la fois.

mercredi 9 avril 2008

Life and opinions

Je pense aux livres de ménage, petites oeuvres pratiques, manuels, commonplace books - et livres d' "opinions". Coetzee reprend ce fil de littérature anglaise dans son dernier Diary of a Bad Year. Qui entre en résonance avec Shaftesbury, et les romanciers du 18ème. Life and Opinions of. Characters, Manners, Opinions.
J'y pense en recevant ces tidbits de mails et newsletters ("Thoughts from Lynne"). On pourrait le reprendre par les pratiques (et théorie) du minor chez Poe - cette littérature du fragment et de l'anti-canonique, de la non-oeuvre, et ses mouvements à-côté de littérature grise - et populaire. Une autre culturalité, forcée doucement par Poe dans la sphère de la Littérature. Création grise qui se faufile entre les Modes et Genres "officiels" - "Grammatik und Stil" de Beckett. Et se reprend donc peut-être en une étrange lineage dans les blogs et bits actuels, pour une nouvelle culture bousculée par la socialité web.
Quelque chose se joue du rapport au public. "Démocratisation" comes to mind, mais c'est vite dit sous ce terme, naturellement. Certainement, une force qui souffle sur les cadres culturels en place. Les rend un peu ridicules, empruntés, dans leur grandes structures instituées.

Voir l'hypothèse d'une actualité de la manière, éventuellement. Sans précipitation. Et par Coetzee, par De Lillo.

mardi 8 avril 2008

Note de l'étranger - expertise et société

Plus je rentre en France plus je vis en Amérique, et mesure et apprécie les forces du milieu intellectuel états-unien. Je peine et je regrette. Je peine devant l'opacité existante et constamment produite, si ce n'est simplement reproduite - obfuscation et repos sur des fantômes de structures institutionnelles ou culturelles (càd les couloirs et les coups de téléphone, les réseaux et les coup-par-coup, la petite monnaie du politique qui fait ses grands effets. ça s'appelle le pouvoir, sans doute) - des processus professionnels et publics en France. Le milieu universitaire en confrontation avec le milieu technocratique, embrayeur du pouvoir et ses nouvelles dynamiques ; et ses nouvelles stratégies confusionnelles.
Le savoir et la tenue en ignorance. Le technocratique et la captation des informations, l'enclosure des savoirs publics (leur cryptage, par exemple - c'est une politique culturelle ; un censitaire politique masqué) qui sont autre chose, parallèle, que leur privatisation.
Question de la publicité du savoir.
Qui est liée à l'accountability publique des fonctionnaires et représentants démocratiques, pan particulièrement visiblement affaibli depuis la nouvelle présidence.

Il faut l'horizon d'une information ouverte - au moins - pour une démocratie. C'est, bien sûr, une ligne de front quotidienne, qui fait la matière de sa vie intensive. Ouvrir l'information. Travail de journalisme, travail d'analyse scientifique, travail public.

lundi 7 avril 2008

Le scientifique et le disciplinaire - plans tensifs

Par ignorance des situations des disciplines que je pratique moins ou pas, je suis étonnée de noter l'inquiétude qui monte aussi des SES. Echo par une des listes de diffusions inter-universitaires, reçu hier :

Les sciences économiques et sociales sont dans le collimateur des gouvernements de droite depuis tellement longtemps qu'on se demande comment elles ont survécu... sans doute en raison du soutien qu'elles obtiennent lors de chaque assaut. Pour leur apporter votre soutien, vous pouvez signer la pétition à l'adresse suivante: http://www.apses.org/petitions/index.php?petition=2

M'amène un peu plus substantiellement à comprendre que : il s'agit de l'existence sociale du scientifique - comme tel et distinctivement du pratique, utilitaire : "professionnalisant". Je le note en prolongement de cette autre question suivie, sur la situation du disciplinaire. Le découplage des disciplines (lâchage des SHS au CNRS, ciblage des littératures et de l'histoire - des littératures anciennes coeur de cible exemplaire) dans les discours de la campagne présidentielle 2007 et depuis), diviser pour régner, n'est pas invalidé par là, mais associé à un sort et à des enjeux communs.

L'étude différenciée des disciplines, telle que la fait sociologiquement Charles Soulié par exemple, est importante pour cette intelligence. Il y a une politique du savoir à l'oeuvre dans ce qu'on fait du rapport entre les disciplines, et dans le rapport que les disciplines mobilisent en réponse, entre elles ou séparément. C'est ancien - avec un jalon net au moment de la création de SLR, et les rencontres de logiques qui se sont caractérisées comme divergentes à cette occasion.

A penser dans le contexte plus large du rapport entre le scientifique et les modes du savoir, ou de "la connaissance" qui montent en situation de domination : le savoir-information (science de), le savoir "création" [c'est vraiment là un des points les plus serrés, à regarder. Trouver les moyens de l'observer. Le repérer. Les nouvelles oreilles qu'il faut trouver. Nouvelles cartographies à tracer, pour un champ d'étude. Pas facile. Il y a à mettre en tension poétique et "création"] - communication, blogosphere, capitalisme cognitif, creative class ; tous ces marqueurs de régimes du savoir [justement : il y en jeu aussi les plans mêmes du "cognitif", du théorique, de l'épistémologique, du scientifique, etc.] qui ont la faveur politique actuellement.
C'est une question du public (qu'est-ce qu'un savoir, social ?), qui est en jeu. Et de culture. Redéfinitions de. Une histoire se façonne sous nos quotidiens, dont nous sommes très difficilement les acteurs, et qui s'accélère. Coup d'histoire, puissant et violent, qui demande le type d'intelligence historique de Tocqueville, de Henry Adams.

vendredi 4 avril 2008

Evaluation de l'évaluation

Des choses qui me paraissent évidemment manquer dans le processus d'évaluation (masters) : une concertation entre évaluateurs, avant et pendant la campagne ; une vue sur les offres globales de formation (absurdité des arguments sur les situations "uniques" en absence de cette vue d'ensemble), dans les établissements et dans les régions, dans les cartes PRES et UMR et MSHs etc.

Une vue également de la ligne complète du processus d'évaluation : instances en amont et en aval, dans les établissements, les intermédiaires d'évaluation, et leurs différents destinataires. La lettre de mission, de cadrage, devrait/devait donner des éléments, j'imagine. Certainement incomplets.

Si l'évaluation, qui doit (c'est bien ça ?) constituer un avis scientifique pour instruire la décision ministérielle à la Direction générale, est découplée aussi clairement entre une expertise qui a à parler dans le vide (sur quel absolu ?, ou quel fond de disciplinarité ?), expertise du côté du scientifique pur, et une décision du côté du gestionnaire pur, => ? quelle est la justification officielle de cette coupure ? La vision acceptable, contractuelle, de la tutelle avec son corps ?
Qu'est-ce qu'un expert, ici ?

Evaluation de l'évaluation (le vertige de n'y trouver personne qui tient une vue d'ensemble)
et : le travail de contre-expertise - dans les termes de l'ARESER.

Devenirs transculturels de la " théorie "

La théorie revient, en France, depuis un côté où on ne l'attendait pas - par habituelle surdité à l'international dans le milieu intellectuel en France. La French theory a traversé des terrains institutionnels, des champs de force culturels-politiques tels, que partie chargée d'une histoire plus épaisse qu'elle ne pensait trop explicitement, elle revient chargée d'une multiplicité réjouissante. D'une charge de problèmes qui ont pris l'air, et l'histoire, et le contemporain, et l'horizon large et politiquement serré, tendu comme un arc, du géopolitique. Boule de neige de politique - réjouissante, riche, et tensive, dure.
Elle revient "anglo-saxonne" - mais passée par les néo-marxismes anglais, les culture wars américaines, l'historiographie postcoloniale indienne. Un parcours dans les milieux et trombes de l'anglais contemporain, où la figure de l'angliciste se retrouve, un peu ébaubie, placée au coeur de la scène. A lui d'apprendre à y parler.
Ce que fait un angliciste.

Weber, Bourdieu, Guillory

Il faut aller lire relire, vite, c'est un retard, Weber, Le savant et le politique, et L'esprit. Comme un bloc : une théorie du capitalisme, dans un temps du capitalisme, et une théorie de l'activité de savoir. C'est l'ensemble des plans pris ici ensemble qu'il faut regarder muter maintenant ; c'est la dynamique de cet ensemble chez Weber (et ses prolongements vers les Chicago Boys comme vers l'Ecole de Frankfort) qui est prometteuse de théorie.

Aller reprendre vite, c'est un retard, l'ensemble Bourdieu, et la sociologie de l'enseignement, du capital culturel, du pouvoir symbolique. Voir vers Guillory aussi. [ Se demander ce qu'est "culture" maintenant, dans les mains des puissants actuels. C'en est bien une. ça fait bouger les repères conceptuels, pour sûr. ]

La production des conservatismes

Les attaques des disciplines des SHS, délibérée planifiées ou haphazard, fabriquent les conservatismes dans les institutions ciblées. Les universités en première cible.

Il y a d'abord le dirigisme grandissant, qui fait décroître à proportion la marge de décision relevant du scientifique dans le développement institutionnel. L'autonomie des universités, on le sait déjà clairement, est un terme cache-sexe pour un interventionnisme, un dirigisme d'un nouveau type peut-être (comme "l'harmonisation européenne" a donné un coup de frein sec aux pauvres dynamiques existantes de circulation européenne des étudiants enseignants et chercheurs. C'est que l'autonomie donnée à fleurir est celle qui fait basculer l'institution du scientifique au gestionnaire). Ici j'observe un effet quotidien des rétrécissements de l'autonomie scientifique, dans l'opération de canalisation de la pensée par les intitulés de diplômes autorisés : le master de P8 devient "Lettres" (déjà la "Littérature française" elle-même avait dû muter en "Lettres" - une déperdition disciplinaire très marquée). "Lettres et Langues", l'intitulé des domaines autorisés. Les cloisonnements se reforment, et réémerge la vieille carte aux termes antiques, qui sentent la vieille Sorbonne. Plus facile ensuite de dénier la scientificité de ces lieux d'activité, certainement.
A devoir réapprendre à vivre avec ces amputations, et ces brouillages des horizons - c'est la scientificité qui est attaquée, toujours, coup après coup, sur tous ces versants, on n'avait même plus la conscience si nette qu'ils étaient si nombreux et divers à tenir ensemble ; on fait un rattrapage ultra-rapide en voyant les pans se fragiliser les uns après les autres. Une force sait très bien, éventuellement avec l'instinct un peu aveugle et tâtonnant d'une pente idéologique, où aller toucher, nerf après nerf - à devoir réapprendre à vivre avec ces pauvretés, les milieux laissent ou voient remonter de loin les vieux fonds idéologiques, libérés. Et on défend la littérature, on défend les Lettres.

Politique des disciplines - histoire et cultures

Les doctorats sont nécessairement amenés à se raréfier, à Paris 8 comme ailleurs, dans les disciplines des SHS, et des cultures et de l'histoire plus qu'ailleurs. Ce qui se dilue là est le noeud entre enseignement et recherche, et la force scientifique de l'université. Et de la culture du pays - pour commencer l'analyse par lui.

Il y a un contresens, qui révolte le sens théorique, à construire une modernité (mode : "modernisation") par les valeurs de la création et de l'innovation, en les contre-pensant, et en ignorant avec un soin délibéré et ferme, politique, les processus de la culture et de l'histoire. Ignorer le rapport d'économie politique entre société et valeur. Pousser les valeurs de transformation sociale et infra-super-structurelle, demander la vitesse de l'histoire, par le masquage même du processus historique, et ses longues traînes d'implications. Quelque chose d'obtus qui est autre chose que (ou finalement non ? - j'ai encore à comprendre, là, sans doute. Un immense programme devant moi, d'apprentissage par déchirement. What doesn't kill me makes me stronger ? Voire) l'ignorance par un point de vue adverse du point de vue de position. Conflit des théories, stratégies, et rapports de bénéfices politiques, entre points de vue (de disciplines, de classes, de positionnements politiciens...), mais aussi conflit de rapport au savoir, à l'analyse, au diagnostic. A ce qu'on fait du savoir pour le politique.

jeudi 3 avril 2008

L'école en France

Xavier Darcos l'invité des matins de France Culture ce matin. The usual pitting : discours sur les postes (nouvelles mobilisations des élèves à l'annonce des non-renouvellements des départs en retraite de prochaine fournée), contre discours sur les classements internationaux.

Pour la question de l'école en France ; dans ces termes ; dans ce niveau d'enjeu. Il me semble que c'est parce qu'elle emporte avec elle un membre entier de l'histoire de la nation comme républicaine. Une francité historique de la démocratie, de la modernité. Les instituteurs. Que A.-G. Slama appelle les "maîtres" ce matin, et qui ont été réintitulés "professeurs" des écoles depuis une génération. Quelque chose passe, on le regarde passer, et à vivre ce passage on voit aussi passer la traîne entière de ses implications : un ensemble culturel-politique immense, avec un pouvoir structurant, culturisant, si fort que son arrachage est long et douloureux et laisse une cavité culturelle affolante.

Il faut repasser par La République des universitaires, de C. Charle (pour commencer), et L'Institution de la raison, dirigé par F. Azouvi. Puis --

Expérience AERES

Un peu du mal à comprendre pourquoi cette sensation, à regarder les choses remonter des terrains des établissements chaque fois, du côté de l'AERES : une détente, un baromètre général beaucoup moins pressant, les enjeux émoussés, l'air dégagé. Une sorte de simplification du paysage. Les réalisations, au lieu de la tension d'avoir à répondre, et les calendriers d'urgence, et les négociations internes qui multiplient les plans d'enjeux avant même qu'on n'arrive à la ligne de front, et les créativités fantasmatiques infinies et infiniment fractalement ramifiées. On a coupé. Une netteté se découpe. Eventuellement, sur le mode de someone had blundered.

Cette sensation politique, affect de politique du savoir, est à explorer. Je ne peux que tendre l'analyse du côté d'une déperdition des enjeux. Le mordant, le souffrant, le tensif, d'un coup effacés. Qu'est-ce qu'il en reste, ou en quoi se transforment-ils, au moment de la rencontre (mais l'événement n'est bien sûr pas là - Waterloo where ?) avec la tutelle, son idéologie actuelle, et le couperet de décisionnel ? - qui n'est pas le tout du politique, après on vit encore. Bien la raison de la souffrance.
Une traduction en technolingue panoramique (qui permet d'opérer des reconfigurations sans emporter aucun enjeu, ses clameurs, ses vies) - ce n'est pas seulement ça.

Il y a aussi ce chaînon aveugle, opaque plus précisément, qui est celui de l'embrayage entre le scientifique passé aux canaux prescrits, et le politique.